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La Force. Paul AdamЧитать онлайн книгу.

La Force - Paul Adam


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Derrière lui, il évoquait les aigles imaginaires des légions, il entendait le pas des centuries et le bruit fait par les cruches d'huile balancées au bout des pieux sur les épaules romaines.

      Corbehem et Flahaut trottèrent vite, comme s'ils n'apercevaient nul péril par-dessus les buissons que devaient déjà franchir leurs regards. Les Alsaciens recueillirent les Impériaux démontés, cinq hommes, dont ils prirent les lances, les sabres. Ulbach vint dire au lieutenant que, selon les prisonniers, leur troupe constituait la gauche des bataillons formés sous la ville. Ils avaient craint d'être enlevés par des partis dont les dragons leur parurent seulement être les éclaireurs: car, depuis deux jours, les soldats de l'archiduc Ferdinand, descendus vers le lac de Constance, annonçaient la marche du corps Gouvion Saint-Cyr dans la Forêt-Noire.

      À ces mots, le lieutenant crut le succès probable. Par crainte d'être tournés, les Autrichiens évacueraient la ville. Une joie de gloire l'étourdit subitement. Quand le geste de Corbehem eut signifié que l'ennemi filait au loin, il cria de mettre la colonne en route. Deux dragons aux chevaux boiteux reçurent la garde des captifs, qui fabriquèrent aussitôt un brancard avec des lances et des manteaux de cavalerie, d'après les préceptes de Pied-de-Jacinthe. On y coucha le Tourangeau. Sa blessure saignait à travers la compresse qu'arrosait une gourde allemande; et l'on voyait tressaillir le dos brun dénudé jusqu'à la culotte de peau. Ce groupe regagna lentement les bois de l'ouest, où se tenait la réserve de la brigade.

      Bernard courut à la silhouette casquée de Flahaut en observation, la carabine sur la cuisse. Qu'apercevait-il, attentif et prudent?

      Or la colonne rejoignit Héricourt. Encore fébriles, les dragons retroussaient leurs manches sur les poignets humides. Les narines reniflaient l'air. Les yeux s'agitaient entre les paupières enflammées. Arrangeant les courroies des manteaux, déboutonnant leurs plastrons rouges et leurs gilets blancs, ils parlaient rauque, s'essoufflaient. Plusieurs fourreaux de cuir s'étant cassés, lors du choc, les sabres nus pendaient par la dragonne au bout de leurs gestes vifs. Pied-de-Jacinthe, ne put contenir leurs paroles. «Pardieu, assurait Tréheuc, je le jurerais au Pardon, les mèches blanches du vieux flamboyaient comme nuit devant l'autel.—Et grand!—Deux toises et demie!—Huit coudées!—Tu as mesuré son sabre.—Pouvait-on voir quand il fit le moulinet; ce fut un ciel de foudre qui baissa sur nous!—Et sa bouche.—Tu as vu l'incendie dedans!—Une fournaise comme lorsque Landrecies brûlait.—Tous les autres semblaient être seulement la queue de son cheval!—Y en avait-il d'autres?—Qui pourrait le dire?—Ils étaient cent; imbéciles! cria Pitouët.—Cent? Ah là, là! Cent?—Trois, quatre.—Vingt, peut-être.—En tous cas, les autres, on les a pas vus.—Le pauvre Tourangeau, lui, les a bien sentis, et par la lance!—Tais-toi, Parisien. C'est le vieil officier qui a conduit la lance de son soldat…—Ah! chouan, peste de superstition!—Tout de même, j'aimerais mieux ne pas le revoir, le vieil homme, énonça Nondain. Dans la forêt d'Amboise, quand j'étais tout petit, ma sœur a rencontré le pareil qui fauchait les arbres avec une faux de cent coudées.—En Hanovre, dit Pied-de-Jacinthe, c'était un artilleur, toujours le même. Chaque fois qu'on l'apercevait derrière la batterie, pan, on passait l'arme à gauche.—Un vieux aussi?—Ma foi, le même presque.—Garde-toi, tu le reverras!—Allons, allons, paix, paix là, mes fils… Peloton, halte!» Le large dos immobile, la main levée de Flahaut les arrêtaient. Ils soufflèrent, contents de ne pas heurter l'ennemi. Bernard eut peine à distraire son imagination du fantôme vu par les soldats aussi. Entre les casques des deux Flamands, les nues de fumée blanche se déroulaient contre le pays. Du canon qui tonnait, au nord, devait être celui de Gouvion Saint-Cyr. Celui-ci allait prendre contact avec l'infanterie de Richepanse, derrière les dragons de Moreau parvenus au flanc de la ville qu'ils déborderaient. Les escadrons se reformaient sur la pente du terrain couvert par mille papiers de cartouches vides, qu'avaient jetées les Impériaux en retraite.

      Non loin d'un caisson culbuté, le petit général s'agitait du haut de son grand cheval lumineux, et les colonnes secouant leurs têtes métalliques trottaient au signe de sa main tendue. Les deux régiments descendaient à la rivière, en aval de la ville, assez loin de cette promenade publique jusqu'où le vent entraînait les vapeurs de la canonnade autrichienne dont l'écho soudain se renforça dans l'est, devant eux, par-delà les étages boisés de la montagne. «Écoutez, dit Pied-de-Jacinthe…—L'écho!—Non pas, non pas. On se canarde aussi de l'autre côté… Tenez, leur cavalerie marche au canon…»

      En effet, une chenille hérissée de lances droites commença de ramper par les labyrinthes des contreforts; les schapskas y firent une traînée écarlate. On distinguait parmi cette multitude les chevaux blancs des trompettes; et cela rapetissait à travers l'étendue montueuse, disparut à l'ombre d'une sapinaie, reparut à la surface d'un plateau. L'adjudant vint dire à Bernard de rejoindre l'escadron. L'on s'ébranla. L'allure du trot allongé coupa les paroles; mais les yeux s'intéressèrent au cortège des blessés reconduits en arrière aux bois de l'ouest, que protégeait le déploiement de la division Richepanse. Files de chevaux boiteux, malheureux sans habit, ou la tête capuchonnée de toiles sanglantes et qui enlisaient leurs grandes bottes dans le labour; prisonniers autrichiens aux blancs uniformes tachés de poudre, d'huile, aux guêtres boueuses, et balançant les lourdes civières faites de chabraques ficelées à des fusils; cela défilait avec lenteur par le centre des colonnes, sous la garde de dragons démontés, la carabine à l'épaule. De ces carrés d'infanterie, aux faces de feu naguère, Bernard ne reconnût que de gros rustres blonds courbant le dos et qui traînaient leurs jambes lasses, qui grimaçaient au soleil, qui plissaient leur front ceint de plaques en cuivre monumentales.

      Cependant croissaient les détonations d'artillerie, les pétillements de la fusillade, les cris des chefs, les clameurs des hommes. Tels de mauvais rires titaniques, des feux de file éclataient à la lisière de tous les bois. Les montagnes grondaient en répétant les voix d'artillerie. Il passait dans le fracas de l'air des attelages au galop. Les sons montaient, s'évasaient, se perdaient, affolant les oiseaux aperçus entre les déchirures des fumées.

      Les dragons trottèrent. Le sol se déroula sous leur course, avec ses terres meubles, ses prairies spongieuses, ses routes sonores, ses chemins caillouteux. Par d'autres voies, la cavalerie française accompagnait le mouvement parallèle des chevau-légers. Au loin ceux-ci rapetissaient toujours vers les cimes qu'ils enguirlandaient d'un long ruban mobile de lances droites.

      «Troun de l'air! on ne se quitte pas…,» grommelèrent les Marseillais, lorsque la roideur de la côte contraignit l'escadron à reprendre le pas. Héricourt écoutait les craintes des siens, qui recommencèrent à décrire le fantastique officier. Les Bretons n'en menaient pas large. Ils se regardèrent en pâlissant, lorsque le colonel, accouru, enjoignit au lieutenant un coup de galop, afin d'éclairer la tête de la colonne. «Tu vois, Monsieur, j'ai touché la main de Gouvion Saint-Cyr, à l'heure militaire. Tu diras cela, lieutenant, au citoyen Moreau. J'ai recollé les morceaux de l'armée, à l'aile gauche. Paraît que ça devenait pressant, si j'en crois mes oreilles. Entendez-vous ça, mes fils? Vous marchez au canon, maintenant. On dit que le torchon brûle depuis nous jusqu'à Stockach. Quelle danse!… Et derrière! nous en laissons de la friture. Bon sang!» L'ancien postillon éclata de rire, claqua sa cuisse à maintes reprises. Il avait rejeté son casque vers la nuque. La chair de sa face débordait la jugulaire rompue. Du sang goutta de son sabre nu jusqu'à terre… Bernard passa, docile.

      Ils franchirent le flanc des pelotons en marche qui escaladaient les côtes et dégringolaient au fond des vaux, selon l'adresse des bêtes écumeuses. Les habits ouverts sur les chemises montraient les saillies des pommes d'Adam. Une sueur noire coulait aux tempes, sous les cadenettes. Les veines gonflaient à la surface des mains sales. On s'offrait la gourde le long des files, en plaisantant l'approche de la mort avec la stridence de rires nerveux: «Té, Marius! interpella certain maréchal des logis noir comme une taupe; toi aussi, mon bon!—Ah! pitchoun…» Le galop brisa la réponse de Marius, qui leva sa main en l'air, pour adieu. Plus loin, au premier régiment, une voix gamine cria: «Pitouët! Notre trictrac à la Régence!—Et les cotillons de Paméla!—Et le jaloux bafoué!—Adieu, Pitouët!»—Et plus loin:«À c't'heure, ch'est ti, Corbehem!—Tu cours, tu cours!—Va, va, nous boirons une triboulette


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