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Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron Читать онлайн книгу.

Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron - Ciceron


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du peuple, lorsqu’il voulait faire passer sa loi de la réélection des tribuns ? Je m’élevai contre cette proposition. Mais je ne parlerai pas de moi, je parlerai seulement et avec plaisir de Scipion. Quelle gravité, grands dieux ! quelle majesté dans sa harangue ! Vous eussiez dit du chef des Romains et non de leur concitoyen[25] ; mais vous y étiez présents, et sa harangue a été publiée. Aussi cette loi, quoique populaire, fut rejetée par les suffrages du peuple même. Et pour en revenir à moi, vous vous souvenez de la loi que voulait faire passer C. Licinius Crassus, sous le consulat de Q. Maximus, frère de Scipion, et de L. Mancinus, et vous n’avez pas oublié combien elle était populaire : elle transportait au peuple la nomination des collèges. De plus, ce Crassus avait donné le premier l’exemple de se tourner vers le peuple en parlant dans le forum(27). Cependant la religion des dieux immortels, défendue par nous, l’emporta facilement sur les flatteries de son discours. Je soutins cette lutte pendant ma préture, cinq ans avant mon consulat ; ce ne fut donc pas une autorité imposante qui triompha, mais la vérité. XXVI. Si donc sur la scène même, et j’appelle ainsi l’assemblée du peuple, où dominent l’illusion et tous les genres de prestiges, la vérité, pour peu qu’elle se montre et qu’elle brille aux yeux, exerce une influence si puissante, quelle force ne doit-elle pas avoir dans l’amitié, qui repose tout entière sur la vérité ? Si votre âme, comme on dit, ne se montre à nu ; si vous ne lisez dans celle de votre ami, plus de confiance, plus de sécurité : vous ne pourrez même jamais aimer ni être aimé, tant qu’il y aura des doutes entre vous et votre ami. Il faut le dire cependant, la flatterie en amitié, quoique pernicieuse, ne peut nuire qu’à celui qui la reçoit et qui s’y livre avec plaisir. Nul ne prête une oreille plus favorable aux flatteurs que celui qui se flatte lui-même avec le plus de complaisance. La vertu s’aime beaucoup elle-même, parce qu’elle se connaît parfaitement, et qu’elle sent combien elle est aimable. Mais je ne veux parler maintenant que de la réputation de vertu. Bien des gens, en effet, cherchent moins à être vertueux qu’à le paraître. Ce sont ceux-là qui aiment la flatterie : lorsque le flatteur, pour leur plaire, leur donne des louanges, ils s’imaginent que ce vain discours est l’éclatant témoignage de leur mérite. L’amitié ne peut donc subsister entre deux hommes, quand l’oreille de l’un est toujours fermée à la vérité, et la bouche de l’autre toujours ouverte pour le mensonge. C’est plutôt la crédulité des soldats fanfarons qui nous fait rire dans les comédies, que les flatteries des parasites.

      Thaïs me fait, dis-tu, mille remerciements ?

      Vous avez aujourd’hui bien berné devant moi

      Tous ces vieux radoteurs, barbons de comédie.

      Les vieillards crédules et imprévoyants sont en effet les personnages de comédie les plus insensés. Mais nous sommes tombés, je ne sais comment, de l’amitié des honnêtes gens, c’est-à-dire des sages (je prends ce mot dans le sens usuel), aux amitiés superficielles et trompeuses. Revenons enfin à la véritable amitié, et terminons cet entretien.

      Oui, de tous les biens que j’ai reçus de la nature ou de la fortune, il n’en est aucun que je puisse comparer à l’amitié de Scipion. Par elle, nous n’avons eu qu’un même sentiment sur les intérêts de l’état, qu’un même conseil dans nos affaires domestiques ; par elle, nos loisirs ont été remplis de charmes. Jamais, que je sache, je ne l’offensai dans la moindre chose ; jamais il ne sortit de sa bouche une parole que je n’eusse pas voulu entendre. Nous habitions la même maison, nous vivions à la même table, et jamais on ne nous vit séparés ni à la guerre, ni en voyage, ni à la campagne. Que dirai-je de notre ardeur d’augmenter et d’étendre nos connaissances, de ces études qui, loin des yeux du vulgaire, occupaient tous nos loisirs ? Si le souvenir de tant d’heureux moments avait péri avec lui, il me serait absolument impossible aujourd’hui de supporter la perte d’un si cher et si excellent ami. Mais non, il n’a point péri dans mon esprit, ce souvenir ; il s’y nourrit par la pensée, il y vit plus que jamais. Enfin, quand je l’aurais perdu tout entier, je trouverais encore une grande consolation dans mon âge avancé ; car cette privation ne peut plus être longue pour moi, et le mal qui dure peu, quelque violent qu’il soit, est plus facile à supporter.

      Voilà ce que j’avais à vous dire de l’amitié. Je vous exhorte à la mettre au-dessus de tous les liens après la vertu, qui doit avoir le premier rang, et qui est la base de l’amitié même.

       Notes

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