À Genoux. Shanae JohnsonЧитать онлайн книгу.
des mouvements et la coordination. Diriger un animal aussi imposant et regagner le contrôle de son corps augmentait l’estime que les soldats avaient d’eux-mêmes et leur redonnait une part de liberté.
Le ranch ne proposait pas uniquement de l’hippothérapie. Le jardinage était très utile pour les fonctions sensorielles et tactiles. Les tâches du quotidien, comme pousser une brouette, ratisser, bêcher, désherber, planter et même arranger des fleurs participaient au rétablissement des fonctions motrices.
À genoux dans le jardin, Reed Cannon déplaçait la terre pour planter des fleurs qu’il espaçait régulièrement. D’une main, il travaillait le terreau fertile, tandis que l’autre reposait, raide, dans la terre. La main raide était une prothèse. Il avait perdu la vraie dans la même explosion qui avait emporté la jambe de Dylan.
Dylan traversa leur havre de paix, passant devant les campanules violettes auxquelles le ranch devait son nom. Il n’y avait pas que des fleurs et des légumes dans les jardins de ce sanctuaire : un jardin de papillons offrait aux vétérans un espace paisible où se retirer. Le ranch n’était pas là pour guérir uniquement leurs troubles physiques ou psychologiques, mais aussi leurs séquelles émotionnelles. Dylan et les autres soldats avaient dégagé des chemins pour les fauteuils roulants pour rendre le tout accessible à tous.
Des vétérans plus âgés venaient parfois aussi au ranch pour soigner des blessures rapportées de guerres terminées depuis longtemps mais aux cicatrices encore fraîches. Dylan espérait pouvoir un jour ouvrir le ranch à des jeunes en difficulté pour leur offrir l’attention dont ils avaient besoin pour avoir l’espoir d’un avenir radieux. C’est pour cela que, non, il ne regrettait pas d’avoir laissé la haute société derrière lui. La société dont il rêvait, c’était celle qu’il créait ici.
Alors que Dylan s’éloignait des jardins, l’odeur du bétail lui envahit les narines. Francisco DeMonti traversait le troupeau de moutons. Prendre soin d’animaux de taille moyenne aidait les vétérans à réapprendre à former des relations. Les animaux étaient les cobayes parfaits ; la plupart offraient un amour inconditionnel, surtout si la main qui leur était tendue contenait de la nourriture.
Fran n’avait aucune cicatrice visible. Ses blessures étaient toutes internes, mais ne risquaient pas moins de le tuer pour autant.
« Ta sortie de ce matin s’est bien passée ? »
Fran sortit de l’enclot et rejoignit Dylan sur le chemin qui menait au bâtiment principal. Dylan hocha la tête.
« Un vieux copain du centre pour les vétérans m’a appelé, expliqua Fran. Ils se demandent si on pourrait héberger quelques soldats de plus ?
– On a la place. »
Il y avait plusieurs logements sur le ranch, même si la plupart des soldats repartaient à la fin de leur thérapie ou de leur rééducation. Beaucoup avaient des familles à retrouver ou se rendaient compte que la vie au ranch ne leur convenait pas sur le long terme. Les cinq vétérans qui avaient fait du ranch leur foyer n’avaient nulle part où aller ou n’avaient pas envie d’y retourner. Leur vie était ici désormais. Dylan réaffirma :
« On accueillera tous ceux qui ont besoin d’aide. »
Et ils pouvaient se le permettre à moindre coût. Entre leurs pensions, que Dylan interdisait aux autres de dépenser pour le ranch, les aides du gouvernement, que Dylan reversait en bonus de salaires aux employés, et ses propres fonds, qui absorbaient le plus gros des dépenses, ils n’auraient jamais besoin de refuser qui que ce soit. Contrairement à ce que sa famille lui avait fait subir.
« Bonne soirée les garçons ! »
Le docteur Patel retournait à sa voiture, sa mallette dans une main et une Bible dans l’autre. Outre son statut de psychologue agréé, le docteur était également membre du clergé.
« Vous allez à l’église ? demanda Fran.
- Tout à fait, répondit le docteur avec un sourire. J’ai de la place sur le siège passager si vous voulez m’accompagner.
- Une autre fois. »
Dylan ne dit rien. Il n’avait toujours pas retrouvé une excellente relation avec celui d’en haut, et n’était pas tout à fait prêt à y travailler ce jour-là. Mais le docteur Patel se contenta de leur adresser un sourire entendu. Si Dylan n’avait pas eu autant de respect pour cet homme, il aurait détesté son attitude perpétuellement optimiste, sa patience infinie face à l’adversité, et sa confiance constante en toute chose.
Alors que le docteur Patel ouvrait la portière, une autre voiture se gara. C’était un modèle de luxe haut-de-gamme. Pendant un instant, Dylan se demanda s’il s’agissait de son père. Mais il savait que son père ne quitterait jamais Manhattan pour venir dans un trou perdu au beau milieu des États-Unis.
L’homme qui descendit de la voiture portait un costume hors-de-prix. Du prêt-à-porter, pas du sur mesure. Son père n’aurait jamais supporté d’être vu vêtu d’une tenue qui n’aurait pas été cousue main pour lui. Dylan reconnut Michael Haskell, l’agent immobilier en charge du ranch.
Michael Haskell était quelqu’un de pragmatique qui allait droit au but, sans s’embarrasser de politesses ou de détails futiles. Cela faisait presque un an que Dylan louait les terres en attendant la finalisation de la vente. Il ne restait plus que quelques détails à régler avant que l’acte de propriété ne soit entre ses mains.
« On a un problème, déclara Haskell. Ces terres sont censées être à usage familial. La vente ne pourra être conclue que si des familles y vivent.
– Les soldats de l’unité forment une famille, répondit Dylan.
– Les soldats forment un groupe d’homme, rétorqua Haskell, dont aucun n’est marié. »
Dylan ne comprenait pas où était le problème. Il voulait acheter des terres, pas un parc d’attraction. Qu’est-ce que cela pouvait bien faire, que les occupants soient mariés ou non ?
« Qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Fran, toujours pragmatique. Est-ce que le zonage peut être modifié ?
– Cela prendrait des mois, et vous devriez évacuer la propriété dans l’intérim, répondit Haskell. Je suppose qu’aucun de vous n’a l’intention de se marier prochainement ? »
Chapitre quatre
« Deux chiens, j’ai laissé couler, même si les règles indiquent clairement un petit chien maximum. Mais en deux ans, vous avez accumulé quatre chiens, dont seulement deux petits. »
Maggie tenait l’un des petits chiens dans ses bras en écoutant son propriétaire. Guerrière avait perdu sa patte avant après avoir été renversée par une voiture. Elle avait été amenée à la clinique durant le premier mois de Maggie à ce poste. Maggie avait réussi à la soigner, amputant sa patte blessée et lui apprenant à marcher sur trois pattes. La petite chienne s’était épanouie, mais personne n’était venu la récupérer ou lui donner une nouvelle maison. Sur le point d’être euthanasiée, elle avait disparu comme par magie peu de temps avant son rendez-vous avec la mort.
Maggie posa Guerrière sur le plancher de l’entrée. Ses griffes cliquetèrent sur le sol tandis qu’elle s’éloignait d’un pas nonchalant, visiblement aussi peu ravie de la présence de M. Hurley que lui l’était de la sienne.
Les trois autres chiens desquels parlait M. Hurley se tenaient à l’écart. Bien qu’en général très affectueux et impatients de rencontrer de nouvelles personnes et de transformer en nouvel ami humain quiconque passait la porte ou venait à leur rencontre à l’extérieur, ils savaient instinctivement que M. Hurley n’était pas du genre à faire ami-ami.
« Et maintenant vous voudriez en ajouter un cinquième ? »
Le ton de M. Hurley devenait exaspéré. Le cinquième