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Le fils du Soleil. Gustave AimardЧитать онлайн книгу.

Le fils du Soleil - Gustave Aimard


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était inébranlable.

      Le combat se livrait, en ce moment, à deux mètres de l'arbre de Gualichu. Sanchez, pendant que ses frères se défendaient partout à la fois, se laissa glisser sur le sol; et, lorsque les bomberos se retournèrent, le cheval était privé de son cavalier, Sanchez avait disparu.

      –-Il est mort, que faire? dit Julian désespéré.

      –-Lui obéir, puisque nous n'avons pu le sauver, répondit Simon.

      –-En avant donc!

      Et tous les trois, ensanglantant les flancs de leurs chevaux, ils bondirent au plus épais des Indiens. Le choc fut terrible. Cependant, quelques secondes plus tard, mis hors de danger par leur audace incroyable, les bomberos fuyaient comme le vent dans trois directions différentes en poussant des cris de triomphe.

      Les Indiens reconnurent l'inutilité d'une poursuite à travers les sables; ils se contentèrent de relever leurs blessés et de compter les morts, en tout une trentaine de victimes.

      –-Ces Espagnols sont de véritables démons, quand ils s'y mettent, dit Pincheira qui se souvint alors de son origine.

      –-Oh! lui répondit Neham-Outah ivre de fureur, si jamais je leur appuie le pied sur la poitrine, ils expieront les maux dont ils flagellent ma race depuis des siècles.

      –-Je vous suis tout dévoué, reprint Pincheira.

      –-Merci, mon ami! L'heure venue, je vous rappellerai votre promesse.

      –-Je serai prêt, mais à présent quels sont vos desseins?

      –-Cette balafre que cet enragé m'a taillée dans le visage me force à mettre le feu aux poudres le plus tôt possible.

      –-Faites, vive Dieu! et finissons-en avec ces Espagnols maudits.

      –-Vous haïssez donc bien vos compatriotes?

      –-J'ai le coeur indien, c'est tout dire.

      Je vous procurerai bientôt l'occasion d'assouvir votre haine contre eux.

      –-Dieu vous entende!

      –-Mais les chefs se sont de nouveau rassemblés autour du feu du conseil; frère, venez.

      Neham-Outah et Pincheira approchèrent de l'arbre de Gualichu où les Indiens s'étaient groupés, immobiles, silencieux et calmes, comme si rien n'eut troublé leur réunion.

      V.–LE MATCHITUM

      Les Indiens, en relevant leurs morts avaient vainement cherché le cadavre de l'homme blanc; ils se persuadèrent que ses compagnons l'avaient enlevé. Ceux-ci, au contraire, se reprochaient amèrement d'avoir abandonné aux mains des païens le corps de leur frère.

      En effet, qu'était devenu Sanchez?

      Le bombero était un de ces hommes de fer, qu'une forte volonté mène à leur but et que la mort seule peut abattre. Il voulait donc assister au conseil des chefs, dont il soupçonnait la haute importance, et, au lieu de jeter sa vie en pâture dans une lutte inégale, il trouva le coup de pistolet de Neham-Outah le prétexte qu'il guettait. Comme le temps pressait, il avait feint d'être blessé à mort, et ses frères et ennemis avaient été dupes de son stratagème.

      Dès qu'il se fût laissé glisser en bas de son cheval, à la faveur de l'ombre de la mêlée, il avait pu, soit en rampant comme une couleuvre, soit en sautant comme un cougouar, grimper et se cacher dans le tronc creux de l'arbre de Gualichu. Là il se tapit sous un amas informe d'objets offerts par la dévotion des Indiens et fut aussi en sûreté que dans la forteresse du Carmen. Du reste, en hardi chasseur qui a toujours le temps de se faire tuer, il n'avait point lâché ses armes. Son premier soin fut de s'envelopper le bras sans respect pour Gualichu, dans un morceau d'étoffe afin d'arrêter le sang de sa blessure: puis il s'arrangea de son mieux au fond de sa cachette, la tête un peu en dehors pour avoir les yeux sur la scène qui allait se passer.

      Tous les chefs étaient déjà réunis. Lucaney, ulmen des Puelches, prit la parole.

      –-L'Espagnol qui a osé s'introduire parmi nous pour violer le secret de nos délibérations est mort; nous sommes seuls; commençons la cérémonie.

      –-Il sera fait selon le désir de mon frère l'ulmen des Puelches, répondit Neham-Outah. Où est le sage matchi?

      –-Ici, reprit un grand homme efflanqué, sec et maigre, dont le visage était bariolé de dix couleurs différentes et qui était habillé en femme.

      –-Que le sage matchi approche et accomplisse les rites!

      –-Un matchitum est nécessaire, dit le matchi d'une voix solennelle.

      On fit immédiatement les préparatifs usités pour cette conjuration. Deux lances furent plantées l'une à droite, l'autre à gauche de l'arbre sacré; à gauche d'elles on suspendit un tambour et un vase rempli de boisson fermentée; douze autres vases, contenant la même liqueur, furent rangés circulairement d'une lance à l'autre. On apporta on mouton et un poulain garrottés, qui furent déposés près des vases, et deux vieilles femmes se placèrent à côté des tambours. Les préparatifs terminés, le matchi se tourna vers Neham-Outah.

      –-Pourquoi l'ulmen des Aucas demande-t-ile le matchitum? dit-il.

      Métipan s'avança d'un pas hors du cercle.

      –-Une haine héréditaire a longtemps séparés les Aucas et les Pehuenches, fit Métipan. L'intérêt de toutes les grandes nations veut la fin de cette haine. Kezilipan, non aïeul, ulmen des Pehuenches, enleva une esclave blanche appartenant à Medzelipulzi, toqui des Aucas, et arrière grand'père de Neham-Outah. Devant les chefs assemblés, devant la face du ciel, je viens dire à Neham-Outah, le descendant de Yupanqui, le fils du Soleil, que mon aïeul a mal agi avec le sien, et je suis prêt, pour éteindre toute discorde passée, présente et future, à lui remettre ici une esclave blanche, jeune, belle et vierge.

      –-J'abjure devant Gualichu répondit Neham-Outah, la haine que ma nation et moi avions jurée à la tienne.

      –-Gualichu nous approuve-t-il? demanda Métipan.

      Le matchi sembla réfléchir profondément.

      –-Oui, reprit-il, la protection de Gualichu vous est acquise Qu'on amène l'esclave blanche; peut-être exigera-t-il qu'elle lui soit livrée à lui-même au lieu d'appartenir à un homme.

      –-Que sa volonté soit faite! dirent les deux ulmenes.

      Deux guerriers conduisirent une jeune fille de dix-sept ans environ et la placèrent entre les deux lances, le visage tourné vers l'arbre de Gualichu. A sa vue, Sanchez sentit par tout son corps une sueur froide et je ne sais quel frisson; un nuage voilà ses yeux.

      –-D'où me vient cette émotion étrange! se murmura le bombero à lui-même.

      Les grands yeux noirs de la jeune fille, dont la taille se pliait comme un roseau, avaient une expression de douceur et de tristesse. Elle était vêtue à la mode des femmes pehuenches. Le quedeto de laine s'enroulait autour de son corps, assujetti sur ses épaules par deux épingles d'argent, et sur ses membres par un kepike ou une ceinture de soie large de six pouces et serrée par une boucle. Les deux coins d'un pilken carré, comme un manteau, s'attachaient sur la poitrine par un topu orné d'une magnifique tête en or. Elle avait au cou deux échepels (colliers) de verroterie, et à chacun des ses bras quatre charrecur de perles de verre et de grains d'argent soufflé. Ses longs cheveux noirs se divisaient au milieu de la tête en deux queues tressées et guirlandées de rubans bleus qui flottaient sur ses épaules et se terminaient par de petits grelots. Elle était coiffée d'une luchu ou bonnet conique de perles de verre de couleur bleue et rouge.

      A cette gracieuse apparition, les Indiens, qui sont très-friands de femmes blanches, ne purent, malgré leur impassibilité naturelle, retenir un murmure d'admiration.

      Sur un signe du matchi, la cérémonie commença. Les deux vieilles Indiennes battirent le tambour, pendant que les assistants, guidés par le sorcier, entonnèrent une chanson symbolique en dansant autour de la captive.

      La danse cessa avec le chant; puis le matchi


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