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Les voyageurs du XIXe siècle. Jules VerneЧитать онлайн книгу.

Les voyageurs du XIXe siècle - Jules Verne


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El-Ghor, entre deux chaînes de montagnes, plaine peu cultivée, que parcourent des Arabes nomades.

      Seetzen continua sans incident remarquable son voyage à travers la Décapole, si ce n'est qu'il dut se déguiser en mendiant pour échapper à la rapacité des indigènes.

      «Je mis sur ma chemise, dit-il, un vieux kambas ou robe de chambre et par-dessus une vieille chemise bleue et déchirée de femme; je me couvris la tête de quelques lambeaux et les pieds de savates. Un vieux abbaje en loques, jeté sur les épaules, me garantissait contre le froid et la pluie, et une branche d'arbre me servait de bâton. Mon guide, chrétien grec, prit à peu près le même costume, et c'est dans cet état que nous parcourûmes le pays pendant dix jours, souvent arrêtés par des pluies froides qui nous mouillèrent jusqu'à la peau. Je fus même obligé de marcher toute une journée, pieds nus, dans la boue, parce qu'il m'était impossible de me servir de mes savates sur cette terre grasse et toute détrempée par l'eau.»

      Draa, qu'on rencontre un peu plus loin, n'est plus qu'un amas de ruines désertes, et l'on n'y trouve aucun reste des monuments qui la rendaient célèbre autrefois.

      Le district d'El-Botthin, qui vient ensuite, renferme plusieurs milliers de cavernes, creusées dans le roc, qu'occupaient ses anciens habitants. Il en était encore à peu près de même lors du passage de Seetzen.

      Mkês était jadis une ville riche et considérable, comme le prouvent ses débris très nombreux de colonnes et ses sarcophages. Seetzen l'identifie avec Gadara, une des villes secondaires de la Décapolitaine.

      A quelques lieues de là, sont situées les ruines d'Abil, l'Abila des anciens. Seetzen ne put déterminer son guide Aoser à s'y rendre, effrayé qu'il était des bruits qui couraient sur les Arabes Beni-Szahar. Il dut donc aller seul.

      «Elle est totalement ruinée et abandonnée, dit le voyageur; il n'y a plus un seul édifice sur pied, mais les ruines et les débris attestent sa splendeur passée. On y trouve de beaux restes de l'ancienne enceinte et une quantité de voûtes et de colonnes de marbre, de basalte et de granit gris. Au delà de cette enceinte, je trouvai un grand nombre de colonnes, dont deux d'une grandeur extraordinaire. J'en conclus qu'il y avait ici un temple considérable.»

      En sortant du district d'El-Botthin, Seetzen entra dans celui d'Edschlun. Il ne tarda pas à découvrir les ruines importantes de Dscherrasch, qui peuvent être comparées à celles de Palmyre et de Baalbek.

      

      CARTE DE L'EGYPTE, DE LA NUBIE et d'une partie de L'ARABIE.

       Gravé par E. Morieu, 23 r. de Bréa, Paris

      «On ne saurait s'expliquer, dit Seetzen, comment cette ville, autrefois si célèbre, a pu échapper jusqu'ici à l'attention des amateurs de l'antiquité. Elle est située dans une plaine ouverte, assez fertile et traversée par une rivière. Avant d'y entrer, je trouvai plusieurs sarcophages avec de très beaux bas-reliefs, parmi lesquels j'en remarquai un sur le bord du chemin avec une inscription grecque. Les murs de la ville sont absolument écroulés, mais on reconnaît encore toute leur étendue, qui peut avoir été de trois quarts et même d'une lieue. Ces murs étaient entièrement construits de pierres de taille de marbre. L'espace intérieur est inégal et s'abaisse vers la rivière. Aucune maison particulière n'a été conservée; en revanche, je remarquai plusieurs édifices publics, qui se distinguaient par une très belle architecture. J'y trouvai deux superbes amphithéâtres, construits solidement en marbre, avec des colonnes, des niches, etc., le tout bien conservé; quelques palais, et trois temples, dont l'un avait un péristyle de douze grandes colonnes d'ordre corinthien dont onze sont encore sur pied. Dans un autre de ces temples, je vis une colonne renversée, du plus beau granit d'Égypte poli. J'ai encore trouvé une belle porte de ville, bien conservée, formée de trois arcades et ornée de pilastres. Le plus beau monument que j'y trouvai était une rue longue, croisée par une autre et garnie des deux côtés d'une file de colonnes de marbre d'ordre corinthien et dont une des extrémités se terminait en une place semi-circulaire entourée de soixante colonnes d'ordre ionique..... Au point où les deux rues se croisent, on voit dans chacun des quatre angles un grand piédestal de pierre de taille qui portait apparemment autrefois des statues..... On reconnaît encore une partie du pavé, construit de grandes pierres de taille. En général, je comptai près de deux cents colonnes, qui supportent en partie encore leur entablement; mais le nombre de celles qui sont renversées est infiniment plus considérable, car je ne vis que la moitié de l'étendue de la ville, et l'on trouvera probablement dans l'autre moitié, au delà de la rivière, encore une quantité de curiosités remarquables.»

      

      Jérusalem. (Page 10.)

      Suivant Seetzen, Dscherrasch ne peut être que l'ancienne Gerasa, ville qui avait jusqu'alors été placée d'une façon très défectueuse sur toutes les cartes.

      Le voyageur traversa bientôt la Serka, le Jabek des historiens hébreux, qui formait la limite septentrionale du pays des Ammonites, pénétra dans le district d'El-Belka, pays autrefois florissant, mais alors absolument inculte et désert, où l'on ne trouve qu'un seul bourg, Szalt, l'ancienne Amathuse. Seetzen visita ensuite Amman, célèbre, sous le nom de Philadelphia, parmi les villes décapolitaines, où l'on trouve encore de belles antiquités; Eléale, ancienne ville des Amorites; Madaba, qui portait le nom de Madba au temps de Moïse; le mont Nebo, Diban, le pays de Karrak, patrie des Moabites; les ruines de Robba, (Rabbath), résidence des anciens rois du pays, et il arriva, après de nombreuses fatigues, à travers un pays montueux, dans la région située à l'extrémité méridionale de la mer Morte et nommée Gor-es-Szophia.

      La chaleur était très forte, et il fallait traverser de grandes plaines de sel que n'arrose aucun cours d'eau. Ce fut le 6 avril que Seetzen arriva à Bethléem et peu après à Jérusalem, non sans avoir terriblement souffert de la soif, mais après avoir traversé des contrées infiniment curieuses, qu'aucun voyageur moderne n'avait jusqu'alors parcourues.

      En même temps, il avait recueilli de précieuses informations sur la nature des eaux de la mer Morte, réfuté bien des fables grossières, redressé bien des erreurs des cartes les plus précises, contribué à l'identification de mainte cité antique de la Perœa, et constaté l'existence de ruines nombreuses qui témoignaient du degré de prospérité atteinte par cette région sous la domination romaine. Le 25 juin 1806, Seetzen quittait Jérusalem et rentrait par mer à Saint-Jean-d'Acre.

      «Cette traversée avait été un véritable voyage de découvertes,» dit M. Vivien de Saint-Martin dans un article de la Revue Germanique de 1858.

      Mais, ces découvertes, Seetzen ne voulut pas les laisser incomplètes. Dix mois plus tard, il faisait une seconde fois le tour du lac Asphaltite, et, par ce nouveau voyage, ajoutait beaucoup à ses premières observations.

      Le voyageur gagna ensuite Le Caire, où il séjourna deux années entières. Là, il acheta la plupart des manuscrits orientaux qui font la richesse de la bibliothèque de Gotha, recueillit tous les renseignements possibles sur les pays de l'intérieur, mais guidé par un instinct très sûr, et n'accueillant que ceux qui semblaient revêtir tous les caractères d'une certitude presque absolue.

      Ce repos relatif, bien que si éloigné de l'oisiveté, ne pouvait longtemps convenir à l'insatiable soif de découvertes de Seetzen. Au mois d'avril 1809, il quittait définitivement la capitale de l'Égypte, se dirigeant vers Suez et la presqu'île du Sinaï, qu'il comptait visiter avant de pénétrer en Arabie. Pays fort peu connu, l'Arabie n'avait été visitée que par des négociants malouins, venus sur place pour acheter la «fèvre de Moka». Jusqu'à Niebuhr, aucune expédition scientifique n'avait été


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