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Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du TerrailЧитать онлайн книгу.

Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris - Ponson du Terrail


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ne sais.

      Jusqu'au siège de Fraülen, nous nous étions aimés tous les quatre comme si nous eussions été frères. Nous allions ensemble au feu, nous ne nous quittions jamais.

      Cependant, en apprenant mon départ, une joie subite brilla dans leurs yeux.

      Je n'étais plus un ami, j'étais un rival.

      Je m'éloignais et leur laissais, croyaient-ils, le champ libre.

      —Prends garde! me dit Gaston de Lavenay. Si tu n'es pas ici dimanche...

      —Eh bien?

      —Nous enlèverons la Hongroise.

      —Je ne serai pas ici; mais je compte bien, répliquai-je, que si le sort m'a désigné...

      —Oh! nous tiendrons notre serment, sois tranquille, répondit Maurevailles.

      Ces mots me firent éprouver un remords passager.

      N'allais-je pas trahir mes camarades?

      Mais j'avais une excuse: la comtesse Haydée ne les aimait pas: elle m'aimait!...

      J'avais avec moi, au camp, un valet de chambre, Joseph, qui est encore à mon service et qui m'est dévoué jusqu'au fanatisme.

      Joseph avait sellé mon cheval, placé ma valise à l'arçon et il m'accompagnait.

      Une demi-heure après, j'étais de retour à Fraülen. Comme j'approchais des lignes de défense, j'avais placé mon mouchoir au bout de mon épée, m'annonçant ainsi comme un parlementaire. Les portes de Fraülen s'ouvrirent devant moi lorsque je montrai la lettre du marquis de Langevin pour le commandant de place.

      Le major Bergheim me reçut sur-le-champ, ouvrit la lettre du marquis, la lut, la relut, et finit par me regarder en souriant.

      —Je gage, me dit-il, que j'ai la moitié de votre secret.

      Je tressaillis.

      —Oh! si c'est ce que je crois, poursuivit-il, soyez persuadé que je n'y mettrai aucun obstacle, moi...

      Je gardai le silence.

      —Il y a longtemps, acheva-t-il, que je souhaite une mésaventure au comte de Mingréli.

      A ce nom, un léger incarnat colora mes lèvres.

      Le major Bergheim était un vieux courtisan qui avait eu de grands succès à Vienne, et même à Paris, où, dans sa première jeunesse, il était attaché à l'ambassade. Il admirait M. de Richelieu pour ses galanteries et il était toujours prêt à épauler un mauvais sujet.

      —Oh! vous pouvez parler avec moi, me dit-il. Je sais tout et je suis muet; je vois tout, et je suis aveugle. J'ai donc vu, la nuit dernière, que vous étiez tombé éperdument amoureux de la jeune comtesse Haydée.

      —Monsieur...

      —Et, certes, ce n'est pas moi qui vous trahirai.

      Je déteste le comte et je vous souhaite tout le succès possible auprès de sa fille.

      Je remerciai le major de ses voeux et lui demandai la permission d'aller me loger, muni d'un sauf-conduit qu'il me donna, dans un faubourg de la ville, où je m'empressai de changer de vêtement et de me métamorphoser; je m'appliquai une grande barbe, j'adoptai le costume des paysans hongrois et, grâce à la connaissance que j'avais de la langue de leur pays, je me donnai, dans l'hôtellerie où nous descendîmes, pour un riche paysan de la Hongrie orientale apportant ses redevances à son seigneur, qui se trouvait pour le moment à Fraülen.

      Et je passai la journée à chercher le moyen de soustraire, le soir même, la belle Hongroise à la tyrannie du comte...

      La nuit venue, je me rendis, sous mon nouveau costume, dans cette rue sombre, par laquelle j'avais déjà pénétré chez la jeune fille.

      La femme encapuchonnée m'attendait sur le seuil de la porte bâtarde. Elle me prit silencieusement la main, et, comme la veille, me conduisit, à travers le corridor ténébreux, jusqu'à cette porte secrète qui donnait accès dans le boudoir de la comtesse Haydée.

      IX

      OU TONY LIT LE DERNIER MOT DU SECRET

       DU MARQUIS

      La jeune fille,—acheva de lire Tony,—m'attendait avec impatience. A ma voix, elle étouffa un cri de joie.

      —Ah! venez vite, me dit-elle, j'ai une bonne nouvelle à vous donner.

      —Parlez, répondis-je en lui baisant la main.

      —Le comte part.

      —Où va-t-il?

      —A Vienne, où l'empereur le demande.

      —Et il ne vous emmène point?

      —Il le voulait; mais, depuis le matin, je me prétends malade.

      —Et il consent à vous laisser ici?

      —Oh! non pas, il m'envoie dans son château des bords du Danube.

      —Avec qui?

      —Sous la garde de ma gouvernante et d'une sorte d'intendant eu qui il a une confiance aveugle...

      —Mais alors...

      —La gouvernante est cette femme qui vous a conduit ici.

      —Et l'intendant?

      —Je l'ai acheté à prix d'or. Il favorisera notre fuite.

      —Eh bien, lui dis-je, cela tombe à merveille, car, démon côté, j'ai tout préparé.

      —Vraiment?

      —J'ai loué une barque pour descendre le Danube. Elle est montée par deux Bulgares.

      —Mais, me dit-elle, si nous descendons le Danube, où irons-nous?

      —En Turquie d'abord, afin qu'on perde nos traces.

      —Et puis?

      —En France.

      —Oh! Paris, me dit-elle avec un naïf enthousiasme, Paris!... le paradis eu ce monde! c'est là que je veux vivre.

      Je ne quittai Haydée que vers trois heures du matin, comme la nuit précédente.

      Le lendemain, le comte partit pour Vienne, et sa prétendue fille monta dans une litière avec sa gouvernante.

      A une lieue de Fraülen, la litière s'arrêta.

      En cet endroit la route côtoyait le Danube et une barque était amarrée dans les roseaux.

      Quatre hommes montaient cette barque, moi et mon domestique, déguisés toujours en paysans hongrois, et deux mariniers bulgares.

      L'intendant consentit à s'en aller, et la jeune fille et sa gouvernante s'assirent dans l'embarcation.

      Nous descendîmes le Danube jusqu'à la mer Noire.

      Là nous trouvâmes un navire de commerce français qui faisait voile pour le Bosphore.

      Deux mois après, nous débarquions à Marseille, et huit jours plus tard nous arrivions à Paris.

      Vous me permettrez, mon ami, de vous résumer en quelques lignes ma vie tout entière à partir de cette époque. J'étais parjure avec mes amis, et, malgré toutes les précautions que j'aie pu prendre, ils ont su que je les avais trahis et que j'avais enlevé Haydée.

      Longtemps mariés secrètement, nous avons vécu ignorés.

      Malheureusement, un jour, nous eûmes la folie de penser que ni Marc de Lacy, ni Maurevailles, ni Lavenay, à quatre années de distance, ne reconnaîtraient dans mademoiselle Haydée de Tresnoël, devenue marquise de Vîlers, la jeune comtesse hongroise de Mingrélie.

      J'annonçai


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