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Le Journal d'une Femme de Chambre. Octave MirbeauЧитать онлайн книгу.

Le Journal d'une Femme de Chambre - Octave  Mirbeau


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bois blanc, qui ne ferme point et où je n'ai pas la place de ranger mes affaires... Pas d'autre lumière qu'une chandelle qui fume et coule dans un chandelier de cuivre... Ça fait pitié!... Si je veux continuer à écrire ce journal, ou seulement lire les romans que j'ai apportés et me tirer les cartes, il faudra que je m'achète de mon propre argent, des bougies... car, pour ce qui est des bougies de Madame... la peau!... comme disait monsieur Jean... Elles sont sous clé.

      Demain, je tâcherai de m'arranger un peu... Au-dessus de mon lit, je clouerai mon petit crucifix de cuivre doré, et je mettrai sur la cheminée ma bonne vierge de porcelaine peinte, avec mes petites boîtes, mes petits bibelots et les photographies de monsieur Jean, de façon à introduire dans ce galetas un rayon d'intimité et de joie.

      La chambre de Marianne est voisine de la mienne. Une mince cloison la sépare et l'on entend tout ce qui s'y fait... J'ai pensé que Joseph, qui couche dans les communs, viendrait peut-être chez Marianne... Mais non... Marianne a longtemps tourné dans la chambre... Elle a toussé, craché, traîné des chaises, remué un tas de choses... Maintenant elle ronfle... C'est sans doute dans la journée qu'ils font ça!...

      Un chien aboie, très loin, dans la campagne... Il est près de deux heures, et ma lumière va s'éteindre... Moi aussi, je vais être obligée de me coucher... Mais je sens que je ne pourrai pas dormir...

      Ah! ce que je vais me faire vieille, dans cette baraque!... Non, là, vrai!

       Table des matières

      15 septembre.

      Je n'ai pas encore écrit une seule fois le nom de mes maîtres. Ils s'appellent d'un nom ridicule et comique: Lanlaire... Monsieur et madame Lanlaire... Monsieur et madame va-t'faire Lanlaire!... Vous voyez d'ici toutes les bonnes plaisanteries qu'un tel nom comporte et qu'il doit forcément susciter. Quant à leurs prénoms, ils sont peut-être plus ridicules que leur nom et, si j'ose dire, ils le complètent. Celui de Monsieur est Isidore; Euphrasie, celui de Madame... Euphrasie!... Je vous demande un peu.

      La mercière, chez qui je suis allée tantôt pour un rassortissement de soie, m'a donné des renseignements sur la maison. Ça n'est pas du joli. Mais, pour être juste, je dois dire que je n'ai jamais rencontré une femme si rosse et si bavarde... Si ceux qui fournissent mes maîtres en parlent ainsi, comment doivent en parler ceux qui ne les fournissent pas?... Ah! ils ont de bonnes langues, en province!... Mazette!

      Le père de Monsieur était fabricant de draps et banquier à Louviers. Il fit une faillite frauduleuse qui vida toutes les petites bourses de la région, et il fut condamné à dix ans de réclusion, ce qui, en comparaison des faux, abus de confiance, vols, crimes de toute sorte qu'il avait commis, fut jugé très doux. Durant qu'il accomplissait sa peine à Gaillon, il mourut. Mais il avait eu soin de mettre de côté et en sûreté, paraît-il, quatre cent cinquante mille francs, lesquels, habilement soustraits aux créanciers ruinés, constituent toute la fortune personnelle de Monsieur... Et allez donc!... Ça n'est pas plus malin que ça, d'être riche.

      Le père de Madame, lui, c'est bien pire, quoiqu'il n'ait point été condamné à de la prison et qu'il ait quitté cette vie, respecté de tous les honnêtes gens. Il était marchand d'hommes. La mercière m'a expliqué que, sous Napoléon III, tout le monde n'étant pas soldat comme aujourd'hui, les jeunes gens riches «tombés au sort» avaient le droit de «se racheter du service». Ils s'adressaient à une agence ou à un monsieur qui, moyennant une prime variant de mille à deux mille francs, selon les risques du moment, leur trouvait un pauvre diable, lequel consentait à les remplacer au régiment pendant sept années et, en cas de guerre, à mourir pour eux. Ainsi, on faisait, en France, la traite des blancs, comme en Afrique, la traite des noirs?... Il y avait des marchés d'hommes, comme des marchés de bestiaux pour une plus horrible boucherie? Cela ne m'étonne pas trop... Est-ce qu'il n'y en a plus aujourd'hui? Et que sont donc les bureaux de placement et les maisons publiques, sinon des foires d'esclaves, des étals de viande humaine?

      D'après la mercière, c'était un commerce fort lucratif, et le père de Madame, qui l'avait accaparé pour tout le département, s'y montrait d'une grande habileté, c'est-à-dire qu'il gardait pour lui et mettait dans sa poche la majeure partie de la prime... Voici dix ans qu'il est mort, maire du Mesnil-Roy, suppléant du juge de paix, conseiller général, président de la fabrique, trésorier du bureau de bienfaisance, décoré, et, en plus du Prieuré qu'il avait acheté pour rien, laissant douze cent mille francs, dont six cent mille sont allés à Madame, car Madame a un frère qui a mal tourné, et on ne sait pas ce qu'il est devenu... Eh bien... on dira ce qu'on voudra... Voilà de l'argent qui n'est guère propre, si tant est qu'il y en ait qui le soit... Pour moi, c'est bien simple, je n'ai vu que du sale argent et que de mauvais riches.

      Les Lanlaire—est-ce pas à vous dégoûter?—ont donc plus d'un million. Ils ne font rien que d'économiser... et c'est à peine s'ils dépensent le tiers de leurs rentes. Rognant sur tout, sur les autres et sur eux-mêmes, chipotant âprement sur les notes, reniant leur parole, ne reconnaissant des conventions acceptées que ce qui est écrit et signé, il faut avoir l'oeil avec eux, et, dans les rapports d'affaires, ne jamais ouvrir la porte à une contestation quelconque. Ils en profitent aussitôt pour ne pas payer, surtout les petits fournisseurs qui ne peuvent supporter les frais d'un procès, et les pauvres diables qui n'ont point de défense... Naturellement, ils ne donnent jamais rien, si ce n'est, de temps en temps, à l'église, car ils sont fort dévots. Quant aux pauvres, ils peuvent crever de faim devant la porte du Prieuré, implorer et gémir. La porte reste toujours fermée...

      —Je crois même, disait la mercière, que s'ils pouvaient prendre quelque chose dans la besace des mendiants, ils le feraient sans remords, avec une joie sauvage...

      Et elle ajoutait, à titre d'exemple monstrueux:

      —Ainsi, nous tous ici qui gagnons notre vie péniblement, quand nous rendons le pain bénit, nous achetons de la brioche. C'est une question de convenance et d'amour-propre... Eux, les sales pingres, ils distribuent, quoi?... Du pain, ma chère demoiselle. Et pas même du pain blanc, du pain de première qualité... Non... du pain d'ouvrier... Est-ce pas honteux... des personnes si riches?... Même que la Paumier, la femme du tonnelier, a entendu un jour Mme Lanlaire dire au curé qui lui reprochait doucement cette crasserie: «Monsieur le curé, c'est toujours assez bon pour ces gens-là!»

      Il faut être juste, même avec ses maîtres. S'il n'y a qu'une voix sur le compte de Madame, on n'en veut pas à Monsieur... On ne déteste pas Monsieur... Chacun est d'accord pour déclarer que Monsieur n'est pas fier, qu'il serait généreux envers le monde, et ferait beaucoup de bien, s'il le pouvait. Le malheur est qu'il ne le peut pas... Monsieur n'est rien chez lui... moins que les domestiques, pourtant durement traités, moins que le chat à qui on permet tout... Peu à peu, et pour être tranquille, il a abdiqué toute autorité de maître de maison, toute dignité d'homme aux mains de sa femme. C'est Madame qui dirige, règle, organise, administre tout... Madame s'occupe de l'écurie, de la basse-cour, du jardin, de la cave, du bûcher et elle trouve à redire sur tout. Jamais les choses ne vont comme elle voudrait, et elle prétend sans cesse qu'on la vole... Ce qu'elle a un oeil!... C'est inimaginable. On ne lui pose pas de blagues, bien sûr, car elle les connaît toutes... C'est elle qui paie les notes, touche les rentes et les fermages, conclut les marchés... Elle a des roueries de vieux comptable, des indélicatesses d'huissier véreux, des combinaisons géniales d'usurier... C'est à ne pas croire... Naturellement, elle tient la bourse, férocement, et elle n'en dénoue les cordons que pour y faire entrer plus d'argent, toujours... Elle laisse Monsieur sans un sou, c'est à peine s'il a de quoi s'acheter du tabac, le pauvre. Au milieu de sa richesse, il est encore plus dénué que tout le monde d'ici... Pourtant, il ne bronche pas, il ne bronche jamais... Il obéit comme les camarades. Ah! ce qu'il est drôle, des fois, avec son air de chien embêté et soumis... Quand, Madame étant sortie, arrive un fournisseur avec une facture, un pauvre avec sa misère, un commissionnaire qui réclame un pourboire, il faut voir Monsieur... Monsieur est vraiment


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