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Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris. Ponson du TerrailЧитать онлайн книгу.

Le serment des hommes rouges: Aventures d'un enfant de Paris - Ponson du Terrail


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C'est que la jeune enfant, depuis une heure, avait, elle aussi, son secret.

      Nous avons peu parlé d'elle. Pourquoi? Parce qu'on parle mal des anges. Sur terre, un ange ne fait pas de bruit; il aime dans la paix et ne songe qu'au bonheur tranquille de ceux qui l'entourent. Or Réjane était vraiment angélique.

      Restée au couvent jusqu'au mariage de sa soeur, elle en avait été retirée par la marquise, quelques jours après l'installation définitive de celle-ci à Paris. A l'hôtel de Vilers, c'était Réjane qui, sans qu'on le lui eût jamais demandé, veillait à ce que tous les ordres donnés par sa soeur ou par son beau-frère fussent toujours strictement exécutés. Elle avait étudié leurs petites habitudes et ne laissait en aucun temps rien à souhaiter au marquis ou à la marquise.

      Aussi cette dernière fut-elle bien étonnée d'avoir à lui dire deux fois:

      —Viens.

      Que s'était-il donc passé? Nous allons le dire. Réjane jouera, d'ailleurs, dans l'épouvantable drame que nous nous sommes donné la mission de raconter, un rôle trop important pour que nous la laissions plus longtemps dans l'ombre.

      Le comte de Lavenay n'était point venu seul au bal de l'Opéra. Ses amis, Albert de Maurevailles et Marc de Lacy y promenaient également leurs manteaux rouges et y cherchaient, chacun de son côté, la marquise, pendant que Lavenay la trouvait à l'endroit que nous connaissons.

      Au moment où madame de Vilers faisait vis-à-vis à Tony, un flot de curieux sépara d'elle Joseph et Réjane, puis, jetant le vieux valet de chambre sur une banquette, repoussa dans le couloir la pauvre enfant affolée.

      Dans ce couloir, un gigantesque tambour-maître paradait, à moitié gris, devant les femmes qui l'admiraient et les hommes qui l'applaudissaient.

      Réjane vint s'échouer contre lui.

      Quand il s'agit de se faire remarquer, tous les moyens sont bons.

      Le tambour-maître confia sa canne à un voisin et, asseyant la jeune fille sur sa main, la brandit en l'air et la secoua, comme il eût fait de sa canne.

      La foule trépignait d'aise. Quant à Réjane, stupéfaite, effrayée, elle allait s'évanouir.

      Tout à coup, le tambour-maître reçut en pleine poitrine un formidable coup de poing.

      —Misérable! lui cria une voix.

      Et celui, qui avait frappé et parlé, lui arracha l'enfant, la saisit dans ses bras et, jouant des coudes, la porta dans la salle des rafraîchissements où il lui administra un cordial.

      C'était Maurevailles.

      —Oh! monsieur, vous êtes bon, lui dit l'enfant, et je vous remercie.

      Et, ce disant, elle le regarda longuement, comme pour se souvenir à jamais des traits de son bienfaiteur.

      Hélas, c'en était fait! Elle venait de graver pour toujours le portrait de celui-ci dans son coeur.

      La tendre enfant qui, jusqu'à ce moment fatal, avait ignoré l'amour, allait aimer, pour son malheur éternel, l'un des hommes qui avaient juré de tuer M. de Vilers et de posséder la marquise!

      Quelques instants après, celui-ci la remettait entre les mains de Joseph, sans qu'elle eût osé lui demander son nom, et c'est cette timidité qu'elle se reprochait pendant que sa soeur l'appelait en vain...

      A la fin pourtant, elle reconnut la voix de la marquise et se leva soudain.

      Tony aida les deux femmes et Joseph à sortir du bal.

      Au moment où elle montait en litière, la marquise lui saisit vivement le bras.

      —Oh! dites-moi tout, fit-elle. Dites-moi la vérité... si terrible qu'elle soit.

      —Aujourd'hui je ne puis, dit Tony.

      —Pourquoi?

      Il n'hésita point à mentir, tant l'endroit lui semblait déplacé pour apprendre à la marquise une si horrible nouvelle, et répondit:

      —Je ne la connais pas suffisamment. Mais je la connaîtrai demain et je vous en ferai part. Je vous le promets.

      Et, certain que les Hommes Rouges ne pourraient attenter à la marquise, puisqu'il les avait vus dans le bal en sortant, il salua sa protégée et revint se poster à la porte de l'Opéra pour les empêcher au besoin, autant que Dieu le lui permettrait, de se mettre à sa poursuite.

      Quel ne fut pas son étonnement quand il trouva sous le péristyle la bonne mame Toinon!

      La pauvre femme faisait pour lui ce qu'il faisait pour la marquise.

      —Ah! viens, s'écria-t-elle avec effroi en le revoyant seul auprès d'elle. Si tu savais ce que j'ai entendu!!!

      Et, bon gré mal gré, elle l'entraîna vers la rue des Jeux-Neufs.

      Chemin faisant, Tony, de nouveau enserré dans les bras de mame Toinon, lui demanda naturellement des explications sur son redoublement de terreur.

      —Ah! mon pauvre ami, dit-elle, dans quelles aventures t'es-tu jeté!

      —Mais enfin qu'y a-t-il?

      —Il y a que, au moment où tu reconduisais tes grandes dames, deux hommes sont venus rejoindre l'oiseau qui voulait te tuer.

      —Qu'est-ce que cela fait? répliqua tranquillement Tony.

      —Ce que ça fait? Ah! tiens, tu m'épouvantes. Tu cours à la mort, pour sûr. Ils étaient vêtus de rouge, comme lui.

      —De rouge? Alors c'étaient les marquis de Maurevailles et de Lacy...

      —Comme tu nous défiles leurs noms! Ils ne savent pas le tien, eux, mais s'ils te tenaient!

      —Qu'avez-vous donc entendu?

      —Voici. Quand tu es passé devant eux, celui que tu sais a raconté ton affaire aux autres. Sais-tu aussi ce que le grand a répondu? Il a dit: «Puisque ce petit-là veut nous gêner, tu as eu tort de ne pas en finir avec lui.» A quoi l'autre a répliqué: «Veux-tu que je lui cherche querelle? Dans une seconde ce sera fait.—Non, a riposté notre oiseau, j'ai réfléchi. Il y a un lieutenant de police à Paris. Il pourrait se fâcher à la fin. Attendons une occasion meilleure.» J'espère que tu te tiendras tranquille maintenant?

      —Je n'en ai plus le droit.

      —Tu me feras mourir.

      Et, jusqu'à la maison, la pauvre femme se répandit en jérémiades désespérées!

      XIII

      A L'HOTEL DE VILERS

      Après avoir enfin gagné sa chambre, Tony, tout bouleversé par les terreurs de mame Toinon, récapitula dans son cerveau les événements singuliers dont il venait d'être témoin et acteur.

      Pour un enfant de seize ans, habitué à l'existence calme et un peu effacée qu'il avait menée jusqu'alors auprès de la bonne mame Toinon, il y avait de quoi devenir fou.

      Tony en était à se demander s'il n'avait pas rêvé, si le duel sans témoins, la cassette d'ébène, le manuscrit du mort, l'histoire des Hommes Rouges et enfin l'aventure du bal de l'Opéra n'étaient pas le résultat d'un épouvantable cauchemar...

      Malheureusement il n'y avait pas à en douter. Tout cela était arrivé, bien véritablement arrivé.

      —Que vais-je faire, ou plutôt que dois-je faire? se demandait le jeune commis en s'asseyant, pour réfléchir, sur le bord de sa couchette.

      Il songeait que son premier devoir était maintenant d'informer la comtesse de Vilers de la mort de son mari. Mais il était peut-être bien tôt pour se présenter à l'hôtel. La jeune femme, rentrant du bal, épuisée par tant d'émotions, n'avait-elle pas besoin d'un repos si péniblement


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