Эротические рассказы

La Curée. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Curée - Emile Zola


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larmoyantes, elle emplit la chambre silencieuse de son dévouement. Son frère la regardait tourner, les lèvres serrées, comme abîmé dans une douleur muette.

      Le mal empira. Un soir, le médecin leur avoua que la malade ne passerait pas la nuit. Mme Sidonie était venue de bonne heure, préoccupée, regardant Aristide et Angèle de ses yeux noyés où s'allumaient de courtes flammes. Quand le médecin fut parti, elle baissa la lampe, un grand silence se fit. La mort entrait lentement dans cette chambre chaude et moite, où la respiration irrégulière de la moribonde mettait le tic-tac cassé d'une pendule qui se détraque. Mme Sidonie avait abandonné les potions, laissant le mal faire son œuvre. Elle s'était assise devant la cheminée, auprès de son frère, qui tisonnait d'une main fiévreuse, en jetant sur le lit des coups d'œil involontaires. Puis, comme énervé par cet air lourd, par ce spectacle lamentable, il se retira dans la pièce voisine. On y avait enfermé la petite Clotilde, qui jouait à la poupée, très sagement, sur un bout de tapis.

      Sa fille lui souriait, lorsque Mme Sidonie, se glissant derrière lui, l'attira dans un coin, parlant à voix basse.

      La porte était restée ouverte. On entendait le râle léger d'Angèle.

      —Ta pauvre femme... sanglota la courtière, je crois que tout est bien fini. Tu as entendu le médecin?

      Saccard se contenta de baisser lugubrement la tête.

      —C'était une bonne personne, continua l'autre, parlant comme si Angèle fût déjà morte. Tu pourras trouver des femmes plus riches, plus habituées au monde; mais tu ne trouveras jamais un pareil cœur.

      Et comme elle s'arrêtait, s'essuyant les yeux, semblant chercher une transition:

      —Tu as quelque chose à me dire? demanda nettement Saccard.

      —Oui, je me suis occupée de toi, pour la chose que tu sais, et je crois avoir découvert.... Mais dans un pareil moment.... Vois-tu, j'ai le cœur brisé.

      Elle s'essuya encore les yeux. Saccard la laissa faire tranquillement, sans dire un mot. Alors elle se décida.

      —C'est une jeune fille qu'on voudrait marier tout de suite, dit-elle. La chère enfant a eu un malheur. Il y a une tante qui ferait un sacrifice....

      Elle s'interrompait, elle geignait toujours, pleurant ses phrases, comme si elle eût continué à plaindre la pauvre Angèle. C'était une façon d'impatienter son frère et de le pousser à la questionner, pour ne pas avoir toute la responsabilité de l'offre qu'elle venait lui faire. L'employé fut pris en effet d'une sourde irritation.

      —Voyons, achève! dit-il. Pourquoi veut-on marier cette jeune fille?

      —Elle sortait de pension, reprit la courtière d'une voix dolente, un homme l'a perdue, à la campagne, chez les parents d'une de ses amies. Le père vient de s'apercevoir de la faute. Il voulait la tuer. La tante, pour sauver la chère enfant, s'est faite complice, et, à elles deux, elles ont conté une histoire au père, elles lui ont dit que le coupable était un honnête garçon qui ne demandait qu'à réparer son égarement d'une heure.

      —Alors, dit Saccard d'un ton surpris et comme fâché, l'homme de la campagne va épouser la jeune fille?

      —Non, il ne peut pas, il est marié.

      Il y eut un silence. Le râle d'Angèle sonnait plus douloureusement dans l'air frissonnant. La petite Clotilde avait cessé de jouer; elle regardait Mme Sidonie et son père, de ses grands yeux d'enfant songeur, comme si elle eût compris leurs paroles. Saccard se mit à poser des questions brèves:

      —Quel âge a la jeune fille?

      —Dix-neuf ans.

      —La grossesse date?

      —De trois mois. Il y aura sans doute une fausse couche.

      —Et la famille est riche et honorable!?

      —Vieille bourgeoisie. Le père a été magistrat. Fort belle fortune.

      —Quel serait le sacrifice de la tante?

      —Cent mille francs.

      Un nouveau silence se fit. Mme Sidonie ne pleurnichait plus; elle était en affaire, sa voix prenait les notes métalliques d'une revendeuse qui discute un marché.

      Son frère, la regardant en dessous, ajouta avec quelque hésitation:

      —Et toi, que veux-tu?

      —Nous verrons plus tard, répondit-elle. Tu me rendras service à ton tour.

      Elle attendit quelques secondes; et, comme il se taisait, elle lui demanda carrément:

      —Eh bien, que décides-tu? Ces pauvres femmes sont dans la désolation. Elles veulent empêcher un éclat.

      Elles ont promis de livrer demain au père le nom du coupable.... Si tu acceptes, je vais leur envoyer une de tes cartes de visite par un commissionnaire.

      Saccard parut s'éveiller d'un songe; il tressaillit, il se tourna peureusement du côté de la chambre voisine, où il avait cru entendre un léger bruit.

      —Mais je ne puis pas, dit-il avec angoisse, tu sais bien que je ne puis pas....

      Mme Sidonie le regardait fixement, d'un air froid et dédaigneux. Tout le sang des Rougon, toutes ses ardentes convoitises lui remontèrent à la gorge. Il prit une carte de visite dans son portefeuille et la donna à sa sœur, qui la mit sous enveloppe, après avoir raturé l'adresse avec soin. Elle descendit ensuite. Il était à peine neuf heures.

      Saccard, resté seul, alla appuyer son front contre les vitres glacées. Il s'oublia jusqu'à battre la retraite sur le verre, du bout des doigts. Mais il faisait une nuit si noire, les ténèbres au-dehors s'entassaient en masses si étranges, qu'il éprouva un malaise, et machinalement il revint dans la pièce où Angèle se mourait. Il l'avait oubliée, il éprouva une secousse terrible en la retrouvant levée à demi sur ses oreillers; elle avait les yeux grands ouverts, un flot de vie semblait être remonté à ses joues et à ses lèvres. La petite Clotilde, tenant toujours sa poupée, était assise sur le bord de la couche; dès que son père avait eu le dos tourné, elle s'était vite glissée dans cette chambre, dont on l'avait écartée, et où la ramenaient ses curiosités joyeuses d'enfant. Saccard, la tête pleine de l'histoire de sa sœur, vit son rêve à terre. Une affreuse pensée dut luire dans ses yeux. Angèle, prise d'épouvante, voulut se jeter au fond du lit, contre le mur; mais la mort venait, ce réveil dans l'agonie était la clarté suprême de la lampe qui s'éteint. La moribonde ne put bouger; elle s'affaissa, elle continua de tenir ses yeux grands ouverts sur son mari, comme pour surveiller ses mouvements. Saccard, qui avait cru à quelque résurrection diabolique, inventée par le destin pour le clouer dans la misère, se rassura en voyant que la malheureuse n'avait pas une heure à vivre. Il n'éprouva plus qu'un malaise intolérable. Les yeux d'Angèle disaient qu'elle avait entendu la conversation de son mari avec Mme Sidonie, et qu'elle craignait qu'il ne l'étranglât, si elle ne mourait pas assez vite. Et il y avait encore, dans ses yeux, l'horrible étonnement d'une nature douce et inoffensive s'apercevant, à la dernière heure, des infamies de ce monde, frissonnant à la pensée des longues années passées côte à côte avec un bandit. Peu à peu, son regard devint plus doux; elle n'eut plus peur, elle dut excuser ce misérable, en songeant à la lutte acharnée qu'il livrait depuis si longtemps à la fortune. Saccard, poursuivi par ce regard de mourante, où il lisait un si long reproche, s'appuyait aux meubles, cherchait des coins d'ombre. Puis, défaillant, il voulut chasser ce cauchemar qui le rendait fou, il s'avança dans la clarté de la lampe. Mais Angèle lui fit signe de ne pas parler. Et elle le regardait toujours de cet air d'angoisse épouvantée, auquel se mêlait maintenant une promesse de pardon. Alors il se pencha pour prendre Clotilde entre ses bras et l'emporter dans l'autre chambre. Elle le lui défendit encore, d'un mouvement de lèvres. Elle exigeait qu'il restât là. Elle s'éteignit doucement, sans le quitter du regard, et à mesure qu'il pâlissait, ce regard prenait plus de douceur. Elle pardonna au dernier soupir. Elle mourut comme elle avait vécu, mollement,


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