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Le Ciel De Nadira. Giovanni MongiovìЧитать онлайн книгу.

Le Ciel De Nadira - Giovanni Mongiovì


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y a sur le marché, naturellement… pas un qā’id… mais le meilleur que l’on puisse trouver. Je n’ai qu’une seule fille et je veux exploiter au mieux la situation. ”

      “ Mais père, comment pensez-vous pouvoir vous le permettre ? Vous êtes-vous rendu compte des habits que nous portons ? ” remarqua d’un air querelleur Michele en se levant et en montrant les lambeaux présents sur sa tunique.

      “ Apollonia est une femme d’un bel aspect et elle n’a rien à envier à la sœur de Umar. Si ce n’est pour ces lambeaux que nous pouvons seule-ment nous permettre elle aurait elle aussi trouvé un qā’id. ” clarifia Alfeo en colère et en élevant la voix.

      “ Vous parlez avec le cœur d’un père, mais tout ce que je désire pour moi est vraiment à l’intérieur ces murs. ” expliqua Apollonia, en caressant la main de son père et en l’encourageant à se calmer.

      Elle s’efforça donc de ne pas regarder Corrado, craignant de révéler à quoi et à qui s’adressait sa dernière phrase.

      “ Bien, père, dites-nous si vous pensez à quelqu’un et Michele et moi résoudrons la question. ”

      Entendre ces paroles de la bouche de Corrado fut un coup au cœur pour Apollonia. Elle avait espéré durant des années, que son frère puisse éprouver envers elle quelque chose qui puisse aller au delà de l’affection d’un parent acquit, durant vingt ans de vie commune. Elle avait espéré qu’il la comprenne sans qu’elle doive se déclarer. Elle avait construit un conte de fée et maintenant tout s’écroulait. Dorénavant son regard se perdit dans le vide, fixant un point indéfini hors de la porte.

      “ Je n’ai trouvé personne parmi les chrétiens de Qasr Yanna qui pourrait améliorer notre condition en épousant Apollonia. ”

      “ Alessandro ! Je l’ai vu personnellement lui faire la cour. ” proposa Michele.

      “ C’est un coureur de femmes. ” précisa Corrado

      “ Et qu’est-ce que cela peut nous faire ? ” ajouta Michele ” cela importe car les vices coûtent cher. ”

      “ Tu as bien dit Corrado. Et puis il a essayé de m’arnaquer déjà trois fois au marché. Non, aucune personne de Qasr Yanna. Après le Christoúgenna47, quand on ne travaille pas la terre, je veux que vous alliez dans le iqlīm de Demona, là où les personnes connaissent encore le grec et la majorité sont des chrétiens. Allez jusque là, et trouvez un mari pour votre sœur… et puis pensez également à vous. ”

      Corrado et Michele se regardèrent, un instant après il rirent à plein cœur à l’idée de devoir trouver une épouse.

      “ Corrado, tu es allé dans ces endroits; que peux-tu me dire sur les jeunes filles. ? ” demanda Michele enthousiaste.

      “ Je n’avais que neuf ans. ”

      “ Mais tu te souviendras certainement des femmes… ”

      “ Je me souviens des habitants de Rametta48… Peau claire et yeux noisettes ! ”

      “ Ça suffit ! Gronda Alfeo, qui répéta :

      “ Combien de fois vous ai-je dit de ne pas parler de ces années là ? Pour Corrado c’est comme ci il était né dans cette maison ! ”

      Les deux jeunes garçons s’échangèrent un regard d’entente : au geste de Michele qui indiquait son propre thorax, Corrado répondit en gesticulant à pleines mains pour laisser entendre que les jeunes filles de l’Iqlīm de Demona avaient de gros seins. Apollonia s’en rendit compte ; c’était trop ! Elle courut en larmes à l’extérieur sans donner d’explications. Et elle alla se cacher derrière les potagers dans une plantation de sumac, ce jour là elle ne mangea pas et lorsque Corrado, en la cherchant, passa au-près d’elle, elle s’agenouilla pour ne pas être vue.

      Chapitre 11

      Hiver 1060 (452 de l’hégire), Rabaḍ de Qasr Yanna

      Avant de reprendre connaissance, Corrado eut le temps de voir l’icône de la Madonne, celle insérée dans une niche sur la façade de chez lui, c’était un signe obligatoire pour les chrétiens. Michele l’avait transportée sur les épaules pendant qu’Apollonia les avaient devancés en traçant la route parmi la foule en panique, qui tentait d’éteindre les incendies éclatées juste avant. La maison de Umar était dévorée par les flammes tandis que dans l’entrepôt de céréales, des dizaines d’hommes se démenaient pour tenter de sauver le plus de graines possible ; parmi eux se trouvait également Alfeo.

      Caterina pleurait sur la porte, tandis que ses deux enfants naturels ramenaient l’autre chez eux, immolé et presque mort pour défendre l’honneur de la famille qui l’avait accueilli.

      Michele posa Corrado sur le lit et s’empressa d’aider son père et ses compagnons du village contre les flammes de l’entrepôt.

      Apollonia portait la lanterne, mais elle s’immobilisa sur la porte quand elle se rendit compte que sa mère avait dépouillé Corrado de ses habits plein de sueur, et de la rosée de la nuit, pour le couvrir avec des couvertures sèches. Elle ne se rappelait pas de l’avoir jamais vu nu, elle rougit et craint de s’en approcher. Puis, dans les heures les plus sombres de la nuit, elle se retrouva de nouveau seule et veilla sur lui, comme elle l’avait fait les deux jours précédents. Maintenant un linge humide lui frictionnait le front et tentait de faire baisser la fièvre.

      Quand Corrado ouvrit les yeux, les premières lueurs qui anticipaient l’aurore pénétraient déjà par la petite fenêtre et l’adhān de l’aube résonnait sur tout le Rabaḍ, signe que la spiritualité devait toujours prendre le dessus sur les disgrâces.

      La fièvre était descendue et Corrado commençait à reprendre le contrôle de ses muscles. Les ecchymoses sombres qu’il avait aux pouls rappelaient la cause de son infirmité, et la haine de celui qui lui avait provoqué cette humiliation…. Justement à lui, un noble d’une fière lignée indomptable.

      Corrado avait réprimé son âme de guerrier dans les vingt années de vie de famille. Cette réalité, faite d’affection, d’un chez soi, de parents affectueux, d’un frère fidèle et d’une sœur bien-aimée, avait comblé l’inconfort d’être loin de son peuple, perdu au milieu d’un peuple qu’on lui avait enseigné déjà tout petit à mépriser. Durant ces années, l’humiliation d’être soumis au collecteur d’impôts du Qā’id, d’abord à Fuad et ensuite à Umar, avait été réparée par l’amour de Caterina, la mère qu’il n’avait jamais eue.

      Corrado se retrouvait maintenant avec la tête endormie d’Apollonia posée sur sa poitrine. Bien qu’il fut inconscient par intermittence, il savait tout ce que cette jeune fille avait fait pour lui. Il lui passa donc une main dans les cheveux et lui caressa la joue et l’oreille.

      Apollonia ouvrit les yeux, toutefois il ne pouvait pas la voir. C’était tout ce qu’elle pouvait prétendre de cette proximité : faire semblant de dormir pour jouir des caresses de l’autre. Elle sourit en imaginant que ses mains fussent motivées par d’autres sentiments, mais ces bribes étaient tout ce qu’elle pouvait avoir.

      “ J’ai soif. ” dit Corrado en pensant à voix haute.

      Apollonia à ce point ne put plus faire semblant de dormir, elle se releva du tabouret sur lequel elle était assise.

      “ Je vais prendre de l’eau. ” répondit-elle même trop rapidement, en provoquant le soupçon chez son frère, qui en réalité elle ne dormait pas tellement.

      “ Non, laisse faire notre mère, Toi reste ici. ”

      Le visage de Corrado s’attarda donc sur celui d’Apollonia : une grosse ecchymose encore rouge ,partait de l’angle de sa bouche et montait jusque la moitié de sa joue.

      “ Que t’est-il arrivé ? ” demanda t’il en lui effleurant le visage. Apollonia recula et répondit :

      “


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<p>47</p>

Christoùgenna: nom en grec de la nativité du Christ. Dans le monde chrétien oriental est équivalent à la fête de Noël; observée aujourd’hui en janvier et non en décembre comme en occident.

<p>48</p>

Rametta: antique nom de la localité de Rometta, dans la province de Messine.

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