Le Cabinet des Fées. AnonymeЧитать онлайн книгу.
en est tant que le loup mange.
Je dis le loup, car tous les loups
Ne sont pas de la même sorte.
Il en est d'une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui, privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles.
Mais, hélas! qui ne sait que ces loups doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux?
Note 1: (retour) Folle, very fond;
Note 2: (retour) seyait, became;
Note 3: (retour) on m'a dit, I was told.
Note 4: (retour) compère, master.
Note 5: (retour) Delà, beyond;
Note 6: (retour) là-bas, down there.
Note 7: (retour) à qui plus tôt y sera, who shall be there the soonest.
Note 8: (retour) chevillette, small peg.
Note 9: (retour) la bobinette cherra, the latch will fall.
LE CHAT BOTTÉ.
Un meunier ne laissa pour tous biens, à trois enfants qu'il avait, que son moulin, son âne et son chat. Les partages furent bientôt faits: ni le notaire ni le procureur 1 n'y furent point appelés, ils auraient eu bientôt mangé tout le pauvre patrimoine.
L'aîné eut le moulin.
Le second eut l'âne.
Et le plus jeune n'eut que le chat.
Ce dernier ne pouvait se consoler d'avoir un si pauvre lot. 2
--Mes frères, disait-il, pourront gagner leur vie honnêtement en se mettant ensemble: 3 pour moi, lorsque j'aurai mangé mon chat, et que je me serai fait un manchon de sa peau, il faudra que je meure de faim.
Le Chat, qui entendait ce discours, mais qui n'en fit pas semblant, 4 lui dit d'un air posé et sérieux:
--Ne vous affligez point, mon maître; vous n'avez qu'à me donner un sac et me faire faire 5 une paire de bottes pour aller dans les broussailles, et vous verrez que vous n'êtes pas si mal partagé que vous croyez.
Quoique le maître du Chat ne fit pas grand fond là-dessus, 6 il lui avait vu faire tant de tours de souplesse pour prendre des rats et des souris, comme quand il se pendait par les pieds ou qu'il se cachait dans la farine pour faire le mort, 7 qu'il ne désespéra pas d'en être secouru dans sa misère.
Lorsque le Chat eut ce qu'il avait demandé, il se botta bravement; et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s'en alla dans une garenne 8 où il y avait grand nombre de lapins.
Il mit du son et des lacerons dans son sac; et, s'étendant comme s'il eût été mort, il attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu'il y avait mis.
A peine fut-il couché, qu'il eut contentement: un jeune étourdi de lapin entra dans son sac; et le maître Chat, tirant aussitôt ses cordons, le prit et le tua sans miséricorde.
Tout glorieux de sa proie, il s'en alla chez le roi et demanda à lui parler.
On le fit monter à l'appartement de Sa Majesté, où, étant entré, il fit une grande révérence au roi, et lui dit:
--Voilà, sire, un lapin de garenne que M. le marquis de Carabas (c'était le nom qu'il prit en gré de donner à son maître) m'a chargé 9 de vous présenter de sa part.
--Dis à ton maître, répondit le roi, que je le remercie et qu'il me fait plaisir.
Une autre fois, il alla se cacher dans un blé, tenant toujours son sac ouvert; et lorsque deux perdrix y furent entrées, il tira les cordons et les prit toutes deux.
Il alla ensuite les présenter au roi, comme il avait fait du lapin de garenne. Le roi reçut encore avec plaisir les deux perdrix, et lui fit donner pour boire.
Le Chat continua ainsi, pendant deux ou trois mois, à porter de temps en temps au roi du gibier de la chasse de son maître. Un jour qu'il sut que le roi devait aller à la promenade sur le bord de la rivière avec sa fille, la plus belle princesse du monde, il dit à son maître:
--Si vous voulez suivre mon conseil, votre fortune est faite; vous n'avez qu'à vous baigner dans la rivière, à l'endroit que je vous montrerai, et ensuite me laisser faire.
Le marquis de Carabas fit ce que son Chat lui conseillait, sans savoir à quoi cela serait bon.
Dans le temps qu'il se baignait, le roi vint à passer; et le Chat se mit à crier de toute sa force:
--Au secours! au secours! voilà M. le marquis de Carabas qui se noie!
A ce cri, le roi mit la tête à la portière; et, reconnaissant le Chat qui lui avait apporté tant de fois du gibier, il ordonna à ses gardes qu'on allât vite au secours de M. le marquis de Carabas.
Pendant qu'on retirait le pauvre marquis de la rivière, le Chat, s'approchant du carrosse, dit au roi que, dans le temps que son maître se baignait, il était venu des voleurs qui avaient emporté ses habits, quoiqu'il eût crié au voleur de toute sa force; le drôle 100 les avait cachés sous une grosse pierre.
Le roi ordonna aussitôt aux officiers de sa garde-robe d'aller quérir 11 un de ses plus beaux habits pour M. le marquis de Carabas.
Le roi lui fit mille caresses; et comme les beaux habits qu'on venait de lui donner relevaient 12 sa bonne mine (car il était beau et bien fait de sa personne), la fille du