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L'Œuvre. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

L'Œuvre - Emile Zola


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une simple esquisse, tantôt un projet. Il n'y a point à s'amuser, si l'on veut passer ses examens et décrocher les mentions nécessaires, surtout lorsqu'on doit, en dehors de ces besognes, trouver le temps de gagner son pain...

      Moi, j'en crève...» Un coussin ayant glissé par terre, il le repêcha à l'aide de ses deux pieds.

      «Tout de même, j'ai de la chance. Il y a tant de camarades qui cherchent à faire la place, sans rien dénicher! Avant-hier, j'ai découvert un architecte qui travaille pour un grand entrepreneur, oh! non, on n'a pas idée d'un architecte de cette ignorance; un vrai goujat, incapable de se tirer d'un décalque; et il me donne vingt-cinq sous de l'heure, je lui remets ses maisons debout... Ça tombe joliment bien, la mère m'avait signifié qu'elle était complètement à sec. Pauvre mère, en ai-je de l'argent à lui rendre!».

      Comme Dubuche parlait évidemment pour lui, remâchant ses idées de tous les jours, sa continuelle préoccupation d'une fortune prompte, Sandoz ne prenait pas la peine de l'écouter. Il avait ouvert la petite fenêtre, il s'était assis au ras du toit, souffrant à la longue de la chaleur qui régnait dans l'atelier. Mais il finit par interrompre l'architecte.

      «Dis donc, est-ce que tu viens dîner jeudi?... Ils y seront tous, Fagerolles, Mahoudeau, Jory, Gagnière.» Chaque jeudi, on se réunissait chez Sandoz, une bande, les camarades de Plassans, d'autres connus à Paris, tous révolutionnaires, animés de la même passion de l'art.

      «Jeudi prochain, je ne crois pas, répondit Dubuche. Il faut que j'aille dans une famille, où l'on danse.

      —Est-ce que tu espères y carotter une dot?...

      —Tiens! ce ne serait déjà pas si bête!» Il tapa sa pipe sur la paume de sa main gauche, pour la vider; et, avec un soudain éclat de voix! «J'oubliais... J'ai reçu une lettre de Pouillaud.

      Toi aussi!... Hein? est-il assez vidé, Pouillaud! En voilà un qui a mal tourné!

      —Pourquoi donc? Il succédera à son père, il mangera tranquillement son argent, là-bas. Sa lettre est très raisonnable, j'ai toujours dit qu'il nous donnerait une leçon à tous, avec son air de farceur... Ah! cet animal de Pouillaud!» Sandoz allait répliquer, furieux, lorsqu'un juron désespéré de Claude les interrompit. Ce dernier, depuis qu'il s'obstinait au travail, n'avait plus desserré les dents. Il semblait même ne pas les entendre.

      «Nom de Dieu! c'est encore raté... Décidément, je suis une brute, jamais je ne ferai dent» Et, d'un élan, dans une crise de folle rage, il voulut se jeter sur sa toile, pour la crever du poing. Ses amis le retinrent. Voyons, était-ce enfantin, une colère pareille! il serait bien avancé ensuite, quand il aurait le mortel regret d'avoir abîmé son œuvre. Mais lui, tremblant encore, retombé à son silence, regardait le tableau sans répondre, d'un regard ardent et fixe, où brûlait l'affreux tourment de son impuissance. Rien de clair ni de vivant ne venait plus sous ses doigts, la gorge de la femme s'empâtait de tons lourds; cette chair adorée qu'il rêvait éclatante, il la salissait, il n'arrivait même pas à la mettre à son plan.

      Qu'avait-il donc dans le crâne, pour l'entendre ainsi craquer de son effort inutile? Était-ce une lésion de ses yeux qui l'empêchait de voir juste? Ses mains cessaient-elles d'être à lui, puisqu'elles refusaient de lui obéir? Il s'affolait davantage, en s'irritant de cet inconnu héréditaire, qui parfois lui rendait la création si heureuse, et qui d'autres fois l'abêtissait de stérilité, au point qu'il oubliait les premiers éléments du dessin. Et sentir son être tourner dans une nausée de vertige, et rester là quand même avec la fureur de créer, lorsque tout fuit, tout coule autour de soi, l'orgueil du travail, la gloire rêvée, l'existence entière! «Écoute, mon vieux, reprit Sandoz, ce n'est pas pour te le reprocher, mais il est six heures et demie, et tu nous fais crever de faim... Sois sage, descends avec nous.» Claude nettoyait à l'essence un coin de sa palette. Il y vida de nouveaux tubes, il répondit d'un seul mot, la voix tonnante:

      «Non!».

      Pendant dix minutes, personne ne parla plus, le peintre hors de lui, se battant avec sa toile, les deux autres troublés et chagrins de cette crise, qu'ils ne savaient de quelle façon calmer. Puis, comme on frappait à la porte; ce fut l'architecte qui alla ouvrir.

      «Tiens! le père Malgras!» Le marchand de tableaux était un gros homme, enveloppé dans une vieille redingote verte, très sale, qui lui donnait l'air d'un cocher de fiacre mal tenu, avec ses cheveux blancs coupés en brosse et sa face rouge, plaquée de violet. Il dit, d'une voix de rogomme:

      «Je passais par hasard sur le quai, en face... J'ai vu monsieur à la fenêtre, et je suis monté...» Il s'interrompit, devant le silence du peintre, qui s'était retourné vers sa toile, avec un mouvement d'exaspération.

      Du reste, il ne se troublait pas, très à l'aise, carrément planté sur ses fortes jambes, examinant de ses yeux tachés de sang le tableau ébauché. Il le jugea sans gêne, d'une phrase où il y avait de l'ironie et de la tendresse.

      «En voilà une machine!» Et, comme personne encore ne soufflait mot, il se promena tranquillement à petits pas dans l'atelier, regardant le long des murs. Le père Malgras, sous l'épaisse couche de sa crasse, était un gaillard très fin, qui avait le goût et le flair de la bonne peinture. Jamais il ne s'égarait chez les barbouilleurs médiocres, il allait droit, par instinct, aux artistes personnels, encore contestés, dont son nez flamboyant d'ivrogne sentait de loin le grand avenir. Avec cela, il avait le marchandage féroce, il se montrait d'une ruse de sauvage, pour emporter à bas prix la toile qu'il convoitait.

      Ensuite, il se contentait d'un bénéfice de brave homme, vingt pour cent, trente pour cent au plus, ayant basé son affaire sur le renouvellement rapide de son petit capital, n'achetant jamais le matin sans savoir auquel de ses amateurs il vendrait le soir. Il mentait d'ailleurs superbement.

      Arrêté près de la porte, devant les académies peintes à l'atelier Boutin, il les contempla quelques minutes en silence, les yeux luisant d'une jouissance de connaisseur, qu'il éteignait sous ses lourdes paupières. Quel talent, quel sentiment de la vie, chez ce grand toqué qui perdait son temps à d'immenses choses dont personne ne voulait! Les jolies jambes de la fillette, l'admirable ventre de la femme surtout, le ravissaient. Mais cela n'était pas de vente, et il avait déjà fait son choix, une petite esquisse, un coin de la campagne de Plassans, violente et délicate, qu'il affectait de ne pas voir. Enfin, il s'approcha, il dit négligemment:

      «Qu'est-ce que c'est que ça? Ah! oui, une de vos affaires du Midi... C'est trop cru, j'ai encore les deux que je vous ai achetées.» Et il continua en phrases molles, interminables;«Vous refuserez peut-être de me croire, monsieur Lantier, ça ne se vend pas du tout, pas du tout. J'en ai plein un appartement, je crains toujours de crever quelque chose, quand je me retourne. Il n'y a pas moyen que je continue, parole d'honneur! il faudra que je liquide, et je finirai à l'hôpital... N'est-ce pas? vous me connaissez, j'ai le cœur plus grand que la poche, je ne demande qu'à obliger les jeunes gens de talent comme vous. Oh! pour ça, vous avez du talent, je ne cesse de le leur crier. Mais, que voulez-vous? ils ne mordent pas, ah! non, ils ne mordent pas!» Il jouait l'émotion; puis, avec l'élan d'un homme qui fait une folie:

      «Enfin, je ne serai pas venu pour rien... Qu'est-ce que vous me demandez de cette pochade?» Claude, agacé, peignait avec des tressaillements nerveux.

      Il répondit d'une voix sèche, sans tourner la tête «Vingt francs.

      —Comment! Vingt francs! Vous êtes fou! Vous m'avez vendu les autres dix francs pièce... Aujourd'hui, je ne donnerai que huit francs, pas un sou de plus!».

      D'habitude, le peintre cédait tout de suite, honteux et excédé de ces querelles misérables, bien heureux, au fond, de trouver ce peu d'argent. Mais, cette fois, il s'entêta, il vint crier des insultes dans la face du marchand de tableaux, qui se mit à le tutoyer, lui retira tout talent, l'accabla d'invectives, en le traitant de fils ingrat. Ce dernier avait fini par sortir de sa poche, une à une, trois pièces de cent sous; et il les lança de loin comme des palets, sur la table, où elles sonnèrent parmi les assiettes.

      «Une,


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