Эротические рассказы

Simon. Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Simon - Жорж Санд


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sentait se former en lui un géant, et sa frêle jeunesse pliait sous le poids de cet autre lui-même qui grondait dans son sein.

      Il s'appliquait cette métaphore, et souvent, lorsqu'au fond d'un ravin il se jetait avec accablement sur la bruyère, il se disait en lui-même qu'il était comme une femme enceinte, fatiguée de porter le fruit de ses entrailles. «Quand donc te produirai-je au jour, dragon? s'écriait-il dans son délire; quand donc te lancerai-je devant moi à travers le monde pour m'y frayer une route? Seras-tu vaste comme mon aspiration, seras-tu étroit comme ma poitrine? Est-ce la cité, est-ce la souris qui va sortir de ce pénible et long enfantement?»

      En attendant cette heure terrible, il s'étendait sur la mousse des collines et à l'ombre des forêts de bouleaux qui serpentent sur les bords pittoresques de la Creuse; il goûtait parfois quelques heures d'un sommeil agité comme l'onde du torrent et comme le vent de l'orage. Tantôt il marchait avec rapidité pendant tout un jour, tantôt il restait assis sur un rocher, du lever au coucher du soleil. Sa santé périssait, mais son âme ne vivait qu'avec plus d'intensité, et son courage renaissait avec les douleurs physiques qui lui donnaient un aliment.

      A ces maux se réunissaient les irritations bilieuses d'un sentiment politique très-prononcé. A vingt-deux ans, les sentiments sont des principes, et ces principes-là sont des passions. Simon avait sucé les idées républicaines au sein de sa mère. Son père, soldat de la république, avait été massacré par les chouans. L'abbé Féline avait compris la fraternité des hommes comme Jésus l'avait enseignée, et Jeanne, imbue de ses pensées, admettait si peu le droit divin pour les dignités temporelles, qu'à son insu, vingt fois par jour, elle était hérétique. Son fils prenait plaisir à l'entendre proférer ces saints blasphèmes. Il se gardait de les lui faire apercevoir, et s'enivrait de l'énergie de cette sauvage vertu qui répondait si bien à toutes les fibres de son être. «Ma mère, s'écriait-il quelquefois avec enthousiasme, vous étiez digne d'être une matrone romaine aux plus beaux jours de la république.» Jeanne ne savait pas l'histoire romaine, mais elle avait réellement les vertus de l'ancienne Rome.

      A cette époque, où il était sérieusement question du retour des anciens privilèges, où l'on présentait des lois sur le droit d'aînesse, où l'on votait des indemnités pour les émigrés, quoique la mère et le fils Féline n'eussent aucune prévention personnelle contre la famille de Fougères, ils virent avec regret tout l'attirail aratoire des frères Mathieu sortir du donjon féodal pour faire place à la livrée du comte. La vieille Jeanne prévoyait bien, dans son expérience, que, l'amour du nouveau une fois calmé, ce maître tant désiré ne manquerait ni d'ennemis ni de défauts. Elle était blessée, surtout, d'entendre le jeune curé de Fougères parler de lui rendre des honneurs semblables à ceux qui escorteraient les reliques d'un saint, et demandait par quelles vertus cet inconnu avait mérité qu'on parlât d'aller le recevoir en procession. Néanmoins, comme elle ne s'exprimait devant ses concitoyens qu'avec douceur et mesure, malgré le grand crédit que ses vertus, sa sagesse et sa piété lui avaient acquis sur leurs esprits, ils la traitèrent un peu comme Cassandre, et n'en continuèrent pas moins d'élever des reposoirs sur la route par laquelle le comte de Fougères devait arriver.

      III

      Quelques jours avant celui où le comte de Fougères était attendu dans son domaine, on vit, dès le matin, mademoiselle Bonne faire charger un mulet des plus beaux fruits de son jardin, fruits rares dans le pays, et que M. Parquet soignait presque aussi tendrement que sa fille. Le digne homme était parti la veille. Bonne monta en croupe, suivant l'usage, derrière son domestique. On attacha le mulet chargé de vivres à la queue du cheval que montaient la demoiselle et son écuyer en blouse et en guêtres de toile. Dans cet équipage, la fille vous voilà-t-il pas en route pour courir à sa rencontre, lui préparer son dîner et le saluer avec tout le respect d'une humble vassale? Combien de temps allez-vous nous dérober la présence de cet astre resplendissant? Songez à l'impatience…

      – Taisez-vous, monsieur Simon, interrompit Bonne avec un peu d'humeur. Toutes ces plaisanteries-là sont fort méchantes. Croyez-vous que mon père et moi soyons les humbles serviteurs de qui que ce soit? Pensez-vous que votre monsieur le comte soit autre chose pour nous qu'un client et un hôte envers lequel nous n'avons que des devoirs de probité et de politesse à remplir?

      – A Dieu ne plaise que j'en pense autrement! répondit Simon avec plus de douceur. Cependant, voisine, il me semble que votre père n'avait pas jugé convenable, ou du moins nécessaire, de vous emmener hier avec lui. D'où vient donc que vous voilà en route ce matin pour le rejoindre?

      – C'est que j'ai reçu un exprès et une lettre de lui au point du jour, répondit Bonne.

      – Si matin? répliqua Simon d'un air de doute.

      – Tenez, monsieur le censeur! dit Bonne en tirant de son sein un billet qu'elle lui jeta.

      – Oh! je vous crois, s'écria-t-il en voulant le lui rendre.

      – Non pas, non pas, repartit la jeune fille; vous m'accusez de courir au-devant d'un homme malgré la défense de mon père, je veux que vous me fassiez des excuses.

      – A la bonne heure, dit Simon en jetant les yeux sur le billet, qui était conçu en ces termes:

      «Lève-toi vite, ma chère enfant, et viens me trouver. M. de Fougères n'est point un freluquet; ou, s'il l'est, son équipage du moins ne me donne pas de crainte. En outre, il m'a amené une dame que je suis fort en peine de recevoir convenablement. J'ai besoin de ta présence au logis. Apporte des fruits, des gâteaux et des confitures.

      Ton père qui t'aime.»

      – En ce cas, chère voisine, dit Simon en lui rendant le billet, je vous demande pardon et déclare que je suis un brutal.

      – Est-ce là tout? répondit Bonne en lui tendant la main.

      – Je déclare, dit-il en la lui baisant, que vous êtes Bonne la bien baptisée. C'est le mot de ma mère toutes les fois qu'elle vous nomme.

      – Et répondez-vous toujours amen?

      – Toujours.

      – Surtout quand vous ne pensez pas à autre chose?

      – Pourquoi cela? que signifie ce reproche?» répondit Simon avec beaucoup d'étonnement.

      Bonne rougit et baissa les yeux avec embarras. Elle eût mieux aimé que Simon soutînt cette petite guerre que de ne pas comprendre l'intérêt qu'elle y mettait. Elle n'avait pas assez de vivacité dans l'esprit pour continuer sur ce ton, et pour réparer son étourderie par une plaisanterie quelconque. Elle se troubla, et lui dit adieu en frappant le flanc de son cheval avec une branche de peuplier qui lui servait de cravache. Simon la suivit des yeux quelques minutes avec surprise; puis, haussant les épaules comme un homme qui s'aperçoit de l'emploi puéril de son temps et de son attention, il reprit en sifflant le cours de sa promenade solitaire. La pauvre Bonne avait eu un instant de joie et de confiance imprudente. Elle l'avait cru jaloux en le voyant blâmer son empressement d'aller recevoir M. de Fougères; mais d'ordinaire elle s'apercevait vite, après ces lueurs d'espoir, qu'elle s'était abusée, et que Simon n'était pas même occupé d'elle.

      La Marche est un pays montueux qui n'a rien de grandiose, mais dont l'aspect, à la fois calme et sauvage, m'a toujours paru propre à tenter un ermite ou un poëte. Plusieurs personnes le préfèrent à l'Auvergne, en ce qu'il a un caractère plus simple et plus décidé. L'Auvergne, dont le ciel me garde d'ailleurs de médire! a des beautés un peu empruntées aux Alpes, mais réduites à des dimensions trop étroites pour produire de grands effets. Le pays Marchois, son voisin, a, si je puis m'exprimer ainsi, plus de bonhomie et de naïveté dans son désordre; ses montagnes de fougères ne se hérissent pas de roches menaçantes; elles entr'ouvrent çà et là leur robe de verdure pour montrer leurs flancs arides que ronge un lichen blanchâtre. Les torrents fougueux ne s'élancent pas de leur sein et ne grondent pas parmi les décombres; de mystérieux ruisseaux, cachés sous la mousse, filtrent goutte à goutte le long des parois granitiques et s'y creusent parfois un bassin qui suffit à désaltérer la bécassine solitaire ou le vanneau à la voix mélancolique. Le bouleau allonge sa taille serrée dans un étui de satin blanc, et


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