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L'année terrible. Victor HugoЧитать онлайн книгу.

L'année terrible - Victor Hugo


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sur la croix;

      Le supplice effrayant du genre humain commence.

      Donc luttons. Plus que Troie et Tyr, plus que Numance,

      Paris assiégé doit l’exemple. Soyons grands.

      Affrontons les bandits conduits par les tyrans..

      Les Huns reviennent comme au temps de Frédégaire;

      Laissons rouler vers nous les machines de guerre;

      Faisons front, tenons tête; acceptons, seuls, trahis,

      Sanglants, le dur travail de sauver ce pays.

      Tomber, mais sans avoir tremblé, c’est la victoire.

      Être la rêverie immense de l’histoire,

      Faire que tout chercheur du vrai, du grand, du beau,

      Met le doigt sur sa bouche en voyant un tombeau,

      C’est aussi bien l’honneur d’un peuple que d’un homme,

      Et Caton est trop grand s’il est plus grand que Rome;

      Rome doit l’égaler, Rome doit l’imiter;

      Donc Rome doit combattre et Paris doit lutter.

      Notre labeur finit par être notre gerbe.

      Combats, ô mon Paris! aie, ô peuple superbe,

      Criblé de flèches, mais sans tache à ton écu,

      L’illustre acharnement de n’être pas vaincu.

       Table des matières

      Et voilà donc les jours tragiques revenus!

      On dirait, à voir tant de signes inconnus,

      Que pour les nations commence une autre hégire.

      Pâle Alighieri, toi, frère de Cynégire,

      O sévères témoins, ô justiciers égaux,

      Penchés, l’un sur Florence et l’autre sur Argos,

      Vous qui fîtes, esprits sur qui l’aigle se pose,

      Ces livres redoutés où l’on sent quelque chose

      De ce qui gronde et luit derrière l’horizon,

      Vous que le genre humain lit avec un frisson,

      Songeurs qui pouvez dire en vos tombeaux: nous sommes

      Dieux par le tremblement mystérieux des hommes!

      Dante, Eschyle, écoutez et regardez.

      Ces rois

      Sous leur large couronne ont des fronts trop étroits.

      Vous les dédaigneriez. Ils n’ont pas la stature

      De ceux que votre vers formidable torture,

      Ni du chef argien, ni du baron pisan;

      Mais ils sont monstrueux pourtant, convenez-en.

      Des premiers rois venus ils ont l’aspect vulgaire;

      Mais ils viennent avec des légions de guerre.

      Ils poussent sur Paris les sept peuples saxons.

      Hideux, casqués, dorés, tatoués de blasons,

      Il faut que chacun d’eux de meurtre se repaisse;

      Chacun de ces rois prend pour emblème une espèce

      De bête fauve et fait luire à son morion

      La chimère d’un rude et morne alérion,

      Ou quelque impur dragon agitant sa crinière;

      Et le grand chef arbore à sa haute bannière,

      Teinte des deux reflets du tombeau tour à tour,

      Un aigle étrange, blanc la nuit et noir le jour.

      Avec eux, à grand bruit, et sous toutes les formes,

      Krupps, bombardes, canons, mitrailleuses énormes,

      Ils traînent sous ce mur qu’ils nomment ennemi

      Le bronze, ce muet, cet esclave endormi,

      Qui, tout à coup hurlant lorsqu’on le démusèle,

      Est pris d’on ne sait quel épouvantable zèle

      Et se met à détruire une ville, sans frein,

      Sans trêve, avec la joie horrible de l’airain,

      Comme s’il se vengeait, sur ces tours abattues,

      D’être employé par l’homme à d’infâmes statues;

      Et comme s’il disait: Peuple, contemple en moi

      Le monstre avec lequel tu fais ensuite un roi!

      Tout tremble, et les sept chefs dans la haine s’unissent.

      Ils sont là, menaçant Paris. Ils le punissent.

      De quoi? D’être la France et d’être l’univers,

      De briller au-dessus des gouffres entr’ouverts,

      D’être un bras de géant tenant une poignée

      De rayons, dont l’Europe est à jamais baignée;

      Ils punissent Paris d’être la liberté ;

      Ils punissent Paris d’être cette cité

      Où Danton gronde, où luit Molière, où rit Voltaire;

      Ils punissent Paris d’être âme de la terre,

      D’être ce qui devient de plus en plus vivant,

      Le grand flambeau profond que n’éteint aucun vent,

      L’idée en feu perçant ce nuage, le nombre,

      Le croissant du progrès clair au fond du ciel sombre;

      Ils punissent Paris de dénoncer l’erreur,

      D’être l’avertisseur et d’être l’éclaireur,

      De montrer sous leur gloire affreuse un cimetière,

      D’abolir l’échafaud, le trône, la frontière,

      La borne, le combat, l’obstacle, le fossé,

      Et d’être l’avenir quand ils sont le passé.

      Et ce n’est pas leur faute; ils sont les forces noires.

      Ils suivent dans la nuit toutes les sombres gloires,

      Caïn, Nemrod, Rhamsès, Cyrus, Gengis, Timour.

      Ils combattent le droit, la lumière, l’amour.

      Ils voudraient être grands et ne sont que difformes.

      Terre, ils ne veulent pas qu’heureuse, tu t’endormes

      Dans les bras de la paix sacrée, et dans l’hymen

      De la clarté divine avec l’esprit humain.

      Ils condamnent le frère à dévorer le frère,

      Le peuple à massacrer le peuple, et leur misère

      C’est d’être tout-puissants, et que tous leurs instincts,

      Allumés pour l’enfer, soient pour le ciel éteints.

      Rois hideux! On verra, certe, avant que leur âme

      Renonce à la tuerie, au glaive, au meurtre infâme,

      Aux clairons, au cheval de guerre qui hennit,

      L’oiseau ne plus savoir le chemin de son nid,

      Le tigre épris du cygne, et l’abeille oublieuse

      De sa ruche sauvage au creux noir de l’yeuse.

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