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Au soleil de juillet (1829-1830). Paul AdamЧитать онлайн книгу.

Au soleil de juillet (1829-1830) - Paul Adam


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la main. Ma mère le relevait, le serrait éperdument sur son cœur, tandis que de douces larmes noyaient ses beaux yeux. Ils s'embrassaient. Ils s'aimaient. J'eus bien de la peine à ne point pleurer toute seule, tant j'étais émue de les voir ainsi. J'ai même essuyé mes paupières. Tout en moi frémissait d'allégresse: «Oh! chers parents! me disais-je, si vous pouviez remonter le cours des ans. Vous goûteriez encore ces délices sans nom. Pourquoi faut-il que vous ayez vieilli?... Pourquoi votre jeunesse, sinon votre bonheur, s'est-elle flétrie déjà? Que ne renaissez-vous, chaque printemps, avec la beauté de la terre? Ah! nature marâtre, qui laisses abréger trop la félicité!...» Ensuite, j'ai redouté, dois-je le dire, leur mort. Je me suis vue descendre les marches de ce palais, en longs habits de deuil. Et vous me consoliez de votre mieux... Vous souteniez mes pas... Cet affreux tableau m'a si fortement affectée que je me suis mise à courir jusqu'à la maison, pour embrasser ma mère. Et je tremblais de l'y découvrir morte, en effet, tuée par des brigands... qui se seraient introduits par la fenêtre de la cuisine basse. Oui, j'étais sûre que ma rêverie contenait le pressentiment d'un malheur réel. Ah! mon ami! Comment vous dépeindre mon angoisse pendant ces courts instants? Le soleil sur la façade ne me souriait plus, ou, plutôt, son sourire me semblait le plus atroce des sarcasmes. Je cours, je vole... je perds mon écharpe... J'atteins ce perron. Personne! J'ai pensé perdre l'esprit. Je traverse deux pièces vides. Enfin, je tombe en sanglotant aux genoux de ma mère, qui ne sait rien entendre à mon chagrin... Elle me berce. Elle me câline. Elle me console. Elle me supplie de lui avouer la cause de mes pleurs. Le pouvais-je? Pouvais-je lui dire qu'à l'instant je l'avais vue belle, jeune, enivrée d'un adorable amour qui se retrouve entier, après les craintes affreuses de la guerre dans le cœur d'une épouse de héros? Pouvais-je lui dire que je me désespérais de la voir vieillie et de la sentir marcher vers la mort inexorable, qui nous attend, qui me guette aussi, moi qui n'ai même pas connu la douceur d'être chérie comme elle par un mari noble et généreux!... Maman m'a grondée bien fort. Car ce n'est point une rareté que de me mettre en cet état. J'aime pleurer.

      —N'aimez-vous pas rire aussi, ma chère?

      —Je ne ris jamais quand je suis seule... La folle du logis dessine des tableaux heureux. Alors, j'ai tout de suite de la tristesse à concevoir qu'ils sont vains. Au contraire, si les tableaux sont tristes, j'éprouve du plaisir à les faire démentir par la vérité des choses... En ce moment, je suis contente, parce que vous êtes là et que nous devisons en nous promenant; car, plusieurs fois, je vous ai reconnu là-bas, au fond du jardin, tantôt attaqué par les brigands de la Calabre qui vous mettaient en joue, dans votre voiture, et tantôt sur le désert de la mer, naufragé, puis enseveli par les flots, avec l'épave qui vous portait. Votre malheur m'affligeait plus que je ne saurais dire. J'apercevais votre corps percé de coups au milieu d'une broussaille, ou bien rejeté par la vague sur une plage de cailloux... Et moi-même je m'approchais, je reculais, frappée d'effroi et d'horreur... Je soulevais votre tête. Aucun souffle ne remuait vos lèvres. Vous n'étiez plus!...

      —Elvire, est-il vrai? Pensiez-vous à moi? Avez-vous ressenti de l'inquiétude pour moi?

      —Oh! mon Dieu! Ai-je baigné mes doigts dans mes larmes!...

      Elle se força de rire, en feignant de se railler elle-même. Ses paroles comblaient l'espoir d'Omer. Elles se répétaient en lui. Elles le possédaient totalement. Il voulut réfléchir, mais ne sut. Tout lui semblait sublime et indicible. Il triomphait de sa mère et de sa sœur, de l'oncle Augustin. L'ange l'aimait. L'ange avait tremblé pour lui. L'ange avait souffert pour lui, pour le Satan des mauvaises rencontres. Tant elle l'aimait, que, par une mystérieuse intuition, Elvire avait quasi deviné le combat, sur la route de Frosinone, et les périls de la tempête, au retour d'Asture. Omer résistait mal à la convoitise de la saisir en ses bras, de confondre leurs êtres aussitôt dans une étreinte de gratitude passionnée.

      —C'est que j'aime pleurer..., sourit-elle encore comme pour atténuer le sens de son aveu.

      Toutefois, elle sut faire concevoir que c'était là seulement un mot de prudence raisonnable, et qu'il n'amoindrissait pas la valeur de ses émotions.

      —Au couvent, je ne répandais pas moins des larmes au récit des supplices endurés par les martyrs. Quand j'ai su que sainte Agnès avait été déchirée par des peignes de fer, je n'ai pu dormir de trois nuits; et il fallut me guérir d'une grosse fièvre. On dut me saigner alors pour la première fois... Ne fouliez-vous pas cette terre de Rome qui but le sang des bienheureux catéchumènes? Le jour où mon père fit allusion à je ne sais quels dangers dont vous pouviez être menacé, toute ma compassion d'autrefois envers les fidèles livrés aux bêtes féroces, dans le cirque, m'est revenue. Comme j'avais en imagination désiré les secourir, j'ai rêvé de vous secourir aussi, parmi les brigands et les vagues de la mer. Ne riez point... Sachez, Monsieur, que je suis fort héroïque en pensée, s'il ne m'est guère permis de l'être en actions. J'aurais décemment affronté les lions et les tigres du cirque, s'il l'eût fallu, plutôt que d'abjurer ma foi. C'étaient là mes sujets habituels de méditations au couvent. Tout au fond de mon cœur de petite fille, je couve une âme de soldat. Celle de mon père, un peu!... Oh! que de tempêtes il y a là... Je vous admirais de courir volontairement à ces dangers qu'on n'a point voulu m'expliquer de façon claire. Pour les Grecs opprimés, et que les rois voulurent abandonner à la cruelle vengeance des Turks, vous alliez réunir des soldats, des armes et de l'argent. Voilà ce que je comprenais... Dans mes songeries, vous persuadiez, par la parole, les grands seigneurs, en Italie, de prêter aide à une cause juste. Votre éloquence chevaleresque achevait de les convaincre. Vous prépariez cette victoire des Grecs. Un peuple vous doit le bonheur d'être libre. Vous sauviez les martyrs d'Ali-Pacha, comme j'ai tant voulu sauver ceux de l'empereur Dioclétien. Vous réalisiez ce que j'ai pu seulement souhaiter. C'est la même compassion pour les mêmes martyrs, ceux qu'extermina l'empereur païen, ceux que le sultan fit massacrer à Chio. Omer, je vous ai vu, généreux et brave comme mes sentiments. J'ai tremblé pour vous, comme j'eusse tremblé pour eux et pour moi... et j'ai pleuré sur vous comme je pleure sur moi qui ne puis rien que pleurer...

      Elle finit de parler en portant aux yeux ses mains exangues. Omer s'aperçut qu'il la remerciait gauchement. Il ne trouvait pas des mots meilleurs que ceux des livres. Et paraître croire qu'elle lui disait de l'amour, c'eût été sans doute impertinent. Après quelque hésitation, il n'osa, par respect. Il se contenta de formuler cette phrase:

      —Elvire, de toute mon existence passée, je n'apprécie rien tant que cette heure-ci.

      —Est-il vrai, du moins?...

      —C'est vrai. Je vous supplie de n'en pas douter... Qu'attendez-vous de moi qui vous persuade?

      Elle réfléchit un peu, sans répondre. Il la contempla droite dans la robe aplatie contre les formes d'adolescence angélique. Elvire consultait peut-être le ciel blanc et les feuilles d'or. Enfin, à voix basse, elle déclara:

      —J'attends de vous quelque chose de plus fort que mon espoir.

      —Je tâcherai, dit-il timidement...

      A ce mot, elle sourit de toute sa joie. Son âme candide et radieuse lui vint au visage en fleur. Ses yeux éblouirent de leurs reflets intérieurs le jeune homme sans voix.

      «Elvire reste ignorée de moi, malgré tout, observa-t-il ensuite. Et quand elle se transfigure ainsi, elle m'ôte mon bon sens. Elle me soumet. Il me semble qu'elle donne ce qu'aucune autre fille ne saurait offrir. La beauté de sa vertu contient plus que je ne souhaite. Il y a là des choses étrangères à moi-même, peut-être déjà la vie de cette descendance qui changera la barbarie du monde à la gloire des Lois justes...» Il fut orgueilleux de cette explication. Elvire avait couru dans le pavillon. Au piano, son âme chantait un Noël, acclamait la venue du Rédempteur. Omer imagina qu'elle confondait le Christ et lui-même dans une seule dévotion.

      —Je remercie Dieu..., cria-t-elle à Mme Gresloup qui l'interrogeait, avec quelque aigreur, sur cette envie de musique.

      La dernière note expirée, Elvire demanda gentiment à faire une promenade en bateau. Le domaine s'étendant au bas de la colline, un triple et vaste étang s'était,


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