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Le parfum des îles Borromées. Boylesve RenéЧитать онлайн книгу.

Le parfum des îles Borromées - Boylesve René


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      —Mademoiselle, fit Dompierre, je vous le dirai à vous toute seule, si vous voulez bien que je vous embrasse.

      Et il souleva dans ses bras la charmante enfant qu'il embrassa sur les deux joues, beaucoup plus heureux et confus qu'elle même.

       Table des matières

      L'après-midi, quand le soleil a tourné de l'autre côté du grand bâtiment de l'Hôtel des Îles-Borromées qui forme ainsi un vaste écran contre la chaleur torride, les pensionnaires avides d'air quittent leurs chambres et viennent, autour de petites tables, prendre avec nonchalance des rafraîchissements.

      Mme Belvidera, avant d'avoir achevé sa toilette, regardait par la jalousie entre-bâillée de sa fenêtre, ce monde venu de tous les points de l'Europe et de l'Amérique, jouir, quelques semaines ou quelques jours, du plaisir de ces rives de lacs dont l'ardente séduction, dissimulée sous une mollesse apparente, est incomparable à l'automne. Elle était prise déjà, depuis cinq ou six jours, par l'étrange magie du paysage et du climat, et habituée qu'elle était à la spirituelle gravité du pays florentin ou aux jeux sévères de la lumière et de l'ombre romaines, elle s'abandonnait avec délices à la douceur nouvelle qui semblait s'élever de l'immense nappe d'eau avec les vapeurs du matin et du soir.

      Tout en boutonnant d'un doigt distrait la chemisette de batiste légère qui formait la toilette simple de presque toutes les femmes sous le ciel de septembre, elle laissait aller ses yeux au hasard sur les figures nouvelles ou déjà connues des buveurs indolents. Un clergyman anglais et sa respectable épouse, qui étaient ses voisins de table et avec qui, cependant, elle n'avait pas encore échangé un mot, l'amusaient par leur seul aspect. Le bonhomme, petit, sec, serré dans une redingote d'alpaga qui ne s'ouvrait que pour laisser paraître le bord étroit d'un col blanc, donnait de toute sa personne l'impression de la vertu. Sa femme, impeccable, et sans cesse attachée à ses pas, était d'une laideur sans égale. Mme Belvidera ne put retenir un sourire en les apercevant tous les deux, rigides et muets à la petite table où ils savouraient un café glacé. La physionomie de Dante-Léonard-William piquait aussi vivement sa curiosité. Elle avait été charmée de son imagination, de ses beaux vers et de son excentricité; le souvenir de la marchande de fleurs sur le lac où l'Anglais s'était montré si original lui faisait passer encore aujourd'hui de petits frissons entre les épaules. On disait que la belle Carlotta avait fait tourner la tête au poète. Elle aurait aimé a savoir si cela était vrai. Mais elle ne pouvait penser à cet homme sans être tentée de lever un peu les épaules, comme s'il eût eu quelque chose de grotesque que l'on ne démêlait pas clairement. Son ami disait de lui qu'il était un homme supérieur... Elle allait soulever son épaule, comme à l'ordinaire, en signe de doute, quand elle s'aperçut que M. Dompierre, le grand ami de la petite Luisa, levait les yeux, sans indiscrétion ni insistance, mais a intervalles réguliers, dans la direction de sa fenêtre. Elle rougit. C'était la troisième fois qu'elle remarquait le mouvement de la fine tête maigre et bronzée du jeune Français, où la longue moustache blonde et les yeux clairs et tendres formaient un immuable dessin lumineux. Tout en causant avec son ami, il relevait la tête vers la fenêtre avec un air de dévotion si touchant, de désir si manifeste de la voir s'ouvrir, que la jeune femme en eut la sensation d'une caresse, et, fronçant le sourcil avec une pointe de colère, elle se retira de la fenêtre et appela la petite Luisa.

      —Luisa! Luisa! tu n'as pas vu la lettre de Papa?

      L'enfant accourut de la chambre voisine, en faisant crier la femme de chambre qui était en train de l'habiller et parut derrière elle, ayant à la main des lacets rompus par la précipitation.

      —Voyons! voyons! fais voir la lettre de Papa!

      La mère prit sur la cheminée une lettre dont les pages étaient remplies d'une grande écriture ferme et hardie, de ces écritures dont le premier aspect fait épanouir la figure des graphologues, qui sentent qu'ils peuvent dire tout de ce caractère sans risquer de choquer ni l'auteur ni ses amis.

      La fillette saisit la lettre de ses deux mains, alla s'asseoir pour être bien à l'aise, et lut, tout haut et lentement, avec l'empressement, l'amour et la touchante admiration qu'elle manifestait toutes les fois qu'il était question de son père:

      Rome, 8 septembre.

       Ma femme bien-aimée,

      J'embrasse ta lettre ainsi que le griffonnage de la petite Luisa; tu te moquerais de moi si tu me voyais; je t'entends rire, de ton rire à toi, ma chérie, chérie! Mais, vois-tu bien, je suis accablé par cette séparation. Je viens de consulter le calendrier: il n'y a que trois semaines, pourtant! Je suis tenté de maudire cette Rome au climat mortel qui m'oblige à vivre éloigné de toi et de mon enfant. Hélas! puis-je aussi maudire ce qui me retient ici? Tout va bien; mais si je n'avais été là, que serait-il arrivé? J'ai à lutter chaque jour contre mille difficultés soulevées par la méchanceté et la jalousie. Il se trouve que tout le monde avait pensé avant moi à cette «œuvre du Transtévère» que je crois cependant avoir fondée de toutes pièces, au milieu de la stupéfaction et même de l'hilarité générales. Te rappelles-tu? S'est-on assez moqué de moi? Nos beaux esprits s'en sont-ils donné? Ai-je rencontré assez d'opposition de la part des pouvoirs publics? Quand il s'est agi d'obtenir pour un quartier mourant de fièvre dans des taudis empestés, des logements à bon marché dans cette ville toute neuve et saine, mais sans locataires depuis quinze ans, j'ai cru un moment que l'on allait me faire enfermer pour cause de démence! Toi-même, ma chère aimée, tu me conseillais de céder, tu me disais, dans ton joli égoïsme d'amour, qu'il est bien dommage de faire le bien, quand on a toute la multitude contre soi, et jusqu'à ceux mêmes que l'on veut obliger. J'ai tenu à montrer que l'on peut agir malgré tout cela. Non, ça n'a pas été facile de déloger nos malheureux; ils voulaient mourir dans leur fumier; ils prétendaient que les maisons neuves sont mauvaises. Cependant, chez tous mes «transplantés», au nombre de douze cents environ, nous n'avons pas eu de tout l'été six cas de fièvre nouveaux; or tu te rappelles les chiffres qui t'effrayaient lorsque je faisais mes premières enquêtes. Tous les enfants sont indemnes désormais, et ceux qui avaient déjà été atteints précédemment ont des forces et n'interrompent pas leur travail. Car ils travaillent; voilà la grande affaire, la grande nouveauté, ce dont je n'osais pas parler, ce que je ne t'ai pas dit même à toi! C'était si aléatoire, presque si invraisemblable! Cela dépendait de tant d'éléments divers et étrangers à leur indolence même! Oh! ça n'est pas encore brillant, mais ça vient, ça s'arrange: j'ai beaucoup mieux que de l'espoir; ce sera une réussite complète si... si...—et c'est là que j'aurai besoin de loi, ma Luisa,—si les femmes du monde, et toi à leur tête, veulent bien nous aider.

      Je veux recréer tous les arts manuels; tous les arts industriels qu'un homme ou une femme adroits de leurs mains, peuvent exécuter chez eux. Nos pauvres gens ne sont pas dépourvus d'habileté; ils ont presque tous un goût inné. Je veux que toutes les dames romaines donnent la préférence aux objets fabriqués à la main, sur tous les produits d'une industrie qui, hélas! n'est pas nationale. Il ne faut tirer de notre peuple que ce qu'il peut donner; mais encore, ce qu'il peut donner, faut-il le lui prendre! Il y a là une question de propagande, même une question de mode à lancer. Le bruit fait autour de mon entreprise, dans le monde politique, et qui s'étendra, rendra cette tâche facile. Le président du Conseil m'a fait appeler, ces jours-ci, afin de prendre des renseignements minutieux sur cette affaire; et d'autre part, j'ai vu le Roi qui m'a fort encouragé. Nous aurons, je pense, un bon hiver, et ce ne serait que le commencement de plus grandes choses. Dieu sait si notre Rome a besoin de grandes choses!

      Vers la fin du mois, j'espère pouvoir prendre une quinzaine de jours de liberté. Ce sera pour aller vous rejoindre dans le paradis des îles Borromées que tu me décris sous des couleurs si riantes. Mais encore faudra-t-il que je passe à Florence, où l'on m'accuse de m'occuper beaucoup trop


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