Le Cabinet des Fées. Шарль ПерроЧитать онлайн книгу.
un gros cocher, qui avait une des plus belles moustaches qu'on ait jamais vues.
Ensuite elle lui dit:
–Va dans le jardin, tu y trouveras six lézards derrière l'arrosoir; apporte-les-moi.
Elle ne les eut pas plus tôt apportés, que la marraine les changea en six laquais, qui montèrent aussitôt derrière le carrosse, avec leurs habits chamarrés, et qui s'y tenaient attachés comme s'ils n'eussent fait autre chose de toute leur vie.
La Fée dit alors à Cendrillon:
–Eh bien, voilà de quoi aller au bal; n'es-tu pas bien aise?
–Oui, mais est-ce que j'irai comme cela, avec mes vilains habits?
Sa marraine ne fit que la toucher avec sa baguette, et en même temps ses habits furent changes en des habits de drap d'or et d'argent, tout chamarrés de pierreries: elle lui donna ensuite une paire de pantoufles de verre, les plus jolies du monde.
Quand elle fut ainsi parée, elle monta en carrosse; mais sa marraine lui recommanda sur toutes choses de ne pas passer minuit, l'avertissant que, si elle demeurait au bal un moment davantage, son carrosse redeviendrait citrouille, ses chevaux des souris, ses laquais des lézards, et que ses vieux habits reprendraient leur première forme.
Elle promit à sa marraine qu'elle ne manquerait pas de sortir du bal avant minuit.
Elle part, ne se sentant pas de joie.
Le fils du roi, qu'on alla avertir qu'il venait d'arriver une grande princesse qu'on ne connaissait point, courut la recevoir: il lui donna la main à la descente du carrosse, et la mena dans la salle où était la compagnie.
Il se fit alors un grand silence; on cessa de danser, et les violons ne jouèrent plus, tant on était attentif à contempler les grandes beautés de cette inconnue. On n'entendait qu'un bruit confus:
–Ah! qu'elle est belle!
Le roi même, tout vieux qu'il était, ne laissait pas de la regarder, et de dire tout bas à la reine qu'il y avait longtemps qu'il n'avait vu une si belle et si aimable personne.
Toutes les dames étaient attentives à considérer sa coiffure et ses habits, pour en avoir, dès le lendemain, de semblables, pourvu qu'il se trouvât des étoffes assez belles et des ouvriers assez habiles.
Le fils du roi la mit à la place la plus honorable, et ensuite la prit pour la mener danser. Elle dansa avec tant de grâce, qu'on l'admira encore davantage.
On apporta une fort belle collation, dont le jeune prince ne mangea point, tant il était occupé à la considérer.
Elle alla s'asseoir auprès de ses soeurs, et leur fit mille honnêtetés: elle leur fit part des oranges et des citrons que le prince lui avait donnés, ce qui les étonna fort, car elles ne la connaissaient point.
Lorsqu'elles causaient ainsi, Cendrillon entendit sonner onze heures trois quarts: elle fit aussitôt une grande révérence à la compagnie, et s'en alla le plus vite qu'elle put.
Dès qu'elle fut arrivée, elle alla trouver sa marraine; et, après l'avoir remerciée, elle lui dit qu'elle souhaiterait bien aller encore le lendemain au bal, parce que le fils du roi l'en avait priée.
Comme elle était occupée à raconter à sa marraine tout ce qui s'était passé au bal, les deux soeurs heurtèrent à la porte: Cendrillon leur alla ouvrir.
–Que vous êtes longtemps à revenir! leur dit-elle en se frottant les yeux, et en s'étendant comme si elle n'eût fait que de se réveiller.
Elle n'avait cependant pas envie de dormir depuis qu'elles s'étaient quittées.
–Si tu étais venue au bal, lui dit une de ses soeurs, tu ne t'y serais pas ennuyée: il est venu la plus belle princesse, la plus belle qu'on puisse jamais voir; elle nous a fait mille civilités; elle nous a donné des oranges et des citrons.
Cendrillon ne se sentait pas de joie; elle leur demanda le nom de cette princesse; mais elles lui répondirent qu'on ne la connaissait pas; que le fils du roi en était fort en peine, et qu'il donnerait toute chose au monde pour savoir qui elle était.
Cendrillon sourit, et leur dit:
–Elle était donc bien belle! mon Dieu, que vous êtes heureuses! ne pourrai-je point la voir? hélas! mademoiselle Javotte, prêtez-moi votre habit jaune que vous mettez tous les jours.
–Vraiment, dit mademoiselle Javotte, je suis de cet avis; prêtez votre habit à un vilain Cendron comme cela! il faudrait que je fusse bien folle.
Cendrillon s'attendait bien à ce refus, et elle en fut bien aise; car elle aurait été grandement embarrassée si sa soeur eut bien voulu lui prêter son habit.
Le lendemain les deux soeurs furent au bal, et Cendrillon aussi, mais encore plus parée que la première fois.
Le fils du roi fut toujours auprès d'elle, et ne cessa de lui conter des douceurs.
La jeune demoiselle ne s'ennuyait point, et oublia ce que sa marraine lui avait recommandé, de sorte qu'elle entendit sonner le premier coup de minuit, lorsqu'elle ne croyait pas qu'il fût encore onze heures: elle se leva, et s'enfuit aussi légèrement qu'aurait fait une biche.
Le prince la suivit, mais il ne put l'attraper.
Elle laissa tomber une de ses pantoufles de verre, que le prince ramassa bien soigneusement.
Cendrillon arriva chez elle bien essoufflée, sans carrosse, sans laquais et avec ses méchants habits, rien ne lui étant resté de toute sa magnificence qu'une de ses petites pantoufles, la pareille de celle qu'elle avait laissée tomber.
On demanda aux gardes de la porte du palais s'ils n'avaient point vu sortir une princesse: ils dirent qu'ils n'avaient vu sortir personne qu'une jeune fille fort mal vêtue, et qui avait plus l'air d'une paysanne que d'une demoiselle.
Quand ses deux soeurs revinrent du bal, Cendrillon leur demanda si elles s'étaient encore bien diverties, et si la belle dame y avait été.
Elles lui dirent que oui, mais qu'elle s'était enfuie lorsque minuit avait sonné, et si promptement, qu'elle avait laissé tomber une de ses petites pantoufles de verre, la plus jolie du monde; que le fils du roi l'avait ramassée, et qu'il n'avait fait que la regarder tout le reste du bal, et qu'assurément il était fort amoureux de la belle personne à qui appartenait la petite pantoufle.
Elles dirent vrai; car, peu de jours après, le fils du roi fit publier à son de trompe qu'il épouserait celle dont le pied serait bien juste à la pantoufle.
On commença à l'essayer aux princesses, ensuite aux duchesses et à toute la cour; mais inutilement.
On la porta chez les deux soeurs, qui firent tout leur possible pour faire entrer leur pied dans la pantoufle; mais elles ne purent en venir à bout.
Cendrillon, qui les regardait, et qui reconnut sa pantoufle, dit en riant:
-Que je voie 32 si elle ne me serait pas bonne!
Ses soeurs se mirent à rire et à se moquer d'elle.
Le gentilhomme qui faisait l'essai de la pantoufle, ayant regardé attentivement Cendrillon, et la trouvant fort belle, dit que cela était très-juste, et qu'il avait ordre de l'essayer à toutes les filles. Il fit asseoir Cendrillon, et approchant la pantoufle de son petit pied, il vit qu'elle y entrait sans peine, et qu'elle y était juste comme de cire.
L'étonnement des deux soeurs fut grand, mais plus grand encore quand Cendrillon tira de sa poche l'autre petite pantoufle, qu'elle mit à son pied.
Là-dessus arriva la marraine, qui, ayant donné un coup de sa baguette sur les habits de Cendrillon, les fit devenir encore plus magnifiques que tous les autres.
Alors ses deux soeurs la reconnurent pour la belle personne qu'elles avaient vue au bal. Elles se jetèrent à ses pieds, pour lui demander pardon de tous les mauvais traitements qu'elles lui avaient fait souffrir.
Cendrillon les releva, et leur dit, en les embrassant, qu'elle leur pardonnait de bon coeur, et qu'elle
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Que je voie,