Эротические рассказы

Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке. Альбер КамюЧитать онлайн книгу.

Le minotaure. La peste / Минотавр. Чума. Книга для чтения на французском языке - Альбер Камю


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déposé trois rats morts au milieu du couloir. On avait dû les prendre avec de gros pièges, car ils étaient pleins de sang. Le concierge était resté quelque temps sur le pas de la porte, tenant les rats par les pattes, et attendant que les coupables voulussent bien se trahir par quelque sarcasme. Mais rien n’était venu.

      «Ah! ceux-là, disait M. Michel, je finirai par les avoir.»

      Intrigué, Rieux décida de commencer sa tournée par les quartiers extérieurs où habitaient les plus pauvres de ses clients. La collecte des ordures s’y faisait beaucoup plus tard et l’auto qui roulait le long des voies étroites et poussiéreuses de ce quartier frôlait les boîtes de détritus, laissées au bord du trottoir. Dans une rue qu’il longeait ainsi, le docteur compta une douzaine de rats jetés sur les débris de légumes et les chiffons sales […].

      Rieux n’eut pas de peine à constater ensuite que tout le quartier parlait des rats.

      [Vers onze heures, le docteur accompagne à la gare sa femme, qui, malade depuis un an, doit effectuer un séjour en montagne.]

      L’après-midi du même jour, au début de sa consultation, Rieux reçut un jeune homme dont on lui dit qu’il était journaliste et qu’il était déjà venu le matin. Il s’appelait Raymond Rambert. Court de taille, les épaules épaisses, le visage décidé, les yeux clairs et intelligents, Rambert portait des habits de coupe sportive et semblait à l’aise dans la vie. Il alla droit au but. Il enquêtait pour un grand journal de Paris sur les conditions de vie des Arabes et voulait des renseignements sur leur état sanitaire. Rieux lui dit que cet état n’était pas bon. Mais il voulait savoir, avant d’aller plus loin, si le journaliste pouvait dire la vérité.

      «Certes, dit l’autre.

      – Je veux dire, pouvez-vous porter condamnation totale?

      – Totale, non, il faut bien le dire. Mais je suppose que cette condamnation serait sans fondement.»

      Doucement, Rieux dit qu’en effet une pareille condamnation serait sans fondement, mais qu’en posant cette question il cherchait seulement à savoir si le témoignage de Rambert pouvait ou non être sans réserves.

      «Je n’admets que les témoignages sans réserves. Je ne soutiendrai donc pas le vôtre de mes renseignements.

      – C’est le langage de Saint-Just», dit le journaliste en souriant.

      Rieux dit sans élever le ton qu’il n’en savait rien, mais que c’était le langage d’un homme lassé du monde où il vivait, ayant pourtant le goût de ses semblables et décidé à refuser, pour sa part, l’injustice et les concessions. Rambert, le cou dans les épaules, regardait le docteur.

      «Je crois que je vous comprends», dit-il enfin en se levant.

      Le docteur l’accompagnait vers la porte:

      «Je vous remercie de prendre les choses ainsi.»

      Rambert parut impatienté:

      «Oui, dit-il, je comprends, pardonnez-moi ce dérangement.»

      Le docteur lui serra la main et lui dit qu’il y aurait un curieux reportage à faire sur la quantité de rats morts qu’on trouvait dans la ville en ce moment.

      «Ah! s’exclama Rambert, cela m’intéresse.»

      À dix-sept heures, comme il sortait pour de nouvelles visites, le docteur croisa dans l’escalier un homme encore jeune, à la silhouette lourde, au visage massif et creusé, barré d’épais sourcils. Il l’avait rencontré, quelquefois, chez les danseurs espagnols qui habitaient le dernier étage de son immeuble. Jean Tarrou fumait une cigarette avec application en contemplant les dernières convulsions d’un rat qui crevait sur une marche, à ses pieds. Il leva sur le docteur le regard calme et un peu appuyé[34] de ses yeux gris, lui dit bonjour et ajouta que cette apparition des rats était une curieuse chose.

      «Oui, dit Rieux, mais qui finit par être agaçante.

      – Dans un sens, Docteur, dans un sens seulement.

      Nous n’avons jamais rien vu de semblable, voilà tout. Mais je trouve cela intéressant, oui, positivement intéressant.»

      Tarrou passa la main sur ses cheveux pour les rejeter en arrière, regarda de nouveau le rat, maintenant immobile, puis sourit à Rieux:

      «Mais, en somme, Docteur, c’est surtout l’affaire du concierge.»

      [Les rats meurent de plus en plus nombreux. Les Oranais commencent à s’inquiéter.

      Mais, le 28 avril, le docteur est appelé par un de ses anciens malades auprès d’un personnage singulier…]

      Quelques minutes plus tard, il franchissait la porte d’une maison basse de la rue Faidherbe, dans un quartier extérieur. Au milieu de l’escalier frais et puant, il rencontra Joseph Grand, l’employé, qui descendait à sa rencontre. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, à la moustache jaune, long et voûté, les épaules étroites et les membres maigres.

      «Cela va mieux, dit-il en arrivant vers Rieux, mais j’ai cru qu’il y passait.[35]»

      Il se mouchait. Au deuxième et dernier étage, sur la porte de gauche, Rieux lut, tracé à la craie rouge: «Entrez, je suis pendu.»

      Ils entrèrent. La corde pendait de la suspension audessus d’une chaise renversée, la table poussée dans un coin. Mais elle pendait dans le vide.

      «Je l’ai décroché à temps, disait Grand, qui semblait toujours chercher ses mots, bien qu’il parlât le langage le plus simple. Je sortais, justement, et j’ai entendu du bruit. Quand j’ai vu l’inscription, comment vous expliquer, j’ai cru à une farce. Mais il a poussé un gémissement drôle, et même sinistre, on peut le dire.»

      Il se grattait la tête:

      «À mon avis, l’opération doit être douloureuse. Naturellement, je suis entré.»

      Ils avaient poussé une porte et se trouvaient sur le seuil d’une chambre claire, mais meublée pauvrement. Un petit homme rond était couché sur le lit de cuivre. Il respirait fortement et les regardait avec des yeux congestionnés. Le docteur s’arrêta. Dans les intervalles de la respiration, il lui semblait entendre des petits cris de rats. Mais rien ne bougeait dans les coins. Rieux alla vers le lit. L’homme n’était pas tombé d’assez haut, ni trop brusquement, les vertèbres avaient tenu. Bien entendu, un peu d’asphyxie. Il faudrait avoir une radiographie. Le docteur fit une piqûre d’huile camphrée[36] et dit que tout s’arrangerait en quelques jours.

      «Merci, Docteur», dit l’homme d’une voix étouffée.

      Rieux demanda à Grand s’il avait prévenu le commissariat et l’employé prit un air déconfit:

      «Non, dit-il, oh! non. J’ai pensé que le plus pressé…

      – Bien sûr, coupa Rieux, je le ferai donc.»

      Mais, à ce moment, le malade s’agita et se dressa dans le lit en protestant qu’il allait bien et que ce n’était pas la peine.

      «Calmez-vous, dit Rieux. Ce n’est pas une affaire, croyez-moi, et il faut que je fasse ma déclaration.

      – Oh!» fit l’autre.

      Et il se rejeta en arrière pour pleurer à petits coups. Grand, qui tripotait sa moustache depuis un moment, s’approcha de lui.

      «Allons, monsieur Cottard, dit-il. Essayez de comprendre. On peut dire que le docteur est responsable. Si, par exemple, il vous prenait l’envie de recommencer…»

      Mais Cottard dit, au milieu de ses larmes, qu’il ne recommencerait pas, que c’était seulement un moment d’affolement et qu’il désirait seulement qu’on lui laissât la paix. Rieux rédigeait une ordonnance.[37]

      «C’est entendu, dit-il. Laissons


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<p>34</p>

un regard appuyé – пристальный взгляд

<p>35</p>

mais j’ai cru qu’il y passait – но я думал, что он умер

<p>36</p>

l’huile camphrée – камфорное масло

<p>37</p>

rédiger une ordonnance – выписывать рецепт (на лекарство)

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