Histoire de la peinture en Italie. StendhalЧитать онлайн книгу.
portique assez élégant. Les peintures sont sur le mur au fond du portique qui enclôt le jardin; on y voit, à côté de la chasse d'Hippolyte, le marbre de l'aimable Pignotti et celui d'Algarotti, élevé par Frédéric II. Carlo Lasinio a gravé les fresques.
Nicolas était un de ces hommes faits pour changer les idées de tout un peuple; c'est lui qui donna le premier choc à la barbarie: il fut excellent architecte. Voir l'immense édifice du Santo, à Padoue; à Florence, l'église de la Trinité, que Michel-Ange appelait sa maîtresse; à Pise, le singulier clocher des Augustins, octogone au dehors, circulaire en dedans; il sut corriger la mobilité du terrain en enfonçant des pieux.
Comparer aux ouvrages de Nicolas la porte de Pise, celle de Sainte-Marie à Montréal, qu'on attribue à Bonanno Pisano. Sur ces antiquités, on peut consulter Martini, Moronna, le père del Giudice, Cicognara.
CHAPITRE III.
PREMIERS SCULPTEURS.
Il forma à la sculpture Arnolfe Fiorentino, auteur du tombeau de Boniface VIII à Saint-Pierre de Rome, et son fils, Jean Pisano, qui fit le tombeau de Benoît IX à Pérouse. Ce fils travailla à Naples et dans plusieurs villes de Toscane; mais son ouvrage le plus remarquable est le grand autel de Saint-Donat d'Arezzo, qui coûta trente mille florins d'or.
Jean Pisano eut pour compagnon à Pérouse, et peut-être pour élève, un André Pisano, qui, s'étant ensuite établi à Florence, orna de statues la cathédrale et l'église de Saint-Jean. On sait qu'il employa vingt-deux ans à faire une des trois portes de bronze par lesquelles on entre dans ce baptistère célèbre. Il a mérité cette louange, que c'est en étudiant les bas-reliefs qui couvrent cette porte que les artistes ses successeurs sont parvenus à faire les deux autres, que Michel-Ange appelait les portes du paradis. Il est impossible, en effet, de rien voir de plus agréable que celle qui fait face au dôme. C'est un ouvrage plein de grâce, et dont la porte de bronze, qui était à l'ancien musée Napoléon, dans la salle du Nil, ne peut donner aucune idée.
André fonda l'école célèbre qui produisit Donatello et Ghiberti.
Après André Pisano vient Balducci de Pise; c'est un des sculpteurs les plus remarquables du siècle. Castruccio, ce grand homme, tyran de Lucques, et Azzone Visconti, seigneur de Milan, l'employèrent à l'envi; mais c'est dans cette dernière ville qu'il a le plus travaillé. Le voyageur ne doit pas négliger le tombeau de saint Pierre, martyr, à Saint-Eustorge; il y verra ce que l'art avait encore produit de mieux à cette époque (1339).
Deux artistes de Sienne sortirent de l'école de Jean Pisano. Agnolo et Agostino étaient frères. Ce sont eux qui exécutèrent, sur les dessins de Giotto, le singulier tombeau de Guido, évêque d'Arezzo, où l'on trouve des bas-reliefs et un si grand nombre de petites statues représentant les principaux exploits de ce prélat guerrier. Ils travaillèrent beaucoup à Orvietto, à Sienne, en Lombardie.
La mosaïque suivait la sculpture, et la gloire en est encore à un Toscan, le moine Mino da Turita.
CHAPITRE IV.
PROGRÈS DE LA MOSAÏQUE.
Que Rome ait eu une école de mosaïque dès le onzième siècle, peu importe à la gloire de la Toscane, si Turita a également surpassé les ouvriers romains et ceux de Constantinople. En voyant ses ouvrages à Sainte-Marie-Majeure, on a peine à se persuader qu'ils soient d'un siècle encore si barbare.
CHAPITRE V.
PREMIERS PEINTRES.
Pour la peinture, elle restait bien loin de la mosaïque, et surtout de la sculpture. L'antiquité n'avait pas laissé de modèle.
Probablement, dès le temps des Lombards, Florence avait élevé son baptistère sur les ruines d'un temple de Mars. Sous Charlemagne, on bâtit l'église de Sant'Apostolo. Cet édifice, pur de la barbarie gothique, a mérité de servir de modèle à Brunelleschi, qui, à son tour, fut imité par Michel-Ange. En 1013, les Florentins rebâtirent l'église de San-Miniato. Il y a dans les arceaux, dans les corniches, dans les autres ornements, une imitation bien décidée de l'antique.
En 1063, les Pisans, fiers de leurs richesses et de leurs mille vaisseaux, voulurent élever le plus grand monument dont on eût jamais ouï parler. Ils amenèrent de Grèce un architecte et des peintres. Il fallut invoquer le secours de tous les arts. Les masses énormes à élever, les sculptures, les vastes mosaïques, tout indique que ce grand édifice fut un centre d'activité pendant le reste du onzième siècle. Tout encore y est barbare. Mais la grandeur matérielle de la chose exécutée donne, malgré soi, une partie du plaisir des beaux-arts. Cette grande entreprise réveilla la Toscane. Le feu sacré fut alimenté par la construction de l'église de Saint-Jean, de la tour penchée et du Campo-Santo.
Au milieu de cette activité de l'architecture, les peintres venus de Grèce firent des élèves sans doute; mais ils ne purent montrer que ce qu'ils savaient eux-mêmes; et la science qu'ils apportèrent en Italie était bien peu de chose, à en juger du moins par un parchemin que l'on conserve à la cathédrale de Pise, et sur lequel est écrit l'hymne du samedi saint. Il y a de temps en temps, entre les versets, des miniatures représentant des animaux ou des plantes. Les amateurs de la vénérable antiquité croient ce parchemin du commencement du douzième siècle. Ils admirent encore à Pise quelques tableaux du même temps et du même mérite. Ce sont, pour la plupart, des madones qui portent Jésus dans le bras droit. Le chef-d'œuvre de ces Grecs, auxquels j'ai honte de donner un si beau nom, est une vierge peinte sur bois dans la petite ville de Camerino. Elle ressemble assez aux peintures grecques que nous trouvâmes en 1812 à Smolensk et à Moscou. Il paraît que, chez les Grecs modernes, l'art n'est pas sorti du simple mécanisme. C'est que leur civilisation n'a pas fait un pas depuis les croisades. Il est bien vrai que, depuis quelque temps, ils se font savants; mais le cœur est toujours bas[66].
On cite en Toscane le nom d'un peintre qui vivait vers l'an 1210. Le mieux conservé des ouvrages de Giunta Pisano se trouve dans l'église des Anges à Assise: c'est un Christ peint sur une croix de bois. Aux extrémités des branches de la croix on aperçoit la mère de Jésus et deux autres demi-figures. Ces figures sont plus petites que nature; le dessin en est horriblement sec, les doigts extrêmement longs. Toutefois il y a une expression de douleur dans les têtes, une manière de rendre les plis des draperies, un travail soigné dans les parties nues, qui l'emportent de beaucoup sur la pratique des Grecs de ce temps-là. Les couleurs sont bien empâtées et bien fondues. La couleur des chairs tire sur le bronze; mais, en général, les teintes sont distribuées avec art; on aperçoit quelques traces de la science des clairs et des obscurs, et le tout ensemble n'est inférieur que dans la proportion aux crucifix entourés de demi-figures qu'on attribue à Cimabue[67].
Il y a quelques fresques de Giunta dans l'église supérieure de Saint-François, à Assise; c'est un ouvrage qu'il fit de compagnie avec des peintres grecs. Il est encore possible de distinguer plusieurs sujets, entre autres le crucifiement de saint Pierre. On dit qu'une main indiscrète a retouché ces fresques. C'est une excuse pour les incorrections du dessin; mais les partisans de Giunta sont plus embarrassés pour le coloris, qui est d'une extrême faiblesse. Ils veulent que son école ait propagé les arts en Toscane. Il mourut, jeune encore, vers 1240.
Les gens d'Assise montrent en même temps que ces fresques le plus ancien portrait de saint François. Il est peint sur la planche même qui servit