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Le Naturalisme au théâtre, les théories et les exemples. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

Le Naturalisme au théâtre, les théories et les exemples - Emile Zola


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certes, je n'espère pas changer rien à ce qui doit être. Je me donne le simple plaisir de prévoir un mouvement, quitte à me tromper. Je suis persuadé qu'on ne détermine pas à sa guise un mouvement au théâtre. C'est l'époque même, ce sont les moeurs, les tendances des esprits, la marche de toutes les connaissances humaines, qui transforment l'art dramatique, comme les autres arts. Il me semble impossible que nos sciences, notre nouvelle méthode d'analyse, notre roman, notre peinture, aient marché dans un sens nettement réaliste, et que notre théâtre reste seul, immobile, figé dans les traditions. Je dis cela, parce que je crois que cela est logique et raisonnable. Les faits me donneront tort ou raison.

      Il est donc bien entendu que je ne suis pas assez peu pratique pour exiger la copie textuelle de la nature. Je constate uniquement que la tendance paraît être, dans les décors et les accessoires, à se rapprocher de la nature le plus possible; et je constate cela comme un symptôme du naturalisme au théâtre. De plus, je m'en réjouis. Mais j'avoue volontiers que, lorsque je me montre enchanté du cerisier de l'Ami Fritz et du cercle du Club, je me laisse aller au plaisir de trouver des arguments. Il me faut bien des arguments: je les prends où ils se présentent; je les exagère même un peu, ce qui est naturel. Je sais parfaitement que le cerisier vrai où monte Suzel est en bois et en carton, que le cercle où l'on joue, dans le Club, n'est, en somme, qu'une habile tricherie. Seulement, on ne saurait nier, d'autre part, qu'il n'y a pas des cerisiers ni des cercles pareils dans Scribe, que ce souci minutieux d'une illusion plus grande est tout nouveau. De là à constater au théâtre le mouvement qui s'est produit dans le roman, il n'y a qu'une déduction logique. Les aveugles seuls, selon moi, peuvent nier la transformation dramatique à laquelle nous assistons. Cela commence par les décors et les accessoires; cela finira par les personnages.

      Remarquez que les grands décors, avec des trucs et des complications destinés à frapper le public, me laissent singulièrement froid. Il y a des effets impossibles à rendre: une inondation par exemple, une bataille, une maison qui s'écroule. Ou bien, si l'on arrivait à reproduire de pareils tableaux, je serais assez d'avis qu'on coupât le dialogue. Cela est un art tout particulier, qui regarde le peindre décorateur et le machiniste. Sur cette pente, d'ailleurs, on irait vite à l'exhibition, au plaisir grossier des yeux. Pourtant, en mettant les trucs de côté, il serait très intéressant d'encadrer un drame dans de grands décors copiés sur la nature, autant que l'optique de la scène le permettrait. Je me souviendrai toujours du merveilleux Paris, au cinquième acte de Jean de Thommeray, les quais s'enfonçant dans la nuit, avec leurs files de becs de gaz. Il est vrai que ce cinquième acte était très médiocre. Le décor semblait fait pour suppléer au vide du dialogue. L'argument reste fâcheux aujourd'hui, car, si l'acte avait été bon, le décor ne l'aurait pas gâté, au contraire.

      Mais je confesse que je suis beaucoup plus louché par des reproductions de milieux moins compliqués et moins difficiles à rendre. Il est très vrai que le cadre ne doit pas effacer les personnages par son importance et sa richesse. Souvent les lieux sont une explication, un complément de l'homme qui s'y agite, à condition que l'homme reste le centre, le sujet que l'auteur s'est proposé de peindre. C'est lui qui est la somme totale de l'effet, c'est en lui que le résultat général doit s'obtenir; le décor réel ne se développe que pour lui apporter plus de réalité, pour le poser dans l'air qui lui est propre, devant le spectateur. En dehors de ces conditions, je fais bon marché de toutes les curiosités de la décoration, qui ne sont guère à leur place que dans les féeries.

      Nous avons conquis la vérité du costume. On observe aujourd'hui l'exactitude de l'ameublement. Les pas déjà faits sont considérables. Il ne reste guère qu'à mettre à la scène des personnages vivants, ce qui est, il est vrai, le moins commode. Dès lors, les dernières traditions disparaîtraient, on règlerait de plus en plus la mise en scène sur les allures de la vie elle-même. Ne remarque-t-on pas, dans le jeu de nos acteurs, une tendance réaliste très accentuée? La génération des artistes romantiques a si bien disparu, qu'on éprouve toutes les peines du monde à remonter les pièces de 1810; et encore les vieux amateurs crient-ils à la profanation. Autrefois, jamais un acteur n'aurait osé parler en tournant le dos au public; aujourd'hui, cela a lieu dans une foule de pièces. Ce sont de petits faits, mais des faits caractéristiques. On vit de plus en plus les pièces, on ne les déclame plus.

      Je me résume, en reprenant une phrase que j'ai écrite plus haut: une oeuvre n'est qu'une bataille livrée aux conventions, et l'oeuvre est d'autant plus grande qu'elle sort plus victorieuse du combat.

III

      Quitte à me répéter, je reviens une fois de plus à la question des décors. Tout à l'heure, j'examinerai le très remarquable ouvrage de M. Adolphe Jullien sur le costume au théâtre. Je regrette beaucoup qu'un ouvrage semblable n'existe pas sur les décors. M. Jullien a bien dit, çà et là, un mot des décors; car, selon sa juste remarque, tout se tient dans les évolutions dramatiques; le même mouvement qui transforme les costumes, transforme en même temps les décors, et semble n'être d'ailleurs qu'une conséquence des périodes littéraires elles-mêmes. Mais il n'en est pas moins désirable qu'un livre spécial soit fait sur l'histoire des décors, depuis les tréteaux où l'on jouait les Mystères, jusqu'à nos scènes actuelles qui se piquent du naturalisme le plus exact. En attendant, sans avoir la prétention de toucher au grand travail historique qu'elle nécessiterait, je vais essayer de poser la question d'une façon logique.

      M. Sarcey a fait toute une campagne contre l'importance que nos théâtres donnent aujourd'hui aux décors. Ils a dit, comme toujours, d'excellentes choses, pleines de bon sens; mais j'estime qu'il a tout brouillé et qu'il faudrait, pour s'entendre, éclairer un peu la question et distinguer les différents cas.

      D'abord, mettons de côté la féerie et le drame à grand spectacle. J'entends rester dans la littérature. Il est certain que les pièces où certains tableaux sont uniquement des prétextes à décors, tombent par là même au rang des exhibitions foraines; elles ont dès lors un intérêt particulier, faites pour les yeux; elles sont souvent intéressantes par le luxe et l'art qu'on y déploie. C'est tout un genre, dont je ne pense pas que M. Sarcey demande la disparition. Les décors y sont d'autant plus à leur place, qu'ils y jouent le principal rôle. Le public s'y amuse; ceux qui n'aiment pas ça, n'ont qu'à rester chez eux. Quant à la littérature, elle demeure complètement étrangère à l'affaire, et dès lors elle ne saurait en souffrir.

      J'entends bien, d'ailleurs, ce dont M. Sarcey se plaint. Il accuse les directeurs et les auteurs de spéculer sur ce goût du public pour les décors riches, en introduisant quand même des décors à sensation dans des oeuvres littéraires qui devraient s'en passer. Par exemple, on se souvient des magnificences de Balsamo; il y avait là une galerie des glaces et un feu d'artifice d'une utilité discutable au point de vue du drame, et qui, du reste, ne sauvèrent pas la pièce. Eh bien! dans ce cas nettement défini, M. Sarcey a raison. Un décor qui n'a pas d'utilité dramatique, qui est comme une curiosité à part, mise là pour éblouir le public, ravale un ouvrage au rang inférieur de la féerie et du mélodrame à spectacle. En un mot, le décor pour le décor, si riche et si curieux soit-il, n'est qu'une spéculation et ne peut que gâter une oeuvre littéraire.

      Mais cela entraîne-t-il la condamnation du décor exact, riche ou pauvre? Doit-on toujours citer le théâtre de Shakespeare, où les changements à vue étaient simplement indiqués par des écriteaux? Faut-il croire que nos pièces modernes pourraient se contenter, comme les pièces du dix-septième siècle, d'un décor abstrait, salon sans meubles, péristyle de temple, place publique? En un mot, est-on bien venu de déclarer que le décor n'a aucune importance, qu'il peut être quelconque, que le drame est dans les personnages et non dans les lieux où ils s'agitent? C'est ici que la question se pose sérieusement.

      Une fois encore, je me trouve en face d'un absolu. Les critiques qui défendent les conventions, disent à tous propos: «le théâtre», et ce mot résume pour eux quelque chose de définitif, de complet, d'immuable: le théâtre est comme ceci, le théâtre est comme cela. Ils vous envoient Shakespeare et Molière à la tête. Du moment où les maîtres, il y a deux siècles, faisaient jouer des chefs-d'oeuvre sans décors, nous sommes ridicules d'exiger aujourd'hui, pour nos oeuvres médiocres, les lieux exacts, avec un embarras extraordinaire d'accessoires.


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