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Les invisibles de Paris. Gustave AimardЧитать онлайн книгу.

Les invisibles de Paris - Gustave Aimard


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      — Est-ce vous, m’sieur Benjamin?

      — Oui, répondit une voix douce et ferme à la fois.

      — Vous avez vu?

      — Tout.

      — C’est-il votre affaire?

      — Que t’importe? Je te paye.

      — Juste comme de l’or. Vous n’avez plus besoin de rien!

      — Si.

      — De quoi? Allez-y au même prix, je vous appartiens. Vous n’avez qu’à parler. Qué qui vous faut?

      — Ton silence.

      — Motus, n, i, ni, c’est fini.

      — Et ton sommeil.

      L’enfant se jeta sur un lit de feuilles sèches et poussa un ronflement des plus sonores.

      Alors, un jeune homme mince, fluet, à la mine efféminée mais résolue, quitta l’embuscade où il se tenait derrière la hutte, et la tournant se dirigea vers la grande route.

      La lune jetait une clarté blanche et rayonnante.

      Le jeune homme se vit forcé de passer devant la porte du taudis.

      L’enfant, ronflant toujours, ouvrit un œil.

      Le jeune homme, dans sa précipitation, accrocha le haut de son chapeau à une branche. Le chapeau tomba; en même temps, une longue et abondante chevelure d’un noir de jais se déroula sur ses épaules.

      En un tour de main, les cheveux reprirent leur tournure masculine et le chapeau fut remis en place; puis cheveux et chapeau disparurent.

      Mais si rapide que fût l’action du nouveau-venu ou de la nouvelle-venue, qui s’éloignait en si grande hâte, le gamin eut le temps de tout voir et de crier:

      — Hé ! m’sieur Benjamin! vous perdez vot’ chignon.

      Ne recevant pas de réponse, il ouvrit les deux yeux, les referma, se fit la nique à lui-même, faute de pouvoir la faire à d’autres, et après s’être souhaité une bonne nuit le plus tendrement possible, il s’endormit sur son lit de feuillage et de terre sèche comme sur un duvet de roi.

       Table des matières

      Un enlèvement qui n’est pas ee qu’il parait être.

      La demie sonnait à l’horloge du chemin de fer d’Orléans, boulevard de l’Hôpital.

      Une voiture, venant de la place de la Bastille, après avoir traversé le pont d’Austerlitz et la place Valhubert, enfila au grand trot le boulevard de l’Hôpital, tourna la rue Poliveau et s’arrêta à l’angle formé par cette rue et celle du Marché-aux-Chevaux.

      Les personnes que contenait cette voiture aux allures aristocratiques avaient probablement à se dire les derniers mots d’une conversation sérieuse et commencée depuis longtemps, car quelques minutes s’écoulèrent avant que la portière ne s’ouvrît.

      Enfin un jeune homme élégamment vêtu en descendit.

      Le cocher, obéissant à un mot d’ordre donné d’avance, abrita ses chevaux dans une encoignure sombre et se tint coi sur son siège, comme tout automédon de bonne maison doit faire en face d’une gelée blanche.

      Cependant notre jeune homme, enveloppé dans un pardessus de couleur foncée, dont le collet relevé garantissait et défendait son visage contre les regards indiscrets et le froid piquant de la nuit, notre jeune homme s’enfonça à grands pas dans la rue du Marché-aux-Chevaux, en maugréant et pestant tout bas.

      Les rues de ces quartiers éloignés du centre vivant de Paris sont encore aujourd’hui telles qu’elles étaient au moyen âge, étroites, mal bâties, plus mal pavées, sans air et sans soleil, privées de trottoirs et constamment boueuses.

      La rue du Marché-aux-Chevaux surtout, habitée en grande partie par des carrossiers, des marchands de vin au détail et de pauvres hères appartenant à la classe la plus infime de la population, peut passer, été comme hiver, pour un véritable cloaque.

      Cependant le jeune homme dont nous parlons, tout en jurant contre l’acuité des cailloux qui déchiraient ses bottes aux semelles fines et peu accoutumées à un pavé aussi rocailleux, s’orientait et se dirigeait vers une maison de misérable apparence.

      L’adresse avec laquelle il évitait les flaques d’eau ou les tas de boue fétide qui se rencontraient à chaque instant sous ses pas, l’assurance avec laquelle il saisit le marteau rouillé d’une petite porte vermoulue, et le coup violent qu’il frappa, prouvaient clairement qu’il n’était un nouveau-venu ni pour le pavé, ni pour le marteau.

      Il était attendu sans doute, car la porte s’entr’ouvrit aussitôt, et à travers l’entrebâillement passa la tête d’une vieille femme, si femme peut s’appeler l’être informe et hideux auquel cette tête appartenait.

      Des yeux sans couleur précise, dont l’un tirait à hue et l’autre à dia; un nez aux cartilages rutilants, une bouche remplaçant des dents absentes par un sourire de danseuse sans emploi, un triple menton retombant sur des appas qui avaient dû exister quinze ans auparavant, mais qui, soit fatigue, soit maladie, avaient déserté leur immodeste séjour, le tout surmontant une masse ambulante de chairs fanées, haute de cinq pieds quatre pouces: — voilà ce que possédait l’aimable créature qui vint ouvrir à notre inconnu.

      — Est-ce vous, m’sieu Olivier? fit-elle d’une voix douce comme le dernier cri d’une scie en travail.

      — Oui.

      — Voyons ça! voyons ça!... Approchez voir. Et elle levait à la hauteur de son visage l’âme d’une lanterne sourde.

      — Qui diantre voulez-vous que ce soit? répondit brusquement celui que la vieille venait de nommer Olivier; et, tout en répondant, il rabattait la lanterne de façon à ne pas laisser voir son visage.

      — Dame! est-ce que je sais, moi? Jusqu’au jour d’aujord’hui vous n’avez pas voulu tant seulement me montrer le bout de votre nez.

      — Ce n’est donc pas la peine de chercher à me reconnaître, dit Olivier en souriant avec ironie.

      — Vous êtes ben dur pour le pauvre monde m’sieu Olivier... Et pourtant, Dieu sait si je vous suis dévouée... Sans moi la petite...

      — Pas de sentiment. J’ai de quoi augmenter votre dévouement dans ce portefeuille,.. Thérèse est-elle prête?

      — Parbleure! oui. Elle s’est habillée en rechignant, en faisant des manières pas vrai; mais ces jeunesses, ça n’a pas la science infuse, c’est si bête!... Ça ne comprend pas qu’il n’y a qu’une chose au monde, l’argent... Ça parle de vertu, de bonne renommée, jusqu’au jour où, va te promener! ni vu ni connu je t’embrouille, et la danse commence... C’est cinq cents francs, vous savez?

      — Les voici...

      Et Olivier tira d’un portefeuille un billet de banque.

      L’infâme vieille ne lui laissa seulement pas le temps de le lui tendre; elle fondit sur la main du jeune homme, prit l’argent, le mit dans sa poche avec un grognement de satisfaction, et ne remercia même pas, tant elle tenait à prouver sa vénération pour la Banque de France.

      Olivier se recula avec dégoût pour que les doigts crochus de son interlocutrice n’effleurassent pas l’extrémité de sa main gantée.

      — Il n’y a pas d’offense, grommela-t-elle... Entrez-vous?

      —


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