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Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2. Anatole FranceЧитать онлайн книгу.

Vie de Jeanne d'Arc. Vol. 1 de 2 - Anatole France


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target="_blank" rel="nofollow" href="#n29" type="note">29, parce que l'unique manuscrit qui la renferme provient d'un couvent de ces religieux, à Paris. C'est une cosmographie qui va de la création du monde à l'année 1431. M. Pierre Champion30 a établi que Monstrelet s'en est servi. Ce clerc picard a connu diverses choses et vu certaines pièces diplomatiques. Mais il brouille étrangement les faits et les dates. Ses informations sur la vie militaire de la Pucelle sont de source française et populaire. On lui a accordé quelque crédit pour son récit du saut de Beaurevoir qui, s'il était exact, écarterait toute idée que Jeanne s'est jetée du haut du donjon dans un accès de désespoir ou de folie31. Toutefois, ce récit ne peut se concilier avec les déclarations de Jeanne.

      Monstrelet32, «plus baveux que ung pot de moutarde33» est une fontaine de sapience au regard de Jean Chartier. S'il se sert de la Chronique des Cordeliers, il la redresse, et présente les faits avec ordre. Ce qu'il savait de Jeanne se réduisait à peu de chose. Il croyait de bonne foi qu'elle avait été servante d'auberge. Il n'a qu'un mot sur les indécisions de la guerrière à Montépilloy, mais ce mot, qui ne se trouve nulle part ailleurs, nous a été extrêmement précieux. Il l'a vue au camp de Compiègne, malheureusement il n'a pas su ou il n'a pas voulu dire quelle impression elle avait produite sur lui.

      Wavrin du Forestel34, qui rédigea des additions à Froissart, à Monstrelet et à Mathieu d'Escouchy, était à Patay; il n'y vit point Jeanne. Il ne la connaît que par ouï-dire et très mal. Nous n'avons donc pas à tenir grand compte de ce qu'il rapporte de messire Robert de Baudricourt, lequel, à l'en croire, endoctrina la Pucelle et lui enseigna la manière de paraître «inspirée de la Providence divine35». Par contre, il donne des renseignements précieux sur les faits militaires qui suivirent la délivrance d'Orléans.

      Le Fèvre de Saint-Remy, conseiller du duc de Bourgogne et roi d'armes de la Toison-d'Or36, était peut-être à Compiègne quand Jeanne fut prise et il a parlé d'elle comme d'une vaillante fille.

      Georges Chastellain copie Le Fèvre de Saint-Remy37.

      L'auteur du Journal dit d'un bourgeois de Paris38, en qui l'on reconnaît un clerc cabochien, n'avait entendu parler de Jeanne que par les docteurs et maîtres de l'Université de Paris. Aussi était-il fort mal renseigné. C'est regrettable. Cet homme est unique dans son temps pour l'énergie des passions et du langage, pour la vigueur de la colère et de la pitié, pour son sens profondément populaire.

      Je dois signaler un écrit qui n'est ni français ni bourguignon, mais italien. Je veux parler de la Chronique d'Antonio Morosini, publié par M. Germain Lefèvre-Pontalis avec des notes d'une admirable érudition. Cette chronique ou pour mieux dire les courriers qu'elle renferme, sont singulièrement précieux pour l'historien, non parce que les actions attribuées à la Pucelle y sont vraies, mais au contraire parce qu'elles y sont fausses, parce qu'elles sont toutes imaginaires et fabuleuses. On ne trouve pas dans la Chronique de Morosini39 un fait, un seul fait, concernant Jeanne, qui soit présenté dans son véritable caractère et sous un jour naturel. Et cependant les correspondants de Morosini sont des hommes d'affaires, des Vénitiens subtils et avisés. Il apparaît à les lire que, sur la «demoiselle», comme ils la nomment, à la fois fameuse et inconnue, courent par tout le monde chrétien d'innombrables fictions imitées tantôt des romans de chevalerie, tantôt de la Légende dorée.

      Un autre texte, publié aussi par M. Germain Lefèvre-Pontalis avec autant de conscience que de talent, le Journal d'un négociant allemand, nommé Eberhard de Windecke40, présente le même phénomène. Rien de ce qui y est rapporté de la Pucelle n'est probable ni vraisemblable. Dès qu'elle paraît, un cycle de contes populaires se forme sur son nom; Eberhard se plaît visiblement à les conter. Nous devons ainsi à d'honnêtes marchands étrangers de savoir que, à aucun moment de son existence, Jeanne ne fut connue autrement que par des fables et que, si elle remua les foules, ce fut par le bruit des innombrables légendes qui naissaient sur ses pas et volaient devant elle. Et il y a lieu de réfléchir sur cette éclatante obscurité qui dès le début enveloppa la Pucelle, ces nuages radieux du mythe qui, en la cachant, la faisaient apparaître.

      3o Avec ses mémoires, ses consultations et ses cent quarante témoignages, fournis par cent vingt-trois témoins, le procès de réhabilitation41 offre un riche recueil de documents. M. Lanéry d'Arc a fort bien fait de publier intégralement les mémoires des docteurs ainsi que le traité de l'archevêque d'Embrun, les propositions de maître Henri de Gorcum et la Sibylla Francica42. Le procès de 1431 nous apprend de reste ce que les théologiens du parti de l'Angleterre pensaient de la Pucelle; sans les consultations de Théodore de Leliis et de Paul Pontanus et les opinions insérées au procès posthume on ignorerait l'idée que se faisaient d'elle les docteurs d'Italie et de France; et il importe de connaître les sentiments de l'Église tout entière sur une fille qu'elle a condamnée vivante, durant la puissance anglaise, et réhabilitée morte, après les victoires des Français.

      Quant aux cent vingt-trois témoins qui furent entendus à Domremy, à Vaucouleurs, à Toul, à Orléans, à Paris, à Rouen, à Lyon, gens d'Église, princes, capitaines, bourgeois, paysans, artisans, ils apportent sans doute des clartés sur une multitude de points. Mais, nous sommes obligés de le reconnaître, ils ne satisfont pas, tant s'en faut, toutes nos curiosités, et cela pour plusieurs raisons. D'abord ils répondaient à un questionnaire dressé en vue d'établir un certain nombre de faits dans l'ordre de la justice ecclésiastique. Le sacré inquisiteur qui conduisait le procès était curieux; il ne l'était pas de la même manière que nous. C'est une première raison de l'insuffisance des témoignages à notre sens43.

      Il y en a d'autres. Les témoins se montrent, pour la plupart, simples à l'excès et sans discernement. Dans cette foule de gens de tout âge et de toute condition on est attristé de trouver si peu d'esprits judicieux et lucides. Il semble que les âmes fussent alors baignées dans un demi-jour où rien ne paraissait distinct. La pensée comme la langue avait d'étranges puérilités. On ne peut pénétrer un peu avant dans cet âge obscur sans se croire parmi des enfants. Au long d'interminables guerres, la misère et l'ignorance avaient appauvri les esprits et réduit l'homme à une extrême maigreur morale. Le costume des nobles et des riches, étriqué, déchiqueté, ridicule, trahit la gracilité absurde du goût et la faiblesse de la raison44. Un des caractères les plus saisissants de ces petites intelligences, c'est la légèreté: elles sont incapables d'attention; elles ne retiennent rien. Il faudrait n'avoir pas lu les écrits du temps pour n'être pas frappé de cette infirmité presque générale.

      Aussi tout n'est-il pas bien sérieux dans ces cent quarante témoignages. La fille de Jacques Boucher, argentier du duc d'Orléans, dépose en ces termes: «La nuit je couchais seule avec Jeanne. Je n'ai jamais remarqué en elle rien de mal ni dans ses paroles ni dans ses actes. Tout y était simplicité, humilité, chasteté45.» Cette demoiselle avait neuf ans lorsqu'elle s'aperçut, avec un discernement précoce, que sa compagne de lit était simple, humble et chaste.

      Cela est sans conséquence. Mais pour montrer combien on est déçu quelquefois par les témoins sur lesquels on devait compter le plus, je citerai frère Pasquerel46. Frère Pasquerel est le chapelain de Jeanne. Vous vous attendez à ce qu'il parle en homme qui a vu et qui sait. Frère Pasquerel met l'examen de Poitiers avant l'audience que donna le roi à la Pucelle dans le château de Chinon47. Oubliant


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<p>30</p>

Pierre Champion, Guillaume de Flavy, Paris, 1906, in-8o, pp. xj et xij.

<p>31</p>

Chronique d'Antonio Morosini, introd. et comm., par Germain Lefèvre-Pontalis, texte établi par Léon Dorez, t. III, 1901, p. 302 et t. IV, annexe xxj.

<p>32</p>

Enguerran de Monstrelet, Chronique, publ. par Doüet-d'Arcq, Paris, 1857-1861, 6 vol. in-8o.

<p>33</p>

Rabelais, Pantagruel, t. III, ch. XXIV.

<p>34</p>

Jehan de Wavrin, Anchiennes croniques d'Engleterre, éd. de mademoiselle Dupont, Paris, 1858-1863, 3 vol. in-8o.

<p>35</p>

Additions de Wavrin à Monstrelet, dans Procès, t. IV, p. 407.

<p>36</p>

Chronique de Jean Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy, publ. par François Morand, Taris, 1876-81, 2 vol. in-8o.

<p>37</p>

Chronique des ducs de Bourgogne, Paris, 1827, 2 vol. in-8o, t. XLII et XLIII de la Collection des Chroniques françaises de Buchon. —Œuvres de Georges Chastellain, publiées par Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1863, 8 vol. in-8o.

<p>38</p>

Journal d'un bourgeois de Paris (1405-1449), publié par A. Tuetey, Paris, 1881, in-8o.

<p>39</p>

Chronique d'Antonio Morosini, publ. par Léon Dorez et Germain Lefèvre-Pontalis, Paris, 1900-1902, 4 vol. in-8o.

<p>40</p>

G. Lefèvre-Pontalis, Les sources allemandes de l'histoire de Jeanne d'Arc, Eberhard Windecke, Paris, 1903, in-8o.

<p>41</p>

Procès, t. II à III, 1844-45. (Les tomes V et VI, 1846-47, contiennent les témoignages.)

<p>42</p>

Lanéry d'Arc, Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, Paris, 1889, in-8o.

<p>43</p>

Procès, t. II, pp. 378-463.

<p>44</p>

J. Quicherat, Histoire du costume, Paris, 1875, gr. in-8o, passim. – G. Demay, Le costume au moyen âge d'après les sceaux, Paris, 1880, p. 121, fig. 76 et 77.

<p>45</p>

Procès, t. III, p. 34.

<p>46</p>

Procès, t. III, p. 100.

<p>47</p>

Il convient toutefois de remarquer que frère Pasquerel, qui n'était ni à Chinon, ni à Poitiers, prend soin de dire qu'il ne sait du séjour de Jeanne dans ces deux villes que ce qu'elle-même lui a appris. Or, nous voyons, non sans surprise, qu'elle mettait aussi l'examen de Poitiers avant l'audience de Chinon, puisqu'elle a dit dans son procès, que, à Chinon, ayant montré un signe à son roi, les clercs cessèrent de «l'arguer» (Procès, t. I, p. 146).

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