La Saga de Njal. AnonymeЧитать онлайн книгу.
tête, répondit Hrut, mais j'y vois du pour et du contre. Je ferai pourtant comme tu voudras. De quel côté nous tournerons-nous?» Höskuld répondit: «Il y a ici beaucoup de chefs au ting, et le choix est grand; mais je sais déjà qui je veux demander pour toi. Elle s'appelle Unn; c'est la fille de Mörd Gigja, un homme très sage. Il est ici au ting, et sa fille avec lui; tu peux la voir, si tu veux.»
Le jour suivant, comme les hommes allaient au tribunal, ils virent devant les huttes de ceux de la Ranga des femmes vêtues de beaux habits. Höskuld dit à Hrut: «La voilà, c'est Unn, dont je t'ai parlé. Comment la trouves-tu?»--«Elle me plaît, dit Hrut, mais je ne sais pas si nous aurons du bonheur ensemble.» Et ils allèrent au tribunal. Mörd Gigja expliquait la loi, comme c'était sa coutume. Quant il eut fini, il retourna dans sa hutte. Höskuld se leva, puis Hrut; ils allèrent à la hutte de Mörd et y entrèrent. Mörd était assis au fond. Ils le saluèrent. Il se leva, prit la main d'Höskuld, et le fit asseoir à côté de lui. Hrut s'assit à côté d'Höskuld. Ils parlèrent de beaucoup de choses, et Höskuld en vint à dire: «J'ai une affaire à te proposer. Hrut veut devenir ton gendre et acheter la fille; et moi je n'y épargnerai rien». Mörd répondit: «Je sais que tu es un grand chef; mais ton frère m'est inconnu.» Höskuld reprit: «Il vaut mieux, que moi.»--Mörd dit: «Tu auras à y mettre beaucoup du tien, car ma fille aura tout l'héritage après moi.»--«Je ne chercherai pas longtemps ce que je veux promettre», répondit Höskuld. Il aura Kambsnes et Hrutstad, et toutes les terres jusqu'à Thrandargil; il a de plus un vaisseau marchand prêt à mettre à la voile. Alors Hrut dit à Mörd: «Tu vois que mon frère pour l'amour de moi a bien fait les choses. Si vous voulez donner suite à l'affaire, je veux que vous en fixiez tous deux les conditions.» Mörd répondit: «J'y ai pensé. Ma fille aura soixante cents; tu y ajouteras un tiers de ton domaine, et si vous avez des héritiers il y aura communauté de bien entre vous.» Hrut dit: «J'accepte les conditions; prenons maintenant des témoins.» Ils se levèrent et se donnèrent la main; et Mörd fiança à Hrut sa fille Unn. On décida que le mariage se ferait chez Mörd, un demi-mois après le milieu de l'été.
Et maintenant ils quittent le ting, et s'en retournent chacun chez soi. Höskuld et Hrut prennent à l'ouest, en passant devant le signal de Halbjörn. Et voici venir à leur rencontre Thjostolf, fils de Björn Gullberi du Reykjardal, disant qu'il était arrivé un vaisseau dans la Hvita; Össur, le frère du père de Hrut, venait d'en débarquer, et faisait dire à Hrut d'aller le trouver au plus tôt. Quand Hrut apprit cela, il pria Höskuld d'aller au vaisseau avec lui.
Ils se mirent donc tous deux en route, et quand ils furent au vaisseau, Hrut souhaita la bienvenue avec beaucoup de joie à son parent Össur. Össur les invita à entrer dans sa hutte et à boire. Ils descendirent de cheval, ils entrèrent, et ils burent. Hrut dit à Össur: «Tu vas venir avec moi dans l'Ouest, mon oncle, et tu passeras l'hiver chez moi.»--«Non pas, dit Össur; je t'annonce la mort d'Eyvind, ton frère. Il t'a fait son héritier au Gulating; et tes ennemis vont tout prendre si tu ne viens pas.»--« Que vais-je faire, mon frère? dit Hrut, il me semble que mon affaire se gâte, moi qui viens justement de conclure mon mariage.»--Höskuld dit: «Tu vas aller dans le Sud, trouver Mörd; tu le prieras de changer vos conventions. Il faut que sa fille s'engage à t'attendre, comme fiancée, trois hivers. Moi je retourne à la maison, et je ferai porter des vivres pour toi au vaisseau.»--«Et moi je veux, dit Hrut, que tu prennes de mes provisions, du bois, de la farine, et tout ce qu'il te plaira.»
Hrut fit amener ses chevaux, et partit pour le Sud. Höskuld s'en alla chez lui, à l'Ouest.
Hrut arriva à l'Est, dans la plaine de la Ranga, chez Mörd, ou il fut bien reçu. Il conta son affaire à Mörd, et lui demanda conseil. Mörd lui demanda de combien était l'héritage. Hrut dit qu'il était bien de deux cents marks, s'il pouvait tout avoir. «C'est beaucoup, dit Mörd, en comparaison de ce que je laisserai; tu peux partir si tu veux.» Ils changèrent leurs conventions; et Unn s'engagea à attendre Hrut, comme fiancée, pendant trois hivers.
Hrut revint au vaisseau, et il y passa l'été, jusqu'à ce que tout fût prêt. Höskuld fit apporter au vaisseau toutes les richesses de Hrut, et Hrut remit aux mains d'Höskuld la garde de ses domaines, pour le temps qu'il passerait au loin. Höskuld retourna chez lui. Peu de temps après, un bon vent souffla, et ils mirent à la voile. Ils furent trois semaines au large, et touchèrent terre à Hörn, dans le Hördaland, De là, ils firent voile à l'Est, jusqu'à Vik.
III
Harald Grafeld régnait en Norvège. Il était fils d'Eirik Blodöx, fils d'Harald Harfag. Sa mère s'appelait Gunhild. Elle était fille d'Össur Toti. Ils avaient leur habitation dans l'Est, à Konungahella.
Et voici qu'on apprit l'arrivée d'un vaisseau, à Vik. Sitôt que Gunhild sut la nouvelle, elle demanda quelle sorte de gens d'Islande étaient sur ce vaisseau. On lui dit que c'était un homme nommé Hrut, fils du frère d'Össur. «Je sais, dit Gunhild. Il vient chercher son héritage. Mais il y a un homme qui le détient, et qui se nomme Soti.» Elle appela un des hommes de sa maison, qui se nommait Ögmund: «Je vais t'envoyer au Nord, dit-elle, dans le pays de Vik, à la rencontre d'Össur et de Hrut; dis-leur que je les invite tous deux chez moi pour l'hiver, et que je veux être leur amie. Et si Hrut veux faire mes volontés, je l'aiderai dans son affaire d'héritage, et dans tout ce qu'il entreprendra. Et je le servirai auprès du roi.»
Ögmund partit, et vint trouver Össur et Hrut. Quand ils surent qu'il était l'homme de Gunhild, ils le reçurent de leur mieux. Il leur fit son message en secret; après quoi les deux parents se mirent à l'écart pour voir ce qu'ils avaient à faire. Össur dit à Hrut: «Je crois, mon neveu, que notre choix est tout fait, car je sais l'humeur de Gunhild. Sitôt que nous aurons refusé d'aller la trouver, elle nous fera mettre hors du pays, et prendra de force tous nos biens. Si nous y allons, elle nous rendra toutes sortes d'honneurs, comme elle nous l'a promis.» Ögmund s'en retourna, et quand il fut devant Gunhild, il lui dit la réponse à son message, et qu'ils allaient venir. «Je le savais bien, dit Gunhild; Hrut est un homme sage, et qui sait vivre; maintenant, sois vigilant, et quand ils approcheront du domaine, dis-le moi.»
Hrut et Össur se mirent en route vers Konungahella. Quand ils arrivèrent, leurs parents et leurs amis vinrent au devant d'eux avec beaucoup de joie. Ils demandèrent si le roi était dans son domaine. On leur dit qu'il y était. À ce moment, Ögmund vint les trouver. Il leur dit que Gunhild les saluait, et aussi qu'elle ne les ferait pas venir chez elle avant qu'ils n'eussent vu le roi, à cause de ce qu'on pourrait dire: «Il semblerait, ajoutait-elle, que je veux les prendre pour moi. Je ferai cependant pour eux tout ce qu'il me plaira. Que Hrut parle sans crainte au roi, et qu'il lui demande de devenir son homme.»--«Et voici, dit Ögmund, un habit que la reine t'envoie. C'est avec cet habit que tu iras trouver le roi.» Et Ögmund s'en alla.
Le jour suivant, Hrut dit à Össur: «Allons chez le roi.»--«Je veux bien» dit Össur; et ils y allèrent, au nombre de douze. Tous leurs parents et leurs amis étaient là. Ils entrèrent dans la salle où le roi était assis à boire, Hrut s'avança le premier, et salua le roi. Le roi regarda avec attention cet homme bien vêtu qui le saluait, et lui demanda son nom. Hrut se nomma. «Es-tu d'Islande?» dit le roi. Hrut répondit que oui, «Pourquoi es-tu venu chez nous?»--«Pour voir votre seigneurie, ô roi, et aussi, parce que j'ai une grosse affaire d'héritage dans ce pays-ci, et j'aurai besoin de votre aide pour qu'il me soit fait droit.» Le roi dit: «J'ai promis qu'il serait rendu justice à chacun dans mon royaume. Mais avais-tu encore autre chose à me dire en venant me trouver?»--«Seigneur, dit Hrut, j'ai à vous demander une place à votre cour, et de me faire votre homme.» Le roi se taisait, Gunhild lui dit: «Il me semble que cet homme vous fait beaucoup d'honneur; je suis d'avis que s'il y en avait un grand nombre comme lui à votre cour, elle serait bien garnie.»--«Est-ce un homme sage?» demanda le roi. «Sage et hardi» répondit-elle. «Je crois bien, dit le roi, que ma mère veut qu'on te fasse comme tu demandes; cependant, à cause de notre dignité, et de la coutume du royaume, je veux que tu reviennes dans un demi-mois seulement;