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La Comédie de la mort. Theophile GautierЧитать онлайн книгу.

La Comédie de la mort - Theophile Gautier


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      Dans le fond de mon âme, agitant ma pensée,

       Je restais là rêveur et la tête baissée

       Debout contre un tombeau.

       C'était un marbre neuf, et sur la blanche épaule

       D'un génie éploré, les longs cheveux d'un saule

       Tombaient comme un manteau.

      La bise feuille à feuille emportait la couronne

       Dont les débris jonchaient le fût de la colonne;

       On aurait dit les pleurs

       Que sur la jeune fille, au printemps moissonnée,

       Pauvre fleur du matin, avant midi fanée,

       Versaient les autres fleurs.

      La lune entre les ifs faisait luire sa corne;

       De grands nuages noirs couraient sur le ciel morne

       Et passaient par devant;

       Les feux follets valsaient autour du cimetière,

       Et le saule pleureur secouait sa crinière

       Éparpillée au vent.

      On entendait des bruits venus de l'autre monde,

       Des soupirs de terreur et d'angoisse profonde,

       Des voix qui demandaient

       Quand donc à leurs tombeaux l'on mettrait des fleurs neuves,

       Comment allait la terre, et pourquoi donc leurs veuves

       Aussi longtemps tardaient?

      Tout à coup… j'ose à peine en croire mon oreille,

       Sous le marbre entr'ouvert, ô terreur! ô merveille!

       J'entendis qu'on parlait.

       C'était un dialogue, et, du fond de la fosse,

       A la première voix, une voix aigre et fausse

       Par instant se mêlait.

      Le froid me prit. Mes dents d'épouvante claquèrent;

       Mes genoux chancelants sous moi s'entrechoquèrent.

       Je compris que le ver

       Consommait son hymen avec la trépassée,

       Eveillée en sursaut dans sa couche glacée,

       Par cette nuit d'hiver.

      LA TRÉPASSÉE.

      Est-ce une illusion? Cette nuit tant rêvée,

       La nuit du mariage elle est donc arrivée?

       C'est le lit nuptial.

       Voici l'heure où l'époux, jeune et parfumé, cueille

       La beauté de l'épouse, et sur son front effeuille

       L'oranger virginal.

      LE VER.

      Cette nuit sera longue, ô blanche trépassée,

       Avec moi, pour toujours, la mort t'a fiancée;

       Ton lit c'est le tombeau.

       Voici l'heure où le chien contre la lune aboie,

       Où le pâle vampire erre et cherche sa proie,

       Où descend le corbeau.

      LA TRÉPASSÉE.

      Mon bien-aimé, viens donc! l'heure est déjà passée

       Oh! tiens-moi sur ton coeur, entre tes bras pressée.

       J'ai bien peur, j'ai bien froid.

       Réchauffe à tes baisers ma bouche qui se glace.

       Oh! viens, je tâcherai de te faire une place

       Car le lit est étroit!

      LE VER.

      Cinq pieds de long sur deux de large. La mesure

       Est prise exactement; cette couche est trop dure,

       L'époux ne viendra pas.

       Il n'entend pas tes cris. Il rit dans quelque fête.

       Allons, sur ton chevet repose en paix ta tête

       Et recroise tes bras.

      LA TRÉPASSÉE.

      Quel est donc ce baiser humide et sans haleine,

       Cette bouche sans lèvres est-ce une bouche humaine,

       Est-ce un baiser vivant?

       O prodige! A ma droite, à ma gauche, personne.

       Mes os craquent d'horreur, toute ma chair frissonne

       Comme un tremble au grand vent.

      LE VER.

      Ce baiser c'est le mien: je suis le ver de terre;

       Je viens pour accomplir le solennel mystère.

       J'entre en possession;

       Me voilà ton époux, je te serai fidèle.

       Le hibou tout joyeux fouettant l'air de son aile

       Chante notre union.

      LA TRÉPASSÉE.

      Oh! si quelqu'un passait auprès du cimetière!

       J'ai beau heurter du front les planches de ma bière,

       Le couvercle est trop lourd!

       Le fossoyeur dort mieux que les morts qu'il enterre.

       Quel silence profond! la route est solitaire;

       L'écho lui-même est sourd.

      LE VER.

      A moi tes bras d'ivoire, à moi ta gorge blanche,

       A moi tes flancs polis avec ta belle hanche

       A l'ondoyant contour;

       A moi tes petits pieds, ta main douce et ta bouche,

       Et ce premier baiser que ta pudeur farouche

       Refusait à l'amour.

      LA TRÉPASSÉE.

      C'en est fait! c'en est fait! Il est là! sa morsure

       M'ouvre au flanc une lame et profonde blessure;

       Il me ronge le coeur.

       Quelle torture! O Dieu, quelle angoisse cruelle!

       Mais que faites-vous donc lorsque je vous appelle,

       O ma mère, ô ma soeur?

      LE VER.

      Dans leur âme déjà ta mémoire est fanée,

       Et pourtant sur ta fosse, ô pauvre abandonnée,

       L'oranger est tout frais.

       La tenture funèbre à peine repliée,

       Comme un songe d'hier elles t'ont oubliée,

       Oubliée à jamais.

      LA TRÉPASSÉE.

      L'herbe pousse plus vite au coeur que sur la fosse;

       Une pierre, une croix, le terrain qui se hausse,

       Disent qu'un mort est là.

       Mais quelle croix fait voir une tombe dans l'âme!

       Oubli! seconde mort, néant que je réclame,

      


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