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Les trois hommes en Allemagne. Джером К. ДжеромЧитать онлайн книгу.

Les trois hommes en Allemagne - Джером К. Джером


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et moi je dirai que mon plan, tout au contraire, avait été de partir en bande, avec femmes et enfants; j'aurais emmené ma tante; nous aurions loué un vieux château délicieux, que je connais en Normandie, dans un endroit où le climat convient particulièrement aux enfants délicats, et où le lait est tel qu'on n'en trouve pas de pareil en Angleterre. J'ajouterai que vous avez singulièrement exagéré en avançant que nous serions plus heureux, voyageant seuls.

      On n'arrive à rien avec George par la douceur; il faut montrer de la fermeté.

      —Dites-leur cela, s'écria Harris, et voici ce que je proposerai à mon tour: Nous louerons ce château. Vous emmènerez votre tante, ça j'y tiens, et vous verrez l'agrément de ce mois de vacances. Les enfants raffolent tous de vous; J... et moi nous disparaîtrons. Vous avez déjà promis à Edgar de l'initier à l'art de la pêche. Ce sera encore vous qui jouerez aux animaux sauvages. Dick et Muriel, depuis dimanche, ne font que parler de votre apparition en hippopotame. Nous ferons des pique-niques dans la forêt: nous ne serons que onze. Le soir, un peu de musique, et on dira des vers. Muriel possède déjà six morceaux, et les autres enfants, tous, apprennent très vite.

      Ces menaces rabattirent le caquet de George, et, le petit incident clos, la question se posa derechef: que ferions-nous?

      Harris, comme toujours, penchait pour la mer; il nous parla d'un petit yacht, juste ce qu'il nous fallait, un yacht que nous pourrions manœuvrer nous-mêmes, sans l'aide d'une bande odieuse de fainéants, de ces gens qui ne savent que flâner à votre bord, ajouter aux dépenses et qui enlèvent au voyage son charme et sa poésie. Il se targuait de le faire marcher, son yacht, avec le seul concours d'un mousse débrouillard. Nous connaissions ce genre de yacht et nous le lui dîmes; nous avions déjà passé par là, Harris et moi. A l'exclusion de tout autre parfum ce bateau sent la vase et les herbes pourries, arômes contre lesquels l'air pur de la mer ne saurait lutter. Il n'y a pas d'abri contre la pluie; le salon a dix pieds sur quatre; la moitié en est occupée par un poêle qui s'effondre quand on veut l'allumer. Vous êtes forcé de prendre votre tub sur le pont et le vent emporte votre peignoir au moment même où vous sortez de l'eau.

      Harris et le mousse feraient tout le travail intéressant; hisser la voile, gouverner, nager debout au vent, prendre des ris. A eux tous les agréments, tandis que George et moi nous éplucherions les pommes de terre et ferions le ménage.

      —Soit, concéda-t-il, prenons un beau yacht avec un capitaine et faisons les choses grandement.

      Je m'y opposai encore. Je les connais, ces capitaines et leur manière de naviguer.

      Jadis, il y a des années, jeune et sans expérience, je louai un yacht. La coïncidence de trois événements m'avait fait commettre cette folie: Ethelbertha avait le désir de respirer l'air pur de la mer; j'avais eu un coup de chance, et le lendemain matin même, au club, mes yeux étaient tombés sur un numéro du Sportsman, où je lus l'annonce suivante:

      Aux amateurs de yachting

      Occasion unique:

      L' «ESPIÈGLE», YOLE, 28 TONNES. LE PROPRIÉTAIRE, SUBITEMENT RAPPELÉ POUR AFFAIRES, LOUERAIT CE LÉVRIER DE L'OCÉAN, YACHT SUPERBEMENT AGENCÉ, POUR PÉRIODE COURTE OU LONGUE. DEUX CABINES, SALON, PIANO WOFFENKOFF, CHAUDIÈRE EN CUIVRE NEUF, 10 GUINÉES PAR SEMAINE. S'ADRESSER A PERTWEE ET Cie, 3a, BUCKLERSBURY.

      Cela m'avait fait l'effet d'une révélation du ciel.

      La chaudière en «cuivre neuf» m'importait peu: je pensais qu'on pourrait attendre pour faire notre petite lessive. Mais le «piano Woffenkoff» m'inspirait. Je voyais déjà Ethelbertha jouant, le soir, quelques chansons, dont l'équipage, avec un peu d'entraînement, reprendrait le refrain, tandis que notre demeure mobile bondirait, tel un lévrier agile, à travers les ondes argentées.

      Je hélai un cab et me fis conduire directement à Bucklersbury. Mr Pertwee, un quidam d'aspect modeste, avait un bureau sans prétention au troisième étage. Il me montra une image à l'aquarelle de l'Espiègle, fuyant sous le vent. Le pont était incliné à quelque 90° sur l'océan. Aucun être humain n'était visible sur ce pont: je suppose qu'ils avaient tous glissé à l'eau,—je ne vois pas en effet comment on aurait pu s'y maintenir à moins d'y avoir été cloué. Je fis remarquer cette circonstance fâcheuse à l'agent. Il m'expliqua que l'Espiègle était représenté au plus près serré, lors de la victoire fameuse qu'il remporta dans la coupe challenge de la Medway. Mr Pertwee me croyait au courant de cet événement et je préférai m'abstenir de le questionner. Deux petites taches près du cadre, que j'avais d'abord prises pour des mouches, représentaient, paraît-il, les deuxième et troisième gagnants de cette course célèbre. Une photographie du yacht ancré près de Gravesend était moins impressionnante, mais éveillait l'idée d'une plus grande stabilité. Toutes les réponses à mes questions ayant été favorables, je louai pour quinze jours. Mr Pertwee dit qu'il se félicitait de ce que je ne retinsse pas son yacht pour plus longtemps (j'arrivai plus tard à être de son avis), car ce laps s'accordait exactement avec une autre location: si j'avais demandé le yacht pour trois semaines, il aurait été dans l'obligation de me le refuser.

      L'affaire étant conclue, Mr Pertwee me demanda si j'avais un capitaine en vue. Par chance je n'en avais pas (tout semblait tourner en ma faveur), car Mr Pertwee était certain que je ne pourrais mieux faire que de garder Mr Goyles, actuellement en fonction, homme qui connaissait la mer comme un mari connaît sa femme et n'avait jamais eu à déplorer la perte d'un passager.

      Ceci se passait dans la matinée et le yacht se trouva être mouillé près de Harwich. Je pus prendre l'express de 10 h. 45 à Liverpool Street et à une heure je causais avec Mr Goyles à bord de l'Espiègle. C'était un gros homme aux manières paternes. Je lui fis part de mon plan: contourner les îles hollandaises et naviguer lentement vers la Norvège. Il fit: «Bien, bien,» et parut enthousiasmé de cette excursion, disant que cela l'amuserait aussi. Nous abordâmes la question de l'approvisionnement; il s'enthousiasma encore davantage. J'avoue que la quantité de victuailles proposée par Mr Goyles me surprit. Si nous avions vécu au temps de Drake et de la piraterie espagnole, j'aurais pu craindre qu'il ne machinât un coup. Cependant il riait avec sa bonhomie paternelle, assurant que nous n'exagérions pas. Les restes, s'il devait y en avoir, l'équipage se les partagerait et les emporterait, selon la coutume. Il me sembla que j'approvisionnais ces hommes pour tout l'hiver, mais, ne voulant pas paraître avare, je ne dis plus rien. La quantité de boisson réclamée m'étonna également.

      —Nous n'allons pas, dis-je, faire les apprêts d'une orgie, Mr Goyles?

      —Orgie! Voyons, ils ne prendront qu'une goutte d'alcool dans leur thé.

      Il m'exposa sa devise: recruter de bons matelots et bien les traiter.

      —Ils travaillent de meilleur cœur et, une autre fois, reviennent à votre service.

      Je ne tenais pas à ce qu'ils revinssent jamais à mon service. Je commençais à me dégoûter d'eux avant de les avoir vus, les considérant comme un équipage par trop vorace et altéré. Mr Goyles était si plein d'entrain et moi tellement inexpérimenté que là encore je laissai faire.

      Je lui laissai aussi le soin d'enrôler l'équipage. Il dit qu'il «en» viendrait à bout avec deux hommes et un mousse. S'il faisait allusion au nettoiement des victuailles et des boissons, il n'y pouvait réussir avec si peu de monde; mais peut-être voulait-il parler de la conduite du yacht.

      En rentrant je passai chez mon tailleur et commandai un costume de yachting avec casquette blanche; il promit de se dépêcher et de me le livrer en temps voulu; puis je rentrai raconter à Ethelbertha l'emploi de mon temps. Sa joie ne fut troublée que par cette seule pensée: la couturière aurait-elle le temps de lui faire un costume? Voilà bien les femmes.

      Mariés depuis peu, nous décidâmes de n'inviter personne. Je rends grâces au ciel de cette décision. Le lundi, nous nous équipâmes de pied en cap et partîmes. Je ne sais plus ce que portait Ethelbertha; en tout cas, elle était fort élégante. Mon costume bleu, garni d'une étroite tresse blanche, faisait aussi très bon effet.

      Mr


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