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Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2. Anatole FranceЧитать онлайн книгу.

Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2 - Anatole France


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et est vrai roi de France, et qu'il me baillât des gens d'armes et que je lèverais le siège d'Orléans et le mènerais sacrer à Reims365.

      Cette fois, elle annonce qu'elle a mission de délivrer Orléans. Et c'est seulement après avoir accompli cette première tâche qu'elle fera le voyage du sacre. Il faut reconnaître la souplesse et l'à-propos avec lesquels ses Voix changeaient, selon les nécessités du moment, les ordres précédemment donnés.

      Les manières de sire Robert à l'égard de Jeanne étaient tout à fait changées. Il ne parlait plus de lui donner de bons soufflets et de la renvoyer à ses parents. Maintenant, il la traitait sans rudesse et, s'il n'avait pas foi en ce qu'elle annonçait, du moins l'écoutait-il volontiers.

      Dans une des conversations qu'elle eut avec lui, elle lui tint un propos étrange:

      – Une fois accomplies, lui dit-elle, les grandes choses que j'ai à faire de la part de Messire, je me marierai et j'aurai trois fils, dont le premier sera pape, le second empereur, le troisième roi.

      Sire Robert répondit gaiement:

      – Puisqu'ils seront si grands personnages, je voudrais bien t'en faire un. J'en vaudrais mieux ensuite.

      Jeanne répondit:

      – Nenni, gentil Robert, nenni. Il n'est pas temps. Le Saint-Esprit y ouvrera366.

      À en juger sur le peu de paroles d'elle qui nous ont été transmises, la jeune inspirée, dans les premiers temps de sa mission, parlait alternativement deux langages différents. Ses paroles semblaient couler de deux sources opposées. Les unes, ingénues, candides, naïves, courtes, d'une simplicité rustique, d'une malice innocente, quelquefois rudes, empreintes d'autant de chevalerie que de sainteté, avaient trait, le plus souvent, à l'héritage et au sacre du dauphin, et à la débellation des Anglais. C'était le langage de ses Voix, son vrai langage, son langage intérieur. Les autres, plus subtiles et teintées d'allégories, fleuries, quintessenciés, d'une grâce savante, concernant l'Église, sentaient le clerc et trahissaient quelque influence du dehors. Le propos tenu par elle à sire Robert sur les trois enfants qu'elle mettrait au monde est de la seconde sorte. C'est une allégorie. Son triple enfantement signifie que de ses œuvres naîtra la paix de la chrétienté, et que, après qu'elle aura accompli sa mission divine, le pape, l'empereur et le roi, tous trois fils de Dieu, feront régner la concorde et l'amour dans l'Église de Jésus-Christ. L'apologue est d'une clarté limpide; encore faut-il un peu d'esprit pour le comprendre. Le capitaine n'y entendit rien; il prit la chose en sens littéral et répondit en conséquence, car c'était un homme simple et jovial367.

      Jeanne logeait en ville chez des amis de son cousin Lassois, gens d'humble condition, Henri Leroyer et sa femme Catherine. Elle y filait, étant bonne filandière; elle donnait aux pauvres le peu qu'elle avait. Elle fréquentait l'église paroissiale en compagnie de Catherine368. Souvent, dans la matinée, elle montait la colline qui voit se pressera ses pieds les toits de la ville, et se rendait en grande dévotion dans la chapelle de Sainte-Marie-de-Vaucouleurs. Cette collégiale, construite sous le roi Philippe VI, était attenante au château qu'habitait le capitaine de Vaucouleurs. La vénérable nef de pierre s'élevait hardiment à l'orient, sur la vaste étendue des coteaux et des prairies, et dominait la vallée où Jeanne avait été nourrie. Elle y entendait la messe et y demeurait longtemps en oraison.

      Sous la chapelle, dans la crypte, on gardait une image ancienne et vénérée de la vierge qu'on appelait Notre-Dame-de-la-Voûte369, et qui faisait des miracles spécialement en faveur des pauvres et des nécessiteux. Jeanne se plaisait dans cette crypte obscure et solitaire où les saintes la visitaient de préférence.

      Un petit clerc, presque encore un enfant, qui desservait la chapelle, y vit un jour la jeune fille immobile, les mains jointes, la tête renversée, les yeux levés et noyés de larmes, et il devait garder toute sa vie l'image de ce ravissement370.

      Elle allait souvent à confesse et disait ses péchés notamment à messire Jean Fournier, curé de Vaucouleurs371.

      Elle touchait son hôtesse par la manière sage et douce dont elle vivait, et elle la troubla un jour extrêmement. Ce fut quand elle lui dit:

      – Ne savez-vous pas qu'il a été prédit que la France, perdue par une femme, serait sauvée par une pucelle des Marches de Lorraine372?

      La femme Leroyer savait aussi bien que Durand Lassois, que madame Ysabeau, comme une Hérodiade gonflée d'impuretés, avait livré madame Catherine de France et le royaume des Lis au roi d'Angleterre373. Et dès lors elle n'était plus éloignée de croire que Jeanne fût la pucelle annoncée par la prophétie.

      Cette pieuse fille fréquentait les personnes de dévotion et aussi les nobles hommes. À tous elle disait:

      – Il faut que j'aille vers le gentil dauphin. C'est la volonté de Messire, le Roi du ciel, que j'aille vers le gentil dauphin. C'est de la part du Roi du ciel que je suis venue. Quand je devrais aller sur mes genoux, j'irai374.

      Elle apporta notamment des révélations de cette nature à messire Aubert, seigneur d'Ourches, qui était bon français et du parti des Armagnacs, puisqu'il avait fait la guerre, quatre ans auparavant, contre les Anglais et les Bourguignons; elle lui dit qu'elle devait aller vers le dauphin, qu'elle demandait qu'on la menât à lui et que ce serait pour lui profit et honneur non pareils375.

      Enfin elle se faisait connaître dans la ville pour ses illuminations et ses prophéties, et l'on trouvait qu'elle parlait bien.

      Il y avait alors dans la garnison un homme d'armes, âgé de vingt-huit ans environ, Jean de Novelompont ou Nouillompont, qu'on appelait communément Jean de Metz. De condition libre, mais non point noble, il avait acquis ou hérité la seigneurie de Nouillompont et Hovecourt, dans le Barrois non mouvant, et il en portait le titre376. Précédemment soudoyer au service de Jean de Wals, capitaine et prévôt de Stenay, il était en 1428 au service du capitaine de Vaucouleurs.

      De ses mœurs et comportements nous ne savons rien, sinon que, trois ans en çà, habitant dans la châtellenie de Foug, il avait juré un «vilain serment» et, de ce fait, encouru une amende de deux sols. Apparemment il était, lorsqu'il jura, très en colère377. Il se tenait en relations plus ou moins étroites avec Bertrand de Poulengy, qui certainement lui avait parlé de Jeanne.

      Un jour, il aborda la jeune fille et lui dit:

      – Eh bien, ma mie, que faites-vous ici? Faut-il que le roi soit chassé du royaume et que nous soyons Anglais378?

      Ce propos d'un homme d'armes de Lorraine mérite attention. Le traité de Troyes ne soumettait pas la France à l'Angleterre; il réunissait les deux royaumes. Si l'on se battait après comme avant, c'était uniquement pour décider entre les deux prétendants Charles de Valois et Henri de Lancastre. Que l'un ou l'autre l'emportât, rien n'était changé dans les lois et coutumes de France. Toutefois, ce pauvre routier des Marches d'Allemagne n'en pensait pas moins que, sous un roi anglais, il serait lui-même anglais. Beaucoup de français de toute condition pensaient de même et ne pouvaient souffrir l'idée de se voir anglaisés; ils attachaient leur sort et celui du royaume au sort du dauphin Charles.

      Jeanne répondit à Jean de Metz:

      – Je suis venue ici, à chambre du roi, afin de parler à sire Robert, pour qu'il me veuille conduire ou faire conduire au dauphin. Mais il n'a souci ni de moi ni de mes paroles.

      Puis, pressée en son cœur par l'idée fixe que sa mission devait


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<p>365</p>

Chronique de la Pucelle, p. 273. – La Chronique de Lorraine, dans Dom Calmet, Histoire de Lorraine, t. III, col. vj., donne une version amplifiée et suspecte de ces paroles.

<p>366</p>

Procès, t. I, pp. 219, 220. – La source est suspecte. Pourtant l'accusation s'appuie ici sur les données de l'enquête. Si Jeanne nia avoir tenu ce propos, c'est qu'elle l'avait oublié, ou qu'on le lui avait assez changé, pour qu'elle pût le désavouer sous la forme où on le lui présentait.

<p>367</p>

Procès, t. III, p. 86. —Chronique de la Pucelle, p. 272. —Journal du siège, p. 35.

<p>368</p>

Ibid., t. I, pp. 51, 214; t. II, pp. 392, 395 et suiv.

<p>369</p>

S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. CXCXIV.

<p>370</p>

Procès, t. II, pp. 460, 461.

<p>371</p>

Ibid., t. II, p. 446.

<p>372</p>

Procès, t. II, p. 447.

<p>373</p>

Ibid., t. II, p. 447.

<p>374</p>

Ibid., t. II, p. 448.

<p>375</p>

Procès, t. II, p. 450. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, p. 103.

<p>376</p>

Ibid., t. V, p. 363. —Journal du siège, p. 45. – S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, xcv, cxi, cxxvj. – De Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. II, p. 204, note. – G. de Braux et E. de Bouteiller, Nouvelles recherches, pp. XXV et suiv.

<p>377</p>

S. Luce, Jeanne d'Arc à Domremy, pp. CXC, 160-161.

<p>378</p>

Procès, t. II, p. 435-457. – E. de Bouteiller et G. de Braux, Nouvelles recherches, pp. XXVI-XXVII.

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