Эротические рассказы

Simon. Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Simon - Жорж Санд


Скачать книгу
grands moutons très-blancs et couverts d'une laine plate et rude, des poulains trapus et robustes, des vaches naines fécondes en lait excellent. Dans les vallées, on cultive l'orge, l'avoine et le seigle; sur les monticules, on engraisse les troupeaux. Dans la partie plus sauvage qu'on appelle la montagne, et où le vallon de Fougères se trouve jeté comme une oasis, on trouve du gibier en abondance, et on recueille la digitale, cette belle plante sauvage que la mode des anévrismes a mise en faveur, et qui élève dans les lieux les plus arides ses hautes pyramides de cloches purpurines, tigrées de noir et de blanc. Là aussi le buis sauvage et le houx aux feuilles d'émeraude tapissent les gorges où serpente la Creuse. La Creuse est une des plus charmantes rivières de France; c'est un torrent profond et rapide, mais silencieux et calme dans sa course, encaissé, limpide, toujours couronné de verdure, et baisant le pied de ces monti ameni qu'eût aimés Métastase.

      Somme toute, le pays est pauvre; les gros propriétaires y mènent plus joyeuse vie que dans les provinces plus fertiles, comme il arrive toujours. Nulle part la bonne chère ne compte des dévots plus fervents. Mais le paysan économe, laborieux et frugal, habitué à la rudesse de son sort, et dédaignant de l'adoucir par de folles dépenses, vit de châtaignes et de sarrasin; il aime l'argent plus que le bien-être; la chicane est son élément, le commerce tant soit peu frauduleux est son art et son théâtre. Un marchand forain marchois est pour les provinces voisines un personnage aussi redoutable que nécessaire; il a le talent incroyable de tromper toujours et de ne jamais perdre son crédit. J'en ai connu plus d'un qui aurait donné des leçons de diplomatie au prince de Talleyrand. Le cultivateur du Berry est destiné, de père en fils, à être sa proie, à le maudire, à l'enrichir et à le donner au diable, qui le lui renvoie chaque année plus rusé, plus prodigue de belles paroles, plus irrésistible et plus fripon.

      Simon Féline était une de ces natures supérieures par leur habileté et leur puissance, qui peuvent faire beaucoup de mal ou beaucoup de bien, suivant la direction qui leur est imprimée. Dès le principe, son éducation éteignit en lui l'instinct marchois de maquignonnage, et développa d'abord le sentiment religieux. A l'âge de puberté, l'éducation philosophique vint mêler la logique à la pensée, la réflexion à l'enthousiasme; puis, la passion sillonna son âme de ces grands éclairs qui peu à peu devaient la révéler à elle-même. Mais au milieu de ces ouragans elle conserva toujours un caractère de mysticisme, et l'amour de la contemplation domina l'esprit d'examen. A côté de sa soif d'avenir et de ses appétits de puissance, Simon conservait dans la solitude un sentiment d'extase religieuse. Il s'y plongeait pour guérir les blessures qu'il avait reçues dans un choc imaginaire avec la société; et parfois, au lieu du rôle actif qu'il avait entrevu, il se surprenait à caresser je ne sais quel rêve de perfection chrétienne et philosophique, quasi militante, quasi monacale.

      Il passait souvent, comme je l'ai déjà dit, des journées entières au fond des bois, sans épuiser la vigueur de cette imagination qu'il n'osait montrer au logis. Le jour de sa rencontre avec mademoiselle Parquet, il fit une assez longue course pour n'être de retour que vers le soir. Avant de regagner sa chaumière, Simon voulut voir coucher le soleil au même lieu d'où il avait contemplé son lever. C'était le sommet de la dernière colline qui encadrait le vallon, et sur lequel s'élevaient les ruines du petit fort destiné jadis à répondre aux batteries du château et à garder l'entrée du vallon. De cette colline on jouissait d'une vue magnifique; on plongeait d'une part dans le vallon de Fougères, et de l'autre on embrassait la vaste et profonde arène où serpente la Creuse. Simon aimait de prédilection cette ruine qu'habitaient de grands lézards verts et des orfraies au plumage flamboyant. La seule tour qui restait debout en entier avait été aussi un but de promenade quotidienne pour l'abbé Féline. Simon avait à peine connu ce digne homme; mais il en conservait un vague souvenir, exalté par l'enthousiasme de sa mère et par la vénération des habitants. Il ne passait pas un jour sans aller saluer ces décombres sur lesquels son oncle s'était tant de fois assis dans le silence de la méditation, et dont plusieurs pierres portaient encore les initiales de son nom, creusées avec un couteau. L'abbé avait donné à cette tour le nom de tour de la Duchesse, parce qu'un de ces grands oiseaux de nuit, remarquables par leur voix effrayante, et assez rares en tous pays, en avait fait longtemps sa demeure; ce nom s'était conservé dans, les environs, et les amis superstitieux du bon curé prétendaient que, la nuit anniversaire de ses funérailles, la duchesse revenait encore se percher sur le sommet de la tour et jeter de longs cris de détresse jusqu'au premier coup de l'Angelus du matin.

      Assis sur le seuil de la tour, Simon regardait l'astre magnifique s'abaisser lentement sur les collines de Glenny, lorsqu'il entendit une voix inconnue parler à deux pas de lui une langue étrangère, et en se retournant il vit deux personnages d'un aspect fort singulier.

      Le plus rapproché était un homme d'environ cinquante ans, d'une figure assez ouverte en apparence, mais moins agréable au second coup d'œil qu'au premier. Cette physionomie, qui n'avait pourtant rien de repoussant, était singularisée par une coiffure poudrée à ailes de pigeon, tout à fait surannée; une large cravate tombant sur un ample jabot, des culottes courtes, des bottes à revers et un habit à basques très-longues, rappelaient exactement le costume qu'on portait en France au commencement de l'empire. Ce personnage stationnaire tenait une cravache de laquelle il désignait les objets environnants à sa compagne; et, au milieu du dialecte ultramontain qu'il parlait, Simon fut surpris de lui entendre prononcer purement le nom des collines et des villages qui s'étendaient sous leurs yeux.

      La compagne de ce voyageur bizarre était une jeune femme d'une taille élégante que dessinait un habit d'amazone. Mais, au lieu du chapeau de castor que portent chez nous les femmes avec ce costume, l'étrangère était coiffée seulement d'un grand voile de dentelle noire qui tombait sur ses épaules et se nouait sur sa poitrine. Au lieu de cravache, elle avait à la main une ombrelle, et, occupée de l'autre main à dégager sa longue jupe des ronces qui l'accrochaient, elle avançait lentement, tournant souvent la tête en arrière, ou rabattant son voile et son ombrelle pour se préserver de l'éclat du soleil couchant qui dardait ses rayons du niveau de l'horizon. Tout cela fut cause que, malgré l'attention avec laquelle Simon stupéfait observait l'un et l'autre inconnus, il ne put voir que confusément les traits de la jeune dame.

      IV

      Par suite de son caractère farouche, ennemi des puérilités de la conversation et de toute espèce d'oisiveté d'esprit, Simon se leva après deux ou trois minutes d'examen, et fit quelques pas pour fuir les importuns qui prenaient possession de sa solitude; mais l'homme à ailes de pigeon, courant vers lui avec une politesse empressée, lui adressa la parole dans le patois des montagnes, pour lui faire cette question dont Simon resta stupéfait:

      «Mille pardons si je vous dérange, monsieur; mais n'êtes-vous pas un parent de feu le digne abbé Féline?

      – Je suis son neveu, répondit Simon en français; car le patois marchois ne lui était déjà plus familier, après quelques années de séjour au dehors.

      – En ce cas, monsieur, dit l'étranger, parlant français à son tour sans le moindre accent ultramontain, permettez-moi de presser votre main avec une vive émotion. Votre figure me rappelle exactement les nobles traits d'un des hommes les plus estimables dont notre province honore la mémoire. Vous devez être le fils de… Permettez que je recueille mes souvenirs…» Après un moment d'hésitation, il ajouta: «Vous devez être un des fils de sa sœur; elle venait de se marier lorsque le règne de la terreur me chassa de mon pays.

      – Je suis le dernier de ses fils,» répondit Simon de plus en plus étonné de la prodigieuse mémoire de celui qu'il reconnaissait devoir être le comte de Fougères. Et il en était presque touché, lorsque la pensée lui vint que, le comte ayant déjà pu prendre des renseignements de M. Parquet sur les personnes du village, il pouvait bien y avoir un peu de charlatanisme dans cette affectation de tendre souvenance. Alors, ramené au sentiment d'antipathie qu'il avait pour tout objet d'adulation, et retirant sa main qu'il avait laissé prendre, il salua et tenta encore de s'éloigner.

      Mais M. de Fougères ne lui en laissa pas le loisir. Il l'accabla de questions sur sa famille, sur ses voisins, sur ses études, et parut attendre ses réponses avec tant d'intérêt que Simon ne put jamais trouver un instant pour s'échapper.


Скачать книгу
Яндекс.Метрика