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Les confessions. Jean-Jacques RousseauЧитать онлайн книгу.

Les confessions - Jean-Jacques Rousseau


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enfants de chœur faisaient tant endêver, tout, dans les souvenirs de ces temps de bonheur et d’innocence, revient souvent me ravir et m’attrister.

      Je vivais à Annecy depuis près d’un an sans le moindre reproche: tout le monde était content de moi. Depuis mon départ de Turin je n’avais point fait de sottise, et je n’en fis point tant que je fus sous les yeux de Maman. Elle me conduisait, et me conduisait toujours bien; mon attachement pour elle était devenu ma seule passion; et ce qui prouve que ce n’était pas une passion folle, c’est que mon cœur formait ma raison. Il est vrai qu’un seul sentiment, absorbant pour ainsi dire toutes mes facultés, me mettait hors d’état de rien apprendre, pas même la musique, bien que j’y fisse tous mes efforts. Mais il n’y avait point de ma faute; la bonne volonté y était tout entière, l’assiduité y était. J’étais distrait, rêveur, je soupirais: qu’y pouvais-je faire? Il ne manquait à mes progrès rien qui dépendît de moi; mais pour que je fisse de nouvelles folies il ne fallait qu’un sujet qui vînt me les inspirer. Ce sujet se présenta; le hasard arrangea les choses, et, comme on verra dans la suite, ma mauvaise tête en tira parti.

      Un soir du mois de février qu’il faisait bien froid, comme nous étions tous autour du feu, nous entendîmes frapper à la porte de la rue. Perrine prend sa lanterne, descend, ouvre; un jeune homme entre avec elle, monte, se présente d’un air aisé, et fait à M. Le Maître un compliment court et bien tourné, se donnant pour un musicien français que le mauvais état de ses finances forçait de vicarier pour passer son chemin. À ce mot de musicien français le cœur tressaillit au bon Le Maître: il aimait passionnément son pays et son art. Il accueillit le jeune passager, lui offrit le gîte, dont il paraissait avoir grand besoin, et qu’il accepta sans beaucoup de façon. Je l’examinai tandis qu’il se chauffait et qu’il jasait en attendant le souper. Il était court de stature, mais large de carrure; il avait je ne sais quoi de contrefait dans sa taille sans aucune difformité particulière; c’était pour ainsi dire un bossu à épaules plates, mais je crois qu’il boitait un peu. Il avait un habit noir plutôt usé que vieux, et qui tombait par pièces, une chemise très fine et très sale, de belles manchettes d’effilé, des guêtres dans chacune desquelles il aurait mis ses deux jambes, et pour se garantir de la neige un petit chapeau à porter sous le bras. Dans ce comique équipage il y avait pourtant quelque chose de noble que son maintien ne démentait pas; sa physionomie avait de la finesse et de l’agrément; il parlait facilement et bien, mais très peu modestement. Tout marquait en lui un jeune débauché qui avait eu de l’éducation, et qui n’allait pas gueusant comme un gueux, mais comme un fou. Il nous dit qu’il s’appelait Venture de Villeneuve, qu’il venait de Paris, qu’il s’était égaré dans sa route; et oubliant un peu son rôle de musicien, il ajouta qu’il allait à Grenoble voir un parent qu’il avait dans le parlement.

      Pendant le souper on parla de musique, et il en parla bien. Il connaissait tous les grands virtuoses, tous les ouvrages célèbres, tous les acteurs, toutes les actrices, toutes les jolies femmes, tous les grands seigneurs. Sur tout ce qu’on disait il paraissait au fait; mais à peine un sujet était-il entamé qu’il brouillait l’entretien par quelque polissonnerie qui faisait rire et oublier ce qu’on avait dit. C’était un samedi; il y avait le lendemain musique à la cathédrale; M. Le Maître lui propose d’y chanter: Très volontiers; lui demande quelle est sa partie: La haute-contre… Il et il parle d’autre chose. Avant d’aller à l’église on lui offrit sa partie à prévoir; il n’y jeta pas les yeux. Cette gasconnade surprit Le Maître. «Vous verrez, me dit-il à l’oreille, qu’il ne sait pas une note de musique. J’en ai grand-peur, lui répondis-je. Je les suivis très inquiet. Quand on commença, le cœur me battit d’une terrible force, car je m’intéressais beaucoup à lui.

      J’eus bientôt de quoi me rassurer. Il chanta ses deux récits avec toute la justesse et tout le goût imaginables, et, qui plus est, avec une très jolie voix. Je n’ai guère eu de plus agréable surprise. Après la messe, M. Venture reçut des compliments à perte de vue des chanoines et des musiciens, auxquels il répondait en polissonnant, mais toujours avec beaucoup de grâce. M. Le Maître l’embrassa de bon cœur; j’en fis autant: il vit que j’étais bien aise, et cela parut lui faire plaisir.

      On conviendra, je m’assure, qu’après m’être engoué de M. Bâcle, qui tout compté n’était qu’un manant, je pouvais m’engouer de M. Venture, qui avait de l’éducation, des talents, de l’esprit, de l’usage du monde, et qui pouvait passer pour un aimable débauché. C’est aussi ce qui m’arriva, et ce qui serait arrivé, je pense, à tout autre jeune homme à ma place, d’autant plus facilement encore qu’il aurait eu un meilleur tact pour sentir le mérite, et un meilleur goût pour s’y attacher; car Venture en avait, sans contredit, et il en avait surtout un bien rare à son âge, celui de n’être point pressé de montrer son acquis. Il est vrai qu’il se vantait de beaucoup de choses qu’il ne savait point; mais pour celles qu’il savait et qui étaient en assez grand nombre, il n’en disait rien: il attendait l’occasion de les montrer; il s’en prévalait alors sans empressement, et cela faisait le plus grand effet. Comme il s’arrêtait après chaque chose sans parler du reste, on ne savait plus quand il aurait tout montré. Badin, folâtre, inépuisable, séduisant dans la conversation, souriant toujours et ne riant jamais, il disait du ton le plus élégant les choses les plus grossières, et les faisait passer. Les femmes même les plus modestes s’étonnaient de ce qu’elles enduraient de lui. Elles avaient beau sentir qu’il fallait se fâcher, elles n’en avaient pas la force. Il ne lui fallait que des filles perdues, et je ne crois pas qu’il fût fait pour avoir des bonnes fortunes, mais il était fait pour mettre un agrément infini dans la société des gens qui en avaient. Il était difficile qu’avec tant de talents agréables, dans un pays où l’on s’y connaît et où on les aime, il restât borné longtemps à la sphère des musiciens.

      Mon goût pour M. Venture, plus raisonnable dans sa cause, fut aussi moins extravagant dans ses effets, quoique plus vif et plus durable que celui que j’avais pris pour M. Bâcle. J’aimais à le voir, à l’entendre; tout ce qu’il faisait me paraissait charmant; tout ce qu’il disait me semblait des oracles; mais mon engouement n’allait point jusqu’à ne pouvoir me séparer de lui. J’avais à mon voisinage un bon préservatif contre cet excès. D’ailleurs, trouvant ses maximes très bonnes pour lui, je sentais qu’elles n’étaient pas à mon usage; il me fallait une autre sorte de volupté, dont il n’avait pas l’idée, et dont je n’osais même lui parler, bien sûr qu’il se serait moqué de moi. Cependant j’aurais voulu allier cet attachement avec celui qui me dominait. J’en parlais à Maman avec transport; Le Maître lui en parlait avec éloges. Elle consentit qu’on le lui amenât. Mais cette entrevue ne réussit point du tout: il la trouva précieuse; elle le trouva libertin; et, s’alarmant pour moi d’une aussi mauvaise connaissance, non seulement elle me défendit de le lui ramener, mais elle me peignit si fortement les dangers que je courais avec ce jeune homme, que je devins un peu plus circonspect à m’y livrer, et, très heureusement pour mes mœurs et pour ma tête, nous fûmes bientôt séparés.

      M. Le Maître avait les goûts de son art; il aimait le vin. À table cependant il était sobre, mais en travaillant dans son cabinet il fallait qu’il bût. Sa servante le savait si bien que, sitôt qu’il préparait son papier pour composer, et qu’il prenait son violoncelle, son pot et son verre arrivaient l’instant d’après, et le pot se renouvelait de temps à autre. Sans jamais être absolument ivre, il était presque toujours pris de vin; et en vérité c’était dommage, car c’était un garçon essentiellement bon, et si gai que Maman ne l’appelait que petit chat. Malheureusement il aimait son talent, travaillait beaucoup, et buvait de même. Cela prit sur sa santé et enfin sur son humeur: il était quelquefois ombrageux et facile à offenser. Incapable de grossièreté, incapable de manquer à qui que ce fût, il n’a jamais dit une mauvaise parole, même à un de ses enfants de chœur; mais il ne fallait pas non plus lui manquer, et cela était juste. Le mal était qu’ayant peu d’esprit, il ne discernait pas les tons et les caractères, et prenait souvent la mouche sur rien.

      L’ancien Chapitre de Genève, où jadis tant de princes et d’évêques se faisaient un honneur d’entrer, a perdu dans son


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