L'oeuvre des conteurs allemands. AnonymeЧитать онлайн книгу.
la convaincre, la réduire; que j'allais l'obliger à m'avouer tout, sans autre subterfuge. Ma curiosité grandissait et je ne sais pas pourquoi je goûtais un plaisir particulier.
L'orage éclata. Les coups de tonnerre se succédaient sans interruption. Je fis semblant d'avoir très peur. Marguerite venait à peine de se coucher qu'au premier éclair je sautai hors de mon lit et je me réfugiai toute tremblante auprès d'elle. Je la suppliai de bien vouloir me recevoir; je lui dis que ma mère le faisait à chaque orage. Elle me prit dans son lit, me caressa pour me tranquilliser. Je la tenais enlacée, je la serrais de toutes mes forces. À chaque éclair, je me blottissais contre elle. Marguerite m'embrassait machinalement, par bonté et non comme je l'aurais désiré. Je ne savais comment faire pour obtenir davantage.
La chaleur de son corps me pénétrait et me réjouissait beaucoup. Je cachais mon visage entre ses seins. Un frisson inconnu me courait le long des membres. Pourtant je n'osais pas toucher ce que je désirais tant. J'étais prête à tout et je n'avais plus aucun courage, maintenant que tout allait s'accomplir. Tout à coup, je m'avisai de me plaindre d'une douleur qui siégeait assez bas. Je ne savais pas ce que cela pouvait être. Je gémissais. Marguerite me tâta et je guidai sa main de-ci de-là. Je lui assurai que la douleur diminuait quand je sentais la chaleur de sa main et qu'elle disparaissait complètement quand elle me frictionnait. Je disais cela si candidement que Marguerite ne pouvait pas deviner mon dessein. Ses attouchements étaient d'ailleurs beaucoup trop dociles et non pas passionnés. Je l'embrassais, je me serrais contre elle, mes bras l'étreignaient, emprisonnaient son buste et, peu à peu, je sentis que d'autres sentiments l'envahissaient.
Sa main me caressait avec précaution, avec timidité même, mais avec cette timidité sûre d'elle-même et qui finit par arrivera ses fins. Marguerite allait avec beaucoup d'hésitation encore. Elle était aussi craintive que moi. Ces caresses peureuses me causaient pourtant un plaisir indicible. Je sentais que chez elle aussi des désirs s'éveillaient. Mais je me gardai bien de lui avouer que ses caresses me faisaient plus de bien que le soulagement passager de mes prétendues douleurs. Et, en vérité, c'était une sensation tout autre que de savoir une main étrangère sur moi!
Une chaleur ravissante pénétrait tout mon corps. Et quand son doigt me frôlait, comme le papillon frôle la fleur épanouie, je tressaillais longuement. Je lui dis alors que ma douleur persistait, que j'avais dû me refroidir, puisque j'avais si mal. Cela lui faisait évidemment plaisir de pouvoir soulager mon mal avec si peu de peine. Sa caresse se faisait exquisement douce, maintenant elle descendait, s'attardait de plus en plus aux endroits les plus sensibles de tout mon être. Mais cela me faisait réellement mal; quand je tressaillais, elle retournait bien vite au point douloureux. Elle s'excitait manifestement; sa tendresse augmentait, son étreinte était plus étroite. J'avais atteint mon but. Bien que mon expédient ne fût pas très ingénieux, elle se plaignit tout à coup d'une douleur de même sorte que la mienne. Elle aussi s'était probablement refroidie. Je lui proposai de la soulager comme elle avait fait pour moi. C'était très naturel, puisqu'elle-même me faisait tant de bien. Elle agréa aussitôt mon offre et me laissa libre chemin. J'étais très fière de voir ma ruse réussir. Néanmoins je caressais gauchement et timidement l'objet de tous mes désirs. Je ne voulais pas me trahir. Je reconnus tout de suite une très grande différence. Tout était beaucoup plus plein et plus mûr que chez moi. Ma main ne bougeait pas, elle se contentait de toucher.
Marguerite ne pouvait supporter cette immobilité. Elle se soulevait, se tordait; ses bras tremblaient et s'agitaient étrangement, et tout à coup elle me déclara que sa douleur exigeait plus d'activité. Complaisamment, mais sans trop me presser, je tâchai d'apaiser cette malencontreuse douleur. J'éprouvais un grand plaisir à reconnaître tous les détails de l'admirable structure de la créature humaine. Mais j'étais toujours si maladroite et si inexpérimentée que Marguerite devait s'agiter elle-même pour cueillir le fruit de sa dissimulation. C'est ce qu'elle faisait aussi et je tenais maintenant le rôle que mon père avait eu quand ma mère était active et lui immobile. Marguerite approchait, haletante et tremblante, elle se jetait passionnément sur ma chevelure, elle baisait mes cheveux jusqu'à la racine. Au début, ses baisers étaient tièdes et humides, bientôt ils furent brûlants et secs. Maintenant elle poussait des petits cris inarticulés et mon front fut tout à coup pressé dans un baiser très chaud. Je compris qu'elle était arrivée aux dernières limites de son plaisir. Son excitation se calma aussitôt, elle s'étendit immobile à mes côtés et respirait avec peine.
Tout m'avait réussi. Le hasard et ma ruse m'avaient été propices. Je voulais mener cette intimité jusqu'au bout, coûte que coûte. Quand Marguerite revint à elle, elle était très gênée. Elle ne savait comment m'expliquer sa conduite et me cacher sa volupté. Mon immobilité la trompait. Elle pensait que j'ignorais encore tout de ces choses. Elle réfléchissait à ce qu'elle devait faire, à ce qu'elle devait me dire pour que l'aventure n'eût pas de suites fâcheuses quant à sa position dans la maison de mon oncle. Elle voulait me tromper sur le caractère de la douleur qu'elle avait feinte. Moi aussi j'étais indécise sur ce que j'allais faire. Devais-je faire semblant d'être ignorante ou justifier ma conduite en lui avouant ma curiosité? Si je faisais l'ingénue, elle pouvait facilement me tromper et me raconter des choses inexactes que j'aurais été forcée de croire pour ne pas me trahir. Mais j'étais plus avide qu'anxieuse. Je résolus donc d'être sincère, tout en lui cachant pourtant que mon calcul avait amené le nouvel état de choses. Marguerite semblait regretter de s'être abandonnée à la fougue de son tempérament.
Je la calmai en lui racontant tout ce que j'avais appris le jour précédent. Je la suppliai de bien vouloir m'expliquer ces choses, puisque ses soupirs, ses mouvements et l'étrange fatigue qui l'avait immobilisée m'avaient révélé qu'elle était initiée. Je lui cachai cependant que je l'avais surprise, elle aussi, et que je savais à quels jeux elle se livrait en cachette; car je voulais me convaincre qu'elle n'allait pas me tromper. Mes questions naïves et curieuses la soulagèrent beaucoup. Elle se sentait de nouveau très à l'aise, comme une aînée donnant des leçons ou des conseils à une ingénue. Et comme je lui racontais tout avec de nombreux détails, et même la conduite passionnée de ma mère, elle n'eut plus honte et m'avoua qu'à côté de la religion elle ne connaissait rien de plus beau au monde que les jouissances sexuelles. Elle m'apprit donc tout, et si dans la suite vous trouvez quelque philosophie dans mes notes, j'en dois les premières notions à ma chère Marguerite, qui avait une grande expérience.
J'appris la conformation exacte des deux sexes; de quelle façon s'accomplissait l'union; avec quelles sèves précieuses étaient atteints les buts naturels et humains, la perpétuation du genre humain et la plus forte volupté terrestre; et pourquoi la société voile ces choses et les entoure avec tant de mystères. J'appris encore que, malgré tous les dangers qui les entourent, les deux sexes peuvent quand même atteindre un assouvissement presque complet. Elle me mit en garde contre les suites malheureuses auxquelles une jeune fille s'expose en s'abandonnant toute. Ce que ma main inhabile lui avait procuré et ce que mon cousin avait fait étaient de ces assouvissements presque complets. Bien qu'elle eût connu toutes les joies de l'amour dans les bras d'un jeune homme vigoureux, elle était complètement satisfaite en se bornant aux joies qu'elle pouvait se donner elle-même, car elle avait eu un enfant et elle avait connu tous les malheurs d'une fille-mère. Elle me montra par l'exemple de sa vie qu'avec beaucoup de prudence et de sang-froid on pouvait s'adonner à bien des jouissances. L'histoire de sa vie était très intéressante et très instructive; elle me fut un exemple jusqu'à ma trentième année; elle fera le contenu de ma prochaine lettre. Pourtant j'avais déjà deviné bien des choses par moi-même. Ce qu'elle m'apprit de nouveau ne cessait de me surprendre.
Tout cela était très beau, mais ce n'était toujours pas la chose même. Je brûlais de partager et de connaître moi-même ces sensations qui, sous mes yeux, avaient agité jusqu'à l'évanouissement six personnes si différentes. Pendant que Marguerite parlait, j'avais repris mon jeu sur son corps qu'elle avait si sensible. J'enroulais les boucles de ses cheveux, et quand elle parlait plus passionnément, je pressais son front brûlant et écartais amoureusement les mèches qui tombaient presque jusqu'à ses yeux. Je voulais lui faire comprendre que mon éducation n'était pas complète sans la pratique. Elle me racontait comment elle s'était