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Le capitaine Pamphile. Alexandre DumasЧитать онлайн книгу.

Le capitaine Pamphile - Alexandre Dumas


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lumière! c'est ça... et, pour m'assurer de mon expérience—il alluma la cire, cacheta le nœud et appuya le chaton de sa bague sur le cachet—là, en voilà pour un semestre. Maintenant, continua-t-il en perçant, à l'aide du canif, quelques trous dans le parchemin, maintenant, une plume et de l'encre? Avez-vous jamais demandé une plume et de l'encre à un peintre?

      —Non.

      —Eh bien, ne lui en demandez pas; car il ferait ce que fit Decamps: il vous offrirait un crayon.

      Thierry prit le crayon et écrivit sur le parchemin:

      2 septembre 1830.

      Or, le soir de la réunion dont nous avons essayé de donner une idée à nos lecteurs, il y avait juste cent quatre-vingt-trois jours, c'est-à-dire six mois et douze heures que mademoiselle Camargo indiquait invariablement, et sans s'être dérangée une minute, la pluie, le beau temps et le variable: régularité d'autant plus remarquable, que, pendant ce laps de temps, elle n'avait pas ingurgité un atome de nourriture.

      Aussi, lorsque Thierry, tirant sa montre, eut annoncé que la dernière seconde de la soixantième minute de la douzième heure était écoulée, et qu'on eut apporté le bocal, un sentiment général de pitié s'empara de l'assemblée en voyant à quel état misérable était réduite la pauvre bête qui venait, aux dépens de son estomac, de jeter sur un point obscur de la science une si grande et si importante lumière.

      —Voyez, dit Thierry triomphant, Schneider et Roesel avaient raison!

      —Raison, raison, dit Jadin en prenant le bocal et en le portant à la hauteur de son œil; il ne m'est pas bien prouvé que mademoiselle Camargo ne soit point défunte.

      —Il ne faut pas écouter Jadin, dit Flers; il a toujours été très mal pour mademoiselle Camargo.

      Thierry prit une lampe et la maintint derrière le bocal.

      —Regardez, dit-il, et vous verrez battre le cœur.

      En effet, mademoiselle Camargo était devenue si maigre, qu'elle était transparente comme un cristal, et que l'on distinguait tout l'appareil circulatoire; on pouvait même remarquer que le cœur n'avait qu'un ventricule et qu'une oreillette; mais ces organes faisaient leur office si faiblement, et Jadin s'était trompé de si peu, que ce n'était vraiment pas la peine de le démentir, car on n'aurait pas donné à la pauvre bête dix minutes à vivre. Ses jambes étaient devenues grêles comme des fils, et le train de derrière ne tenait à la partie antérieure du corps que par les os qui forment le ressort à l'aide duquel les grenouilles sautent au lieu de marcher. Il lui était poussé en outre, sur le dos, une espèce de mousse qui, à l'aide du microscope, devenait une véritable végétation marine, avec ses roseaux et ses fleurs. Thierry, en sa qualité de botaniste, prétendit même que cette imperceptible pousse appartenait à la famille des lentisques et des cressons. Personne n'entama de discussion là-dessus.

      —Maintenant, dit Thierry, lorsque chacun à son tour eut bien examiné mademoiselle Camargo, il faut la laisser souper tranquillement.

      —Et que va-t-elle manger? dit Flers.

      —J'ai son repas dans cette boîte.

      Et Thierry, soulevant le parchemin, introduisit dans l'espace réservé à l'air, une si grande quantité de mouches auxquelles il manquait une aile, qu'il était évident qu'il avait consacré sa matinée à les prendre et son après-midi à les mutiler. Nous crûmes que Mademoiselle Camargo en avait pour six autres mois: l'un de nous alla même jusqu'à émettre cette opinion.

      —Erreur, répondit Thierry; dans un quart d'heure, il n'y en aura plus une seule.

      Le moins incrédule de nous laissa échapper un geste de doute. Thierry, fort d'un premier succès, reporta mademoiselle Camargo à sa place habituelle, sans même daigner nous répondre.

      Il n'avait point encore repris sa place, lorsque la porte s'ouvrit, et que le maître du café voisin entra, portant un plateau sur lequel étaient un théière, un sucrier et des tasses. Il était immédiatement suivi de deux garçons qui portaient, dans une manne d'osier, un pain de munition, une brioche, une salade et une multitude de petits gâteaux de toutes les formes, de toutes les espèces.

      Ce pain de munition était pour Tom, la brioche pour Jacques, la salade pour Gazelle, et les petits gâteaux pour nous. On commença par servir les bêtes, puis on dit aux gens qu'ils étaient libres de se servir eux-mêmes comme ils l'entendaient: ce qui me paraît, sauf meilleur avis, être la meilleure manière de faire les honneurs de chez soi.

      Il y eut un instant de désordre apparent pendant lequel chacun s'accommoda à sa fantaisie et selon sa convenance. Tom emporta en grognant son pain dans sa niche; Jacques se réfugia, avec sa brioche, derrière les bustes de Malagutti et de Rata; Gazelle tira lentement la salade sous la table; quant à nous, nous primes, ainsi que cela se pratique assez généralement, une tasse de la main gauche et un gâteau de la main droite, et vice versa.

      Au bout de dix minutes, il n'y avait plus ni thé ni gâteaux.

      On sonna, en conséquence, le maître du café, qui reparut avec ses acolytes.

      —D'autres! dit Decamps.

      Le maître de café sortit à reculons et en s'inclinant pour obéir à cette injonction.

      —Maintenant, messieurs, dit Flers en regardant Thierry d'un air goguenard et Decamps d'un air respectueux, en attendant que mademoiselle Camargo ait soupé et que l'on nous apporte d'autres gâteaux, je crois qu'il serait bon de remplir l'intermède par la lecture du manuscrit de Jadin. Il traite des premières années de Jacques Ier, que nous avons tous l'honneur de connaître assez particulièrement, et auquel nous portons un intérêt trop cordial pour que les moindres détails recueillis sur lui n'acquièrent pas une grande importance à nos yeux. Dixit.

      Chacun s'inclina en signe de consentement; une ou deux personnes battirent même des mains.

      —Jacques, mon ami, dit Fau, lequel, en sa qualité de précepteur, était celui de nous tous qui était le plus intime avec le héros de cette histoire, vous voyez qu'on parle de vous: venez ici.

      Et, immédiatement après ces deux mots, il fit entendre un sifflement particulier si connu de Jacques, que l'intelligent animal ne fit qu'un bond de sa planche sur l'épaule de celui qui lui adressait la parole.

      —Bien, Jacques; c'est très beau d'être obéissant, surtout lorsqu'on a ses bajoues pleines de brioches. Saluez ces messieurs.

      Jacques porta la main à son front à la manière des militaires.

      —Et, si votre ami Jadin, qui va lire votre histoire, tenait sur votre compte quelques propos calomnieux, dites-lui que c'est un menteur.

      Jacques hocha la tête de haut en bas, en signe d'intelligence parfaite.

      C'est que Jacques et Fau étaient véritablement liés d'une amitié harmonique. C'était, de la part de l'animal surtout, une affection comme on n'en trouve plus chez les hommes; et à quoi cela tenait-il? Il faut l'avouer, à la honte de l'espèce simiane, ce n'était pas en ornant son esprit comme Fénelon avait fait pour le grand dauphin, c'était en flattant ses vices, comme l'avait fait Catherine à l'égard de Henri III, que le précepteur avait acquis sur l'élève cette déplorable influence. Ainsi Jacques, en arrivant à Paris, n'était qu'un amateur de bon vin: Fau en avait fait un ivrogne; ce n'était qu'un sybarite à la manière d'Alcibiade: Fau en avait fait un cynique de l'école de Diogène; il n'était que recherché, comme Lucullus: Fau l'avait rendu gourmand comme Grimod de la Reynière. Il est vrai qu'il avait gagné à cette corruption morale une foule d'agréments physiques qui en faisaient un animal très distingué. Il connaissait sa main droite de sa main gauche, faisait le mort pendant dix minutes, dansait sur la corde comme madame Saqui, allait à la chasse un fusil sous le bras et une carnassière sur le dos, montrait son port d'armes au garde champêtre et son derrière aux gendarmes. Bref, c'était un charmant mauvais sujet, qui n'avait eu que le tort de naître sous la Restauration au lieu de naître


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