Le IIme livre des masques. Remy de GourmontЧитать онлайн книгу.
ection>
Remy de Gourmont
Le IIme livre des masques
Publié par Good Press, 2020
EAN 4064066087180
Table des matières
PRÉFACE
1898
PRÉFACE
Si l'on croit nécessaire de connaître la méthode générale qui a guidé l'auteur dans cette seconde série de Masques, on se reportera aux pages placées en tête du premier tome.
Goethe pensait:
«Quand on ne parle pas des choses avec une partialité pleine d'amour, ce qu'on dit ne vaut pas la peine d'être rapporté.»
C'est peut-être aller loin. La critique négative est nécessaire; il n'y a pas dans la mémoire des hommes assez de socles pour toutes les effigies: il faut donc parfois briser et jeter à la fonte quelques bronzes injustes et trop insolents. Mais c'est là une besogne crépusculaire; on ne doit pas convier la foule aux exécutions. Quand nous l'appellerons, ce sera pour qu'elle participe à une fête de gloire.
Certains critiques ont toujours l'air de juges qui, leur sentence rendue, attendent le bourreau.
«Ah! voici le bourreau! Nous allons faire un feu de joie et danser autour des cendres de nos amours!»
Il n'y a plus besoin de bûchers pour les mauvais livres; les flammes de la cheminée suffisent.
Les pages qui suivent ne sont pas de critique, mais d'analyse psychologique ou littéraire. Nous n'avons plus de principes et il n'y a plus de modèles; un écrivain crée son esthétique en créant son oeuvre: nous en sommes réduits a faire appel à la sensation bien plus qu'au jugement.
En littérature, comme en tout, il faut que cesse le règne des mots abstraits. Une oeuvre d'art n'existe que par l'émotion qu'elle nous donne; il suffira de déterminer et de caractériser la nature de cette émotion; cela ira de la métaphysique à la sensualité, de l'idée pure au plaisir physique.
Il y a tant de cordes à la lyre humaine! C'est déjà un travail considérable que d'en faire le dénombrement.
27 février.
FRANCIS JAMMES
Voici un poète bucolique. Il y a Virgile, et peut-être Racan, et un peu Segrais. Nulle sorte de poète n'est plus rare: il faut vivre à l'écart dans les vraies maisons de jadis, à la lisière des bois gardés par les seules ronces, au milieu des ormes noirs, des chênes ridés et des hêtres à la peau douce comme celle d'une amie très aimée; l'herbe n'est pas un gazon vain tondu pour simuler le velours des sofas: on en fait du foin, que les boeufs mangent avec joie en cognant contre la crèche l'anneau qui attache leur licou; et les plantes ont une vertu et un nom:
Dans les bois vous trouverez la pulmonaire
dont la fleur est violette et vin, la feuille vert-
de-gris, tachée de blanc, poilue et très rugueuse;
il y a sur elle une légende pieuse;
la cardamine où va le papillon aurore,
l'isopyre légère et le noir ellébore,
la jacynthe qu'on écrase facilement
et qui a, écrasée, de gluants brillements;
la jonquille puante, l'anémone et le narcisse
qui fait penser aux neiges des berges de la Suisse;
puis le lierre-terrestre bon aux asthmatiques.
Cela fait partie d'un «mois de mars» raconté par Francis Jammes (pour l'Almanach des Poètes de l'an passé), petit poème qui parut tel qu'une violette (ou une améthyste) trouvée le long d'une haie, parmi les premiers sourires de l'année. Tout entier, il est admirable d'art