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Les mystères du peuple, Tome V. Эжен СюЧитать онлайн книгу.

Les mystères du peuple, Tome V - Эжен Сю


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de vos soupçons.

      – Ou pour mieux me trahir.

      – Madame, si j'avais voulu vous trahir, je me serais rendu, comme tant d'autres seigneurs de Bourgogne, auprès de Clotaire II; je lui aurais donné votre petit-fils en otage, et je serais resté dans le camp de votre ennemi avec les tribus que j'ai ramenées de Germanie.

      – Ces tribus me sont dévouées… elles ne t'auraient pas suivi, elles viennent ici pour renforcer mon armée…

      – Ces tribus, madame, viennent ici pour piller, peu leur importe que ce soit comme auxiliaires de Brunehaut ou de Clotaire II; pays de Soissons, de Bourgogne ou d'Austrasie, ces Franks n'ont pas de préférence, pourvu qu'après s'être vaillamment battus et avoir aidé à la victoire, ils puissent ravager la contrée vaincue, faire un gros butin, et emmener de nombreux esclaves de l'autre côté du Rhin, tels sont les Franks que je vous ramène.

      – Je te dis, moi, que la vue de mon petit-fils, ce roi enfant, venant demander par ta bouche aide et force aux Germains, a intéressé ces barbares.

      – Si vous n'aviez, madame, expressément promis à ces tribus le pillage des territoires vaincus, ils seraient demeurés, croyez-moi, insensibles à la jeunesse de Sigebert; ils sont aussi sauvages que l'étaient nos pères, les premiers compagnons de Clovis; il m'a fallu de grands efforts pour les empêcher de tout ravager sur notre route; dans leur farouche impatience ils se croyaient déjà en pays conquis; chaque jour leurs chefs me demandaient à grands cris la bataille, afin d'être de retour en Germanie avec leur butin et leurs esclaves avant la saison d'hiver qui rend périlleuse la traversée.

      – Et ces tribus où sont-elles?

      – Je les ai laissées vers Montsarran.

      – Pourquoi si loin de Châlons?

      – Malgré mes recommandations, ces barbares ont volé et tué sur leur passage; les conduire ici, au cœur de la Bourgogne, puis les renvoyer ensuite en une autre contrée, selon les besoins de la guerre, c'était exposer à des désastres inutiles les populations qu'ils auraient traversées… Ces nouveaux malheurs pouvaient augmenter l'irritation; or, vous le savez, madame… de ce côté-ci de la Bourgogne une certaine agitation fermente dans la populace esclave.

      – Oui… à l'instigation de ces traîtres qui ont rejoint le fils de Frédégonde, ils tentent de soulever le peuple contre moi, contre la Romaine, comme ils m'appellent; oh! seigneurs et populace sauront ce que pèse le bras de Brunehaut.

      – Les ennemis de Brunehaut trembleront toujours devant elle, mais j'ai craint d'augmenter leur nombre en rendant nos populations victimes de la barbarie de vos nouveaux alliés; le territoire où j'ai fait camper ces tribus sera dévasté sans doute, mais ce ravage sera du moins limité. De plus, la position est assez centrale pour que ces auxiliaires soient dirigés partout où il le faudra selon les mouvements de l'armée de Clotaire II; j'ai donc agi, je crois, madame, avec sagesse et prévoyance.

      – Et l'armée? quelles sont ses dispositions?

      – Elle est pleine d'ardeur, ne demande que la bataille; le souvenir des deux dernières victoires de Toul et de Tolbiac, et surtout l'immense butin, le grand nombre d'esclaves que les troupes ont enlevés, redoublent leur désir de combattre le fils de Frédégonde… Ce sont là, madame, les bonnes nouvelles qui, selon moi, balancent les mauvaises. Brunehaut croit-elle encore, que Warnachaire ait agi en traître?

      – Qui sait?

      – Moi, je le sais, madame.

      – Un homme dont on a voulu se défaire, qui l'apprend, et qui revient à vous; ah! Warnachaire, Warnachaire! cela donne à penser!

      – Brunehaut est prompte au soupçon et au châtiment; mais elle est magnifique envers qui la sert fidèlement.

      – Tu as donc quelque chose à me demander?

      – Oui, madame, mais seulement après la guerre, ou plutôt, je l'espère, après la victoire… si je la remporte sur Clotaire II, si je parviens à vous l'amener prisonnier…

      – Warnachaire! – s'écria la reine, frémissant d'une joie féroce à la pensée de tenir en son pouvoir le fils de Frédégonde… – si tu m'amènes Clotaire prisonnier, je te défierai alors de former un vœu qui ne soit accompli par Brunehaut, et… – Mais se ravisant, elle jeta un sombre regard sur le maire du palais, et ajouta: – Si c'est un piége que tu me tends pour détourner mes soupçons, Warnachaire, il est habile…

      – Soit, madame, je suis un traître; vous frappez sur ce timbre, à l'instant vos chambellans, vos écuyers accourent, et me tuent là! sous vos yeux; me voilà mort?.. Mais quel est l'homme que vous ne soupçonnez pas? Voyons? Qui prendrez-vous pour général? est-ce le duk Alethée! Est-ce le duk Roccon?

      – Non!

      – Est-ce le duk Sigowald?

      – Lui? tu railles!

      – Est-ce le duk Eubelan?

      – Peut-être… et encore ses anciennes liaisons avec Arnolfe et Pépin… ces deux traîtres! Non, jamais je ne me fierai à Eubelan!

      – Ceux-là seuls pourtant, madame, sont capables de commander l'armée; ceux-là seuls sont des hommes de guerre.

      – Oui, mais je n'ai voulu faire tuer aucun d'eux… ou du moins ils l'ignorent… tandis que j'ai voulu ta mort, Warnachaire.

      – Madame, raisonnons froidement…

      – Peux-tu raisonner autrement, homme impassible… homme impénétrable…

      – Impénétrable à la trahison, madame…

      – Des mots… des mots…

      – Voici des faits: vous me croyez animé contre vous d'un ressentiment de haine, parce que vous avez voulu ma mort? L'espoir de la vengeance me ramène, dites-vous, ici? Alors, madame, qui m'empêche de mettre la main sur ce timbre pour vous empêcher d'appeler aide?

      Et le duk fit ce qu'il disait.

      – Qui m'empêche de tirer ce poignard?

      Et le duk fit briller cette arme aux yeux de Brunehaut, dont le premier mouvement fut de se rejeter en arrière sur le dossier de son siége.

      – Qui m'empêche enfin de vous tuer d'un seul coup de ce fer empoisonné comme l'étaient les poignards des pages de Frédégonde?

      Et en disant ces derniers mots, Warnachaire s'était tellement rapproché de Brunehaut qu'il pouvait la frapper avant qu'elle eût poussé un cri… La reine, sauf un premier mouvement de crainte ou plutôt de surprise, n'avait pas sourcillé; son regard indomptable était resté hardiment fixé sur les yeux du maire du palais; elle écarta d'un geste de dédain la lame du poignard, demeura quelques instants pensive, et reprit comme à regret: – Il faut pourtant croire à quelque chose; tu aurais pu me tuer, c'est vrai; tu ne l'as pas fait… je ne peux nier l'évidence. Tu ne veux donc pas te venger de moi… à moins que tu me réserves un sort selon toi plus terrible que la mort; pourtant, non, un homme qui hait fermement, tombe peu dans ces raffinements hasardeux. L'avenir n'appartient à personne; on trouve une belle occasion pour frapper son ennemi, on le frappe tôt et vite… Donc, je te crois sans haine contre moi; tu conserveras le commandement de l'armée. Écoute, Warnachaire, tu l'as dit: Brunehaut est implacable dans ses soupçons et sa haine; mais elle est magnifique pour qui la sert fidèlement… Que par toi le fils de Frédégonde tombe entre mes mains, et ma faveur dépassera tes espérances… Oublions le passé.

      – Il est oublié, madame.

      – Vrai?

      – Vrai…

      – Et puis, il faut, vois-tu, Warnachaire, aller au fond des choses. J'ai voulu te faire tuer… Eh! mon Dieu! c'est vrai! j'en ai fait tuer tant d'autres! Mais ce n'est pas, je t'en assure, par amour du sang. Que veux-tu? il faut se mettre à la place des gens… On m'a tué ma sœur Galeswinthe, on m'a tué mon mari, on m'a tué mon fils, on m'a tué mes plus fidèles serviteurs; seule j'ai eu à défendre les royaumes


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