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Le fils du Soleil. Gustave AimardЧитать онлайн книгу.

Le fils du Soleil - Gustave Aimard


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à peu de distance du fort, une des plus belles et des plus vastes maisons de la colonie.

      Quelques heures après les événements que nous avons rapportés, deux personnes étaient assises auprès d'un brasero dans un salon de cette habitation.

      Dans ce salon, élégamment meublé à la française, un étranger, en soulevant la portière, aurait pu se croire transporté au faubourg Saint-Germain: même luxe dans les tapisseries, même goût dans le choix et l'arrangement des meubles. Rien n'y manquait, pas même un piano d'Erard chargé de partitions d'opéras chantés à Paris; et, comme pour mieux prouver que la gloire va loin et que le génie a des ailes, les romanciers et les poètes à la mode encombraient un guéridon de Boule. Là tout rappelait la France et Paris; seul, le brasero d'argent, où achevaient de se consumer des noyaux d'olives, indiquait L'Espagne. Des lustres garnis de bougies roses éclairaient cette magnifique retraite.

      Don Luis Munoz et sa fille Linda étaient assis auprès du brasero.

      Dona Linda, âgée de quinze ans à peine, était admirablement belle. L'arc de jais de ses sourcils, tracés comme avec un pinceau, relevait la grâce de son front un peu bas et d'une blancheur mate; ses grand yeux bleus et pensifs, frangés de longs cils bruns, contrastaient harmonieusement avec ses cheveux d'un noir d'ébène qui se bouclaient autour d'un col délicat, et où des jasmins odorants se mouraient de volupté. Petite comme toutes les Espagnoles de race, sa taille cambrée était d'une finesse extrême; jamais pieds plus mignons n'avaient foulé, en dansant, les pelouses buenos-ayriennes, jamais main plus délicate n'était tombée dans la main d'un amoureux. Sa démarche, nonchalante comme celle de toutes les créoles, avait je ne sais quels mouvements ondulés pleins de désinvolture et de salero, comme on dit en Espagne.

      Son costume, d'une charmante simplicité, se composait d'un peignoir de cachemire blanc brodé de larges fleurs en soie de couleurs vives, serré aux hanches par une torsade. Un voile de maline était négligemment ajusté sur ses épaules. Ses pieds, emprisonnés dans des bas de soie à côtés, étaient chaussés de pantoufles naines roses et bordées de duvet de cygne.

      Dona Linda fumait un mince cigarillo de maïs, tout en causant avec son père.

      –-Oui, père, disait-elle, aujourd'hui est arrivé au Carmen un navire de Buenos-Ayres, chargé des plus jolis oiseaux du monde.

      –-Eh bien! chica (petite)?

      –-Il me semble que mon cher petit père, fit-elle avec une admirable moue, n'est guère galant, ce soir.

      –-Qu'en savez-vous, mademoiselle? répondit don Luis en souriant.

      –-Comment! vrai! s'écria-t-elle en bondissant de joie sur un fauteuil et en frappant ses mains l'une contre l'autre, vous auriez pensé?…

      –-A vous acheter des oiseaux? Vous verrez demain votre volière peuplée de perruches, d'aras, de bengalis, de colibris, enfin plus de quatre cents, vilaine ingrate!

      –-Oh! que vous êtes bon, mon père, et que je vous aime! reprit la jeune fille en jetant ses bras autour du cou de don Luis et en l'embrassant à plusieurs reprises.

      –-Assez! assez! follette! Vas-tu m'étouffer avec tes caresses?

      –-Que faire pour reconnaître vos prévenances?

      –-Pauvre chère, je n'ai que toi à aimer désormais.

      –-Dites donc à adorer, mon excellent père, car c'est de l'adoration que vous avez pour moi. Aussi je vous aime de toutes les forces aimantes que Dieu a mises dans mon âme.

      –-Et pourtant, dit Luis d'un ton doux de reproche, tu ne crains pas, méchante, de me causer des inquiétudes.

      –-Moi? demanda Linda avec un tressaillement intérieur.

      –-Oui, vous, vous, fit-il en la menaçant tendrement du doigt. Tu me caches quelque chose.

      –-Mon père!

      –-Allez, ma fille, les yeux d'un père savent lire jusqu'au fond d'un coeur de quinze ans, et, depuis quelques jours, si je ne me trompe, je ne suis plus seul dans ta pensée.

      –-C'est vrai, répondit la jeune fille avec une certaine résolution.

      –-Et à qui rêves-tu ainsi, petite fille? dit don Luis en cachant son inquiétude sous un sourire.

      –-A don Juan Perez.

      –-Ah? cria le père d'une voix étranglée, et tu l'aimes?

      –-Moi? Non, répondit-elle. Ecoutez, mon père, je ne veux rien vous cacher. Non, continua-t-elle en posant la main sur son coeur, je n'aime pas don Juan Perez; cependant, il occupe ma pensée; pourquoi? je ne saurais le dire; mais son regard me trouble et me fascine; sa voix me cause un sentiment de douleur indéfinissable. Cet homme est beau, ses manières sont élégantes et nobles, il a tout d'un gentilhomme de haute caste, et pourtant quelque chose en lui, je ne sais quoi de fatal, me glace et m'inspire une répulsion invincible.

      –-Tête romanesque!

      –-Riez, moquez-vous de moi; mais, dit-elle avec un tremblement de voix, vous avouerai-je tout, mon père?

      –-Parle avec confiance.

      –-Eh bien! j'ai un pressentiment que cet homme me sera funeste.

      –-Enfant, reprit don Luis en lui baisant au front, que peut-il te faire?

      –-Je l'ignore, mais j'ai peur.

      –-Veux-tu que je ne le reçoive plus.

      –-Gardez-vous-en bien; ce serait hâter le malheur qui me menace.

      –-Allons, tu perds la tête et te plais à te créer des chimères.

      Au même moment un domestique annonça don Juan Perez que entra dans le salon.

      Le jeune homme était vêtu à la dernière mode de Paris; l'éclat des bougies rayonna sur son beau visage.

      Le père et la fille tressaillirent.

      Don Juan s'approcha de dona Linda, la salua avec grâce et lui offrit un superbe bouquet de fleurs exotiques. Elle remercia d'un sourire, prit le bouquet, et, presque sans le regarder, le posa sur un guéridon.

      On annonça successivement le gouverneur, don Luciano Quiros, accompagné de tout son état-major, et deux ou trois famille, en tout une quinzaine de personnes. Peu à peu la réunion s'anima, on causa.

      –-Eh bien! colonel, demanda don Luis au gouverneur, quelles nouvelles de Buenos-Ayres?

      –-Notre grand Rosas, répondit le colonel qui étouffait dans son uniforme, a encore battu à plates coutures les sauvages unitaires d'Oribe.

      –-Dieu soit loué! peut-être cet avantage nous procurera-t-il un peu de tranquillité dont le commerce a besoin.

      –-Oui, reprit un colon, les communications deviennent si difficiles que ar terre on ne peut plus rien expédier.

      –-Est-ce que les Indiens se remueraient? demanda un négociant inquiet de ces paroles.

      –-Oh! interrompit le gros commandant, il n'y a pas de danger: la dernière leçon qu'ils ont reçue a été rude, ils s'en souviendront longtemps, et de longtemps ils n'oseront envahir nos frontières.

      Un sourire presque invisible passa sur les lèvres de don Juan.

      –-En cas d'invasion, les croyez-vous capables de troubler sérieusement la colonie?

      –-Hum! reprit don Luciano, en somme, ce sont de pauvres hères.

      Le jeune homme sourit de nouveau d'une façon amère et sinistre.

      –-Monsieur le gouverneur, dit-il, je suis de votre avis; je crois que les Indiens feront bien de rester chez eux.

      –-Pardieu! exclama le commandant.

      –-Mon dieu, mademoiselle, dit don Juan en se tournant vers dona Linda, serait-ce trop exiger de votre grâce que de vous prier de chanter le délicieux morceau du Domino noir que vous avez si bien chanté l'autre jour?

      La jeune fille, sans se faire prier, se mit au


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