Histoire de la peinture en Italie. StendhalЧитать онлайн книгу.
rel="nofollow" href="#ulink_d4fdf99b-409b-5b46-b1db-587620b56be8">[66] Voyage de North-Douglas, Londres, 1813. Il aura tort dans cinquante ans, si les élections sont libres aux Sept-Iles.
Cimabue | né en 1240 | mort en 1300. |
Giotto | 1276 | 1336. |
Masaccio | 1401 | 1443. |
Ghirlandajo | 1451 | 1495. |
Leonardo da Vinci | 1452 | 1519. |
CHAPITRE VI.
SUITE DES PREMIERS PEINTRES.
La révolution que nous venons de voir en Toscane (1230), et il fallait bien la suivre quelque part, s'opérait presque en même temps dans le reste de l'Italie. Partout des citoyens riches, après avoir secoué les chaînes féodales, demandaient aux arts des productions nouvelles. La piété voulait des madones, et la vanité des tombeaux.
Depuis longtemps chaque ville avait des ouvriers en miniature pour les livres de prières. Il paraît qu'à cette époque plusieurs de ces ouvriers s'élevèrent jusqu'à peindre les murs des églises, et même des tableaux sur bois.
Ce qu'il y a de prouvé, c'est qu'en 1221 Sienne avait son Guido, qui s'était déjà un peu écarté de la sécheresse des Grecs. Lucques avait, en 1235, un Bonaventure Berlingieri, duquel on trouve un Saint François dans le château de Guiglia, près de Modène[68].
Arezzo fait valoir son Margaritone, élève et imitateur des Grecs, qui paraît être né plusieurs années avant Cimabue. Il peignit sur toile, et fut, dit-on, le premier à trouver le moyen de rendre les tableaux plus durables et moins sujets aux fentes. Il étendait sur des tables de bois une toile qu'il y unissait par une colle fabriquée avec des morceaux de parchemin, et, avant de peindre sur cette toile, il la couvrait d'une couche de plâtre. Ce procédé le conduisit à faire en plâtre, et en relief, les diadèmes et les autres ornements qu'il plaçait sur la tête de ses saints. Il trouva même le secret d'appliquer l'or sur ces ornements, et de le brunir; ce qui parut le comble de l'art. On voit un de ses crucifix à Santa-Croce, église que vous verrez avec plaisir à Florence. C'est là que reposent Alfieri, Galilée, Michel-Ange et Machiavel.
Florence cite, vers l'an 1236, un Bartolomeo. C'est probablement l'auteur de ce fameux tableau qu'on révère à l'église des Servites, plus connue, à cause de lui, sous le nom de la Nunziata. Les moines avaient chargé Bartolomeo de peindre l'Annonciation. Il se tira fort bien de la figure de l'ange; mais, quand il en fut à la Vierge, il désespéra de trouver l'air séraphique indispensable ici. Le bonhomme s'endormit de fatigue. Dès qu'il eut les yeux fermés, les anges ne manquèrent pas de descendre du ciel, peignirent sans bruit une tête céleste en tous points, et, en s'en allant, tirèrent le peintre par la manche. Il voit son ouvrage fait, il crie au miracle. Ce cri fut répété par toute l'Italie, et valut des millions aux Servites. De nos jours, un maudit philosophe, nommé Lami, s'est avisé de discuter le miracle. Les moines voulurent l'assassiner. Il s'échappa à grand'peine. Mais la Vierge, pour se venger d'une manière plus délicate et moins usitée, s'est contentée de se rendre laide aux yeux des profanes, qui ne trouvent plus qu'une grossière figure, très-digne de Bartolomeo, et un peu retouchée dans la draperie[69].
On ne peut nier que Venise n'ait eu des peintres dès le commencement du douzième siècle, et qu'ils n'aient été en assez grand nombre[70] pour former une confrérie; par bonheur, leurs ouvrages n'existent plus.
Le mouvement qui faisait désirer plus de perfection dans les arts était général, et Florence, quoi qu'elle en dise, n'a point la gloire d'avoir seule produit des peintres dans ces temps reculés. Mais les premiers gens à talent sont nés dans une république où l'on pouvait tout dire, et qui avait déjà produit Pétrarque, Boccace et le Dante.
Ce qu'on peut apporter de mieux devant les ouvrages de l'art, c'est un esprit naturel. Il faut oser sentir ce que l'on sent. Ceci n'est à l'usage ni des provinciaux, ni des écrivains d'Italie qui mettent un patriotisme furieux dans l'histoire de la peinture. De propos délibéré, ils en ont embrouillé les premières époques[71]; pour moi, dans cette ligue générale formée par des hommes de tous les pays pour approcher de la perfection, une douce illusion m'a fait voir des concitoyens dans tous ceux qui ont du génie. J'ai cru que les barbouilleurs seuls n'avaient pas droit de cité.
Je puis avoir tort; mais ce que je dirai de Cimabue, de Giotto, de Masaccio, je l'ai senti réellement devant leurs ouvrages, et je les ai toujours vus seul. J'ai en horreur les cicerone de toute espèce. Trois ans de mon exil ont été passés en Toscane, et chaque jour fut employé à voir quelque tableau.
Aujourd'hui que j'ai visité une quantité suffisante de tableaux de Cimabue, je ne ferais pas un pas pour les revoir. Je les trouve déplaisants. Mais la raison me dit que sans Cimabue nous n'aurions peut-être jamais eu l'aimable André del Sarto, et je ferais vingt lieues avec plaisir pour voir une seconde Madona del Sacco[72].
Le magnétisme me servira d'exemple. On dit ses adeptes fort ridicules; du moins on nous fait rire à leurs dépens, ce dont je suis fort aise. Il n'en est pas moins possible que, d'ici à un siècle ou deux, le magnétisme conduise à quelque découverte admirable; et si alors un oisif s'amuse à en faire l'histoire, il faudra bien qu'il parle de nos magnétiseurs ridicules, et qu'en avouant qu'il n'aurait pas voulu être leur patient, il rende pourtant justice aux progrès que chacun d'eux aura fait faire à la science.
[68] Comme dans ce siècle Sienne était libre, du moins par les sentiments, ses artistes méritent d'être nommés immédiatement après ceux de Florence. Les savants diront: Voilà bien l'esprit de système et la manie de tout voir dans la liberté. Mais les philosophes savent que l'esprit humain est une plante fort délicate que l'on ne peut arrêter dans une de ses branches sans la faire périr.
[69] Les murs de cette chapelle, quoique tout d'agate et de calcédoine, sont recouverts, de haut en bas, de bras, de jambes et autres membres d'argent qu'y ont consacrés ceux qui ont reçu la grâce d'être estropiés. En France, nous nous contentons de porter des têtes sur des brancards; dans le reste de l'Italie, ils portent des madones; mais ici ils n'en font pas à deux fois, ils portent le maître-autel de la chapelle tout brandi (de Brosses, 1740). En 1805, on imprimait encore, dans la Guida de Florence, que les miracles continuaient chaque jour. Au reste, le nord n'a pas le droit de se moquer de la superstitieuse Italie. Dans l'évêché de Bâle, on vient d'excommunier (novembre 1815) les souris et les rats, convaincus d'avoir causé de notables dommages.
(Note de sir W. E.)
[70] Zanetti.