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La vie de Rossini, tome I. StendhalЧитать онлайн книгу.

La vie de Rossini, tome I - Stendhal


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(M. Mention m'avait renvoyé comme indigne de jouer du violon), mais je me disais: les notes ne sont que l'art d'écrire les idées, l'essentiel est d'en avoir. Et je croyais en avoir. Ce qu'il y a de plaisant, c'est que je le crois encore aujourd'hui, et je suis souvent fâché de n'être pas parti de Paris pour être laquais de Paisiello à Naples.

      »Dans les beaux temps de mon goût pour la musique à Milan, de 1814 à 1821, quand le matin d'un opéra nouveau j'allais retirer mon libretto à la Scala, je ne pouvais m'empêcher en le lisant d'en faire toute la musique de chanter les airs et les duos. Et oserai-je le dire? quelquefois, le soir, je trouvais ma mélodie plus noble et plus tendre que celle du maestro.

      »Comme je n'avais et je n'ai absolument aucune science, aucune manière de fixer la mélodie sur un morceau de papier, pour pouvoir la corriger sans crainte d'oublier la cantilène primitive, cela était comme la première idée d'un livre qui me vient. Elle est cent fois plus intelligible qu'après l'avoir travaillée.

      »Mais enfin cette première idée, c'est ce qui ne se trouve jamais dans les livres des écrivains médiocres. Leurs phrases les plus fortes me semblent comme le trait de Priam, sine ictu.

      »Par exemple, j'ai fait, ce me semble, une charmante mélodie et j'ai vu l'accompagnement, pour ces vers de La Fontaine (critiqués par M. Nodier comme peu pieux, mais vers 1820, sous les Bourbons):

      Un mort s'en allait tristement

      S'emparer de son dernier gîte,

      Un curé s'en allait gaîment

      Enterrer ce mort au plus vite.

      »C'est peut-être la seule mélodie que j'aie faite sur des paroles françaises. J'ai horreur de l'obligation de prononcer gi-teu, vi-teu. Le Français me semble avoir le métalent le plus marqué pour la musique, comme l'Italien a le métalent le plus étonnant pour la danse.»

      Ce fut néanmoins un constant objet d'étonnement, d'abord pour ses amis et ses contemporains, aujourd'hui pour les gens qui aiment ranger leurs semblables dans des catégories toutes faites, que de découvrir un Stendhal dilettante et connaisseur en musique. Nous venons de voir comme il répondait à cette perpétuelle objection d'ignorance: «Je dois dire sans affectation aucune, ajoutait-il, qu'au même moment je sentais dans le morceau qu'on exécutait des nuances qu'ils (ses amis) n'apercevaient pas. Il en est de même pour les nuances des physionomies dans les copies du même tableau. Je vois ces choses aussi clairement qu'à travers un cristal. Mais, grand Dieu! on va me croire un sot!»

      Il est toujours présomptueux de prendre Stendhal pour un sot. Cette présomption est cependant assez répandue chez les techniciens, ou du moins chez ceux qui se prétendent tels, pour fermer la bouche aux amateurs sur des sujets qu'ils croient être les seuls à bien posséder.

      Stendhal fut ainsi critiqué avec violence, d'abord par Berlioz qui avait relevé, sans doute avec raison, plus d'une inexactitude de vocabulaire musical dans les livres de son compatriote. Le grincheux M. Saint-Saëns jugea bon, cinquante ans plus tard, de lui faire écho. Il ne limita pas ses griefs au seul domaine où il lui fut permis de les formuler sans ridicule; il ne craignit pas d'aborder les lettres pures et d'affirmer la stupidité de tous les livres de Stendhal dans le moment même où il reconnaissait n'avoir jamais pu en lire dix pages. Il n'en affirmait pas moins, entre autres choses, que les Vies de Haydn, Mozart et Métastase renferment des opinions du dernier bourgeois sur la musique. L'attaque à peine déclanchée, Maurice Barrés se porta au secours de Beyle pour le féliciter au contraire d'avoir demandé avant tout à la musique «de nous procurer un plaisir physique». C'est là l'expression propre de Stendhal et beaucoup de lecteurs y trouveront probablement un simple truisme. Il faut cependant de nos jours une sorte de courage pour bien marquer ainsi le point de départ sensoriel de tout plaisir esthétique. M. Saint-Saëns, lui, était de ceux qui s'élevaient avec le plus de violence contre cette opinion: la musique, clamait-il, est un des produits les plus délicats de l'esprit humain. Hé! sans doute, mais convient-il pour cela d'oublier qu'il n'est rien dans l'esprit de l'homme qui n'ait dû auparavant passer par ses sens? Et est-ce le moyen de bien séduire l'esprit que de commencer par déchirer le tympan?

      M. Saint-Saëns montre suffisamment par ailleurs qu'il n'a jamais lu Stendhal quand il lui reproche encore de se pâmer sans aucun discernement devant toute musique italienne, et de ne se pâmer que devant elle. Ne venons-nous pas au contraire de voir combien le jugement de Beyle sur Rossini est nuancé, comme il sait être sévère pour Paisiello? Nous pourrions de même montrer aisément comme il est méprisant pour un Mercadante, pour un Paccini, pour un Donizetti, «ce Marmontel, sans aucune espèce de talent…»

      Sans doute Beyle connaissait-il moins la musique allemande que la musique italienne. Il n'a cependant point trop maltraité Haydn, et l'un des premiers il rendit hommage au Freischütz de Weber. Il n'a pas, il est vrai, entièrement compris Beethoven, dont l'œuvre ne lui fut jamais bien familière. Il adoucit pourtant, en 1814, le jugement qu'il empruntait à Carpani; et plus tard, dans son livre sur Rossini, il saura louer sa fougue à la Michel-Ange. Faut-il l'accabler davantage parce que la déclamation de Glück lui semble «la plus triste chose du monde»? Debussy tout près de nous ne pensera pas bien différemment et les partisans de Glück auraient mauvaise grâce à répliquer que Claude Debussy n'entendait rien à la musique.

      Toutes les anecdotes, plus ou moins déformées, qu'on apportera sur Stendhal ne changeront jamais ce qu'il a clairement écrit de sa main. Nous croyons volontiers à la laide grimace qu'on lui vit faire un soir que, dans le salon privé de l'Ambassade de France à Rome, on chantait les mélodies de Schubert. Nous le voyons fort bien de même soutenir avec son goût du paradoxe et de la contradiction que Beethoven faisait trop de bruit pour avoir du talent, et nous admettons qu'Ingres, son contradicteur, au comble de l'exaspération lui ait en suite de ces propos fait fermer sa porte.

      Beyle en ce temps-là ne voulait plus sacrifier qu'aux dieux de sa jeunesse. Après 1830, l'ère du dilettantisme était close. Le consul n'allait pas renier les principes si chers autrefois à l'amateur qu'il avait été.

      Mais en définitive Stendhal fut un critique assez sage. Nous en tenons encore l'assurance de ce spécialiste qu'on ne saurait récuser: M. Henry Prunières, directeur de la Revue Musicale, qui résume ainsi le débat: «Si l'on passe sur quelques boutades, sur quelques traits de plume hasardés, on est frappé de la justesse des jugements qu'il porte sur les musiciens de son temps».

      A l'abri de cette autorité nous n'avons plus grand besoin de nous inscrire trop vivement en faux contre l'assertion de M. André Maurel qui, n'ayant pas fréquenté suffisamment Stendhal, lui prête presque toujours des opinions qui ne sont pas les siennes. Ce n'est pas la musique qu'aime Beyle, allègue-t-il entre autres choses, ce sont les femmes. Bien sûr, Stendhal aime papoter dans les loges avec les jolies femmes; et même loin d'elles, au parterre de la Scala, il entend poursuivre son perpétuel songe amoureux. Il nous a dit quelle douce griserie prolongeait encore en lui la voix des chanteurs. Mais nous nous serions bien mal exprimé dans cette étude si l'on pouvait encore prétendre que son plaisir ne fut jamais désintéressé et qu'il ne recherchait absolument dans la musique que l'idée de l'amour.

      Stendhal analyse avec trop de sagacité les opéras qu'il aime, pour qu'on lui vienne reprocher sérieusement de les avoir mal écoutés. C'était un épicurien qui savait tirer de la musique des jouissances complexes, – et il a certes bien pu errer assez souvent sur la technique et les canons de l'art, sa critique impressionniste n'en demeure pas moins viable et charmante.

      A qui fera-t-on croire que c'est être stupide que d'aimer la rêverie tendre et d'écrire: «La bonne musique me fait rêver avec délices à ce qui occupe mon cœur dans le moment… Mes sentiments brodent sur un chant ce qui, d'après la passion dominante, peut faire le plus de plaisir à mon âme»? Il faudrait être soi-même bien austère pour ne voir qu'un dérèglement de l'imagination dans cette façon sensible de goûter les arts. Nous entendons au surplus ne restreindre ni la part du goût, ni celle de l'éducation. Pour aujourd'hui nous croirions cependant plus urgent de réhabiliter «le plaisir en musique.» Mais nous n'avons voulu que retracer


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