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Blanche et Bleue ou les deux couleuvres-fées,. AnonymousЧитать онлайн книгу.

Blanche et Bleue ou les deux couleuvres-fées, - Anonymous


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      —Votre maîtresse, répondit Hân-wen, ne pourra marcher avec ses petits pieds sur ce chemin glissant; mais, nous autres hommes, nous courons partout d'un pas ferme et assuré. D'ailleurs, me voici tout près de la maison de mon beau-frère; ainsi, mademoiselle, rien n'empêche que vous acceptiez mon offre.

      —Monsieur, répondit la petite Bleue, nous vous remercions mille fois de vos bontés, et nous ne les oublierons jamais; mais je crains de ne point vous trouver lorsque je viendrai demain chez vous pour vous remettre votre parapluie. Dans ce cas, comment devrai-je faire?

      —Mademoiselle, lui répondit Hân-wen, il n'est pas nécessaire de me le reporter; demain matin, si le temps est pur, je viendrai moi-même le prendre chez vous.

      —Vous avez une excellente idée», repartit la petite Bleue; elle lui indique aussitôt son adresse, et lui fait ses adieux.

      La petite Bleue prend le parapluie de la main gauche, et de la droite elle soutient sa jeune maîtresse[16]. Au moment de s'éloigner, elles lancent au jeune homme quelques coups d'œil passionnés; mais elles avaient déjà subjugué l'âme et les sens de Hân-wen. Dès qu'elles l'ont quitté, il les suit des yeux, et ne songe à s'en retourner que lorsqu'il les a entièrement perdues de vue.

      Laissons partir les deux fées, et revenons à Hân-wen.

      Hân-wen, tout occupé de la passion qui s'était emparé de lui, marcha lentement, et n'arriva que fort tard chez son beau-frère.

      «Mon frère, lui dit Hiu-chi[17] en l'apercevant, par quel hasard avez-vous trouvé du loisir pour venir nous voir?

      —Ma sœur, répondit Hân-wen, comme c'est aujourd'hui l'heureuse époque appelée Tsing-ming, j'ai demandé à M. Wang la permission d'aller sur la montagne faire des offrandes funèbres sur les tombes de mon père et de ma mère, et j'ai profité de cette occasion pour venir m'informer de la santé de mon beau-frère et de ma sœur.»

      A ces mots, Hiu-chi est transportée de joie. «Mon frère, lui dit-elle, cette conduite fait l'éloge de votre piété filiale et de votre excellent naturel. Mon mari est sorti de bonne heure pour se rendre à son bureau, où l'appelaient des occupations pressantes; je vous prie de vous asseoir.»

      Aussitôt elle se hâte de faire chauffer du vin et de préparer des légumes, et les sert dans le vestibule. Le frère et la sœur mangent à la même table, et s'entretiennent affectueusement ensemble; mais Hân-wen se garda bien de dire un mot des jeunes filles qu'il avait rencontrées dans le bateau, et auxquelles il avait prêté son parapluie. Le repas fini, Hiu-chi dispose un lit pour son frère dans une chambre particulière, et l'engage à aller prendre du repos.

      Mais à peine Hân-wen fut-il couché, qu'il se mit à penser aux deux belles qu'il avait vues et qui avaient fait une si vive impression sur lui; toute la nuit, il se tourne et s'agite dans son lit, et ne peut trouver un instant de sommeil.

      Parlons maintenant des deux fées, qui étaient retournées dans leur jardin fleuri. Blanche dit à sa servante: «Vous avez vu, petite Bleue, de quelle manière Hân-wen nous a regardées; il est décidément amoureux, et je suis sûre que demain matin il ne manquera pas de venir lui-même chercher son parapluie. Je vous avouerai qu'il m'a plu par sa figure noble et gracieuse et par ses paroles pleines de bonté et de douceur, et je m'estimerais heureuse de pouvoir devenir son épouse. Mais une chose m'arrête; ce jeune homme n'a pas de fortune, et il lui sera impossible de faire les dépenses nécessaires. Nous-mêmes, nous sommes aussi pauvres que lui, et n'aurions pas une seule once d'argent à lui donner. Que faire? que devenir?

      —Madame, répondit la petite Bleue, votre servante avait tout à l'heure la même pensée que vous; mais s'il ne s'agit que de lui offrir une somme d'argent, je n'y vois aucune difficulté. Vous êtes douée d'une puissance surnaturelle qui ne connaît point de bornes; faites ce soir un tour de magie, et vous ne serez plus en peine pour le combler de riches présents. Je vois à cela plusieurs avantages: d'abord vous ferez briller à ses yeux notre opulence, et il vous prendra pour la fille de quelque magistrat de première distinction; en second lieu, il sera pénétré de reconnaissance pour les bienfaits dont vous l'aurez comblé.

      —Voilà une heureuse idée, repartit Blanche toute joyeuse; ce soir même je veux essayer ma puissance magique.»

      La nuit arrive, et, à la troisième veille, Blanche saisit sa précieuse épée, s'élance au sommet de la constellation du Boisseau; et à l'aide de quelques paroles magiques, elle évoque tous les démons des cinq parties du monde. Ils obéissent à sa voix puissante, et, en un clin d'œil, elle les voit tous prosternés devant elle. «Madame, lui dirent-ils d'une voix tremblante, quels ordres suprêmes avez-vous à nous donner?

      —J'ordonne, dit-elle, à tous ces démons d'aller me chercher cette nuit mille onces d'argent. Celui qui me désobéira sera châtié sur l'heure.»

      Ils s'éloignent tous, et vont délibérer en secret. Soudain ils se rendent à la ville de Tsien-tang, s'introduisent sans être vus dans le trésor, et dérobent les mille onces d'argent, qu'ils vont remettre entre les mains de Blanche.

      Dès que Blanche eut reçu la somme dont elle avait besoin, elle congédia les démons.

      Les deux fées vont faire leur toilette, et revêtir une parure brillante qui doit rehausser leurs charmes. Un poète a dit, dans une occasion semblable:

      Le chasseur prépare un arc ciselé avec art, pour percer le tigre de la forêt; le pêcheur attache à l'hameçon un appât odorant, pour attirer et prendre le poisson Ngao.

      Cependant Hân-wen était couché dans la chambre que lui avait préparée sa sœur aînée. Toute la nuit il ne cessa de penser aux deux jeunes filles, et ne put dormir un seul instant. Son impatience était trop grande pour qu'il attendît l'aurore. Il se lève, s'habille avec un soin recherché, et revêt un habit d'un rouge éclatant. Il sort à la dérobée sans avertir sa sœur, et court directement à la rue des Deux-Thés. Un vieillard était debout à l'entrée de la rue. «Mon vénérable ami, lui dit Hân-wen, j'oserai vous demander si c'est ici la rue des Deux-Thés.

      —Vous y êtes, répondit le vieillard.

      —Veuillez me dire, ajouta Hân-wen, dans quelle partie de la rue est situé l'hôtel du général Leblanc.

      —Tout ce que je sais, repartit le vieillard, c'est que vous êtes dans la rue des Deux-Thés; quant à l'hôtel du général Leblanc, je ne sais pas ce que vous voulez dire.»

      A ces mots, il quitte le jeune homme et disparaît.

      Dans son embarras, Hân-wen entre dans la rue, et se dispose à examiner attentivement toutes les maisons. Il aperçoit d'abord un jardin magnifique qui étalait toutes les richesses du printemps. Comme il était occupé à examiner ce jardin, soudain la petite Bleue ouvre la porte et vient au-devant de lui.

      Hân-wen palpite de joie en reconnaissant la petite Bleue; et s'approchant d'elle d'un air empressé: «Mademoiselle, lui dit-il, me voici venu pour vous voir.

      —Monsieur, lui répond la petite Bleue avec un air épanoui, veuillez entrer.»

      Hân-wen a bientôt franchi le seuil de la porte; il suit la petite Bleue, qui le conduit dans un vestibule appelé le Pavillon des parfums.

      «Veuillez vous asseoir, lui dit-elle, en attendant que j'aille dans l'intérieur avertir ma maîtresse de votre arrivée.

      —Mademoiselle, répondit Hân-wen, gardez-vous de déranger votre maîtresse; prenez seulement le parapluie et remettez-le à votre serviteur, qui a hâte de partir.

      —Seigneur, répondit la petite Bleue, il faut que je vous dise qu'hier mademoiselle m'a recommandé instamment de l'avertir quand vous viendriez chercher votre parapluie, afin de pouvoir venir elle-même vous remercier.

      —Comment


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