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Valvèdre. Жорж СандЧитать онлайн книгу.

Valvèdre - Жорж Санд


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cher enfant, c'est la chose impossible, cela! On n'est jamais aimé que par intérêt! Moi, je l'ai été parce que j'ai un capital de plusieurs millions; vous, vous le serez parce que vous avez un capital de vingt-trois ou vingt-quatre ans, de cheveux noirs, de regards brûlants, capital qui promet une somme de plaisirs d'un autre ordre et non moins positifs que ceux que mon argent représente, beaucoup plus positifs, devrais-je dire, car l'argent procure des plaisirs élevés, le luxe, les arts, les voyages… tandis que, lorsqu'une femme préfère à tout cela un beau garçon pauvre, on peut être sûr qu'elle fait grand cas de la réalité. Mais ce n'est pas de l'amour comme nous l'entendons, vous et moi. Nous voudrions être aimés pour nous-mêmes, pour notre esprit, pour nos qualités sociales, pour notre mérite personnel enfin. Eh bien, voilà ce que vous achèterez probablement au prix de votre liberté, ce que je payerais volontiers de toute ma fortune, et ce que nous ne rencontrerons jamais! Les femmes n'ont pas de coeur. Elles se servent du mot vertu pour cacher leur infirmité, et avec cela elles font encore des dupes! des dupes que j'envie, je vous le déclare…

      – Ah ça! m'écriai-je en interrompant ce flux de philosophie nauséabonde, que me chantez-vous là depuis une heure? Vous me dites que vous avez été aimé, que je le serai…

      – Ah! mon Dieu! vous croyez que je vous parlais de madame de Valvèdre? Je n'y pensais pas, mon cher, je parlais en général. D'abord je ne la connais pas; sur l'honneur, je ne lui ai jamais parlé. Quant à vous… vous ne pouvez pas la connaître encore; vous lui avez peut-être parlé cependant?.. A propos, la trouvez-vous jolie?

      – Qui? madame de Valvèdre? Pas du tout, mon cher, elle m'a semblé laide.

      Je fis cette réponse avec tant d'assurance, une assurance si désespérée (je voulais à tout prix me soustraire aux investigations de Moserwald), que celui-ci en fut dupe, et me laissa voir sa satisfaction. Quand nous descendîmes de voiture, j'avais enfin réussi à lui ôter la lumière qu'il avait cru saisir, qu'il avait saisie un moment, et il retombait dans les ténèbres, tout en me laissant son secret dans les mains. Il était bien évidemment revenu à Saint-Pierre parce qu'il avait rencontré madame de Valvèdre à Varallo, parce qu'il avait questionné son laquais, parce qu'il était épris d'elle, parce qu'il espérait lui plaire, et il m'avait tâté pour voir s'il ne me trouverait pas en travers de son chemin.

      Ayant appris d'Antoine que les dames de Valvèdre ne dîneraient pas en bas, je voulus me soustraire au déplaisir d'un nouveau tête-à-tête avec Moserwald en me faisant servir mystérieusement dans un coin du petit jardin de mon hôte, quand celui-ci m'annonça que je serais seul dans sa grande salle basse avec Obernay, l'israélite ayant dit qu'il souperait peut-être dans la soirée.

      – Et que fait-il? où est-il maintenant? demandai-je.

      – Il est chez madame de Valvèdre, répondit Antoine, dont la figure prit une expression d'étonnement comique à l'aspect de ma stupeur.

      – Ah ça! m'écriai-je, il la connaît donc?

      – Je n'en sais rien, monsieur; comment voulez-vous que je sache?..

      – C'est juste, cela vous est fort égal, et, quant à moi… Mais vous le connaissez, vous, ce M. Moserwald?

      – Non, monsieur; je l'ai vu avant-hier pour la première fois.

      – Il vous avait dit en partant qu'il reviendrait bientôt?

      – Non, monsieur, il ne m'avait rien dit du tout.

      Je ne sais quelle sourde colère s'était emparée de moi en apprenant que ce juif avait eu l'audace ou l'habileté, à peine débarqué, de pénétrer auprès d'Alida, qu'il prétendait ne pas connaître. Obernay s'attarda beaucoup, il faisait nuit quand il rentra; je l'avais attendu pour dîner, et sans mérite aucun, je n'avais certes pas faim. Je ne lui parlai pas de Moserwald, craignant de trahir ma jalousie.

      – Mets-toi à table, me dit-il, il me faut absolument un quart d'heure pour arranger quelques plantes fontinales extrêmement délicates que je rapporte.

      Il me quitta, et Antoine me servit mon repas, disant qu'il connaissait les quarts d'heure d'Obernay déballant son butin de botaniste, et que ce n'était pas une raison pour me faire manger un rôti desséché. J'étais à peine assis, que Moserwald parut, s'écria qu'il était charmé de ne pas souper seul, et ordonna à notre hôte de le servir vis-à-vis de moi, ceci sans m'en demander aucunement la permission. Cette familiarité, qui m'eût diverti dans une autre situation d'esprit, me parut intolérable, et j'allais le lui faire entendre quand, la curiosité dominant toutes mes autres angoisses, je résolus de me contenir et de le faire parler. C'était une curiosité douloureuse et indignée; mais je fus stoïque, et, d'un air tout à fait dégagé, je lui demandai s'il avait réussi à voir madame de Valvèdre.

      – Non, répondit-il en se frottant les mains; mais je la verrai tantôt avec vous, dans une heure.

      – Ah! vraiment?

      – Cela vous étonne? C'est pourtant bien simple. Ma figure et ma voix étaient déjà connues de la belle-soeur, qui m'avait remarqué à Varallo. Oh! je dis cela sans fatuité, je n'ai pas de prétention de ce côté-là. Je note qu'elle m'avait remarqué avant-hier en passant dans ce village où nous nous croisions. Eh bien, nous nous sommes rencontrés de nouveau tout à l'heure, là-haut, dans la galerie. Elle est toute franche, toute confiante, cette grande fille; elle est venue à moi pour savoir si je n'avais pas recueilli sur mon chemin quelque nouvelle de son frère.

      – Dont vous ne saviez rien?

      – Pardon! avec de l'argent, on sait toujours ce qu'on veut savoir. Voyant ces dames inquiètes, j'avais, dès hier au soir, dépéché le plus hardi montagnard de Varallo vers la station présumée de M. de Valvèdre. Ah! dame! cela m'a coûté cher; pendant la nuit et par des sentiers impossibles, il a prétendu que cela valait…

      – Faites-moi grâce des écus que vous avez dépensés. Vous avez des nouvelles de l'expédition?

      – Oui, et de très-bonnes. La soeur a failli me sauter au cou. Elle voulait tout de suite me présenter à madame de Valvèdre; mais celle-ci, qui avait passé la journée dans son lit, était en train de se lever et m'a remis à tantôt. Voilà, mon cher! ce n'est pas plus malin que ça?

      Moserwald ne dissimulait plus ses projets; il avait trop besoin de se vanter de son habileté et de sa libéralité pour être prudent. Ma jalousie essaya de se calmer. Que pouvais-je craindre d'un concurrent si vain et si vulgaire? N'était-ce pas faire injure à une femme exquise comme l'était Alida que de redouter pour elle les séductions d'un Moserwald?

      J'allais le questionner davantage quand Obernay vint manger à la hâte et avec préoccupation un reste de volaille; après quoi, il regarda sa montre et nous dit qu'il était temps de monter chez ces dames pour voir partir les fusées.

      – Il paraît, dit-il à Moserwald, que vous êtes invité à prendre le thé là-haut en remerciement des bonnes nouvelles que vous avez données, ce dont, pour ma part, je vous sais gré; mais permettez-moi une question.

      – Mille, si vous voulez, mon très-cher, répondit Moserwald avec aisance.

      – Vous avez dépêché un montagnard vers la pointe de l'Ermitage; il s'y est rendu à travers mille périls, et vous l'avez attendu à Varallo jusqu'à ce matin. A-t-il vu M. de Valvèdre? lui a-t-il parlé?

      – Il l'a vu de trop loin pour lui parler, mais il l'a vu.

      – C'est fort bien; mais, s'il vous prenait l'obligeante fantaisie d'envoyer encore des exprès et qu'ils parvinssent jusqu'à lui, veuillez ne pas les charger de lui dire que sa femme et sa soeur sont à sa recherche.

      – Pas si sot! s'écria Moserwald avec un rire d'une ingénuité admirable.

      – Comment, pas si sot? répliqua Obernay surpris en le regardant entre les deux yeux.

      Moserwald fut embarrassé un instant; mais son esprit délié lui suggéra vite une réponse assez ingénieuse.

      – Je sais fort bien, reprit-il, que votre savant ami serait fort contrarié de l'arrivée


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