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L'Holocauste: Roman Contemporain. Ernest La JeunesseЧитать онлайн книгу.

L'Holocauste: Roman Contemporain - Ernest La Jeunesse


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comme on tue.

      Et je vais m'en aller, moi qui te parle. Je serai dans mon tort, parce que les chambres doivent être habitées, mais je te demande pardon, tout de suite. Et je ne vais pas m'en aller tout de suite: j'ai honte. En te délaissant, je délaisse le décor de mon bonheur et mon bonheur et tu vas être si vide, si froide!

      Ah! que l'intensité de nos moments, que la tendre férocité de notre séjour, que l'impatience passionnée de nos rencontres se disperse, s'étende sur ton vide et sur ta médiocrité, petite chambre!

      Tu as abrité des malheurs: tu leur as accordé le leurre du toit, le leurre de la sécurité, le droit de dormir et le droit d'avoir de la pudeur, tu leur as été indulgente en cachant leurs soucis et tu leur as été pénible en leur coûtant leur argent et, parfois, l'argent qu'ils n'avaient pas: tu n'es pas mon gîte à moi et tu n'es pas son gîte à elle: tu n'es même pas le gîte de notre amour, puisque notre amour emplit le monde et que, dans tous les palais et sur toutes les montagnes, il se déchire en petites prières et en jolis murmures, que les oiselles le passent au bec de leurs petits et que les chênes et les fantômes le chantent en leurs frissons, tu es le gîte de notre étreinte.

      Nous ne nous embrassons que chez toi, qu'en toi: sois fière, petite chambre.

      Tu boudes encore et la lumière de la lampe s'écarte de moi: je vais t'endormir avant de partir.

      Je vais te bercer, chambre si pauvre, comme on berce une princesse de soie et d'or, je vais te bercer d'un conte tout neuf, caressant comme les plus vieux contes et vrai comme une caresse: c'est le conte de notre amour.

      Mais tu es une vieille chambre pauvre: tu ne sortis jamais de chez toi: comment te dire les sites qui nous enchantèrent, qui nous attendrirent, qui nous fiancèrent?

      Tu ne sais pas ce que c'est que la mer—et la mer est dans notre amour, tu ne sais pas ce que c'est que le soleil—et le soleil luit en notre amour, tu ne sais pas ce que c'est que la lune et la lune argente, attiédit, enfièvre notre amour et les routes s'y suivent et s'y croisent, les arbres se penchent vers lui: tu ne sais pas ce qu'est un arbre.

      Suis-je bête! Tu as été un arbre et des arbres, tu as été des pierres, tu as été, chambre glacée, du soleil, de la lune, de la nature et de la mer: c'est par mer que, de très loin, les arbres raidis s'en viennent chercher des haches françaises: pardonne-moi: tu connais mieux la mer et le soleil que moi.

      Donc j'allai un jour dans une ville où vont les gens riches. Les gens riches! Tu en as peut-être aperçu un ou deux qui venaient perdre sur ta cheminée, non sans le faire remarquer, une, deux ou trois pièces de monnaie—ou qui réclamaient d'autres pièces de monnaie, de très haut, du haut de leur chapeau haut de forme. Et des commissaires de police, des huissiers sont peut-être venus ici, qui sont des gens riches.

      Des temps se relaient deux fois l'an où les gens riches veulent se mettre en contact avec le peuple et les choses. C'est le moment qu'ils choisissent pour s'avouer qu'ils ont besoin d'air, de vigueur, de fraîcheur et de chaleur et où ils partent en chercher où il y en a—sur le Baedecker.

      Ils ont à traverser des villes de province qui se ressemblent—car rien ne se ressemble comme les villes de province, mais ils les traversent vite, les brûlent, passent à côté, parce qu'ils sont dans des chemins de fer très rapides, qui leur cachent les choses monotones, la souffrance et la misère, qui ont hâte de les jeter dans de la beauté, comme ils jettent les pauvres gens dans les faubourgs gris et noirs, dans les chambres aussi sombres que toi, petite chambre, et dans ces endroits de repos que sont les prisons et les cimetières.

      Dès que les gens riches ont été jetés dans la beauté, sans brusquerie, avec leurs bagages et leurs domestiques, ils crient ou ne crient pas que c'est très cher, qu'on leur fait payer la chaleur et la fraîcheur et que l'existence est hors de prix.

      Ils happent la beauté goulûment sans y prendre garde—et n'admirent que pour admirer leur richesse et pour s'admirer.

      Mais vraiment, c'est beau.

      Lorsque le chemin de fer mène à cette ville, il se promène entre la mer et les montagnes et, par gentillesse, semble aller lentement, lentement—et il va si vite!—pour qu'on puisse se laisser charmer par le paysage.

      Et le paysage, la mer, les montagnes entrent dans les wagons, le ciel aussi—et quel ciel! les palmiers glissent le long des wagons et c'est un cortège naturel et extravagant: la mer qui est là, qui est partout, qui court après vous, qui vous cerne, qui vous lèche, s'obstine en sa complaisance, l'enchevêtrement harmonieux des palmiers, des oliviers, des arbres de joie et des fleurs touffues, des fleurs bleues, rouges, mauves, jaunes et vertes, les orangers qui se dressent et qui se penchent, les fleurs qui mangent les maisons, les pins-parasols qui se déploient, les fleurs encore, les fleurs toujours, roses et noires, jaunes et grises, les fleurs métalliques, les fleurs couleur de pierre et couleur d'enfer, les fleurs qui se tendent, qui s'offrent, qui repoussent sous le regard, les fleurs tyranniques, les arbres débonnaires, les maisons qui s'abritent des arbres et des fleurs et qui n'offensent ni les fleurs ni les arbres, les brèves montagnes qui se dentèlent devant d'autres montagnes plus hautes,—des montagnes de fond,—les golfes qui se dessinent et qui disparaissent pour reparaître, le ciel qui se tisse de même splendeur, toute cette orgie de grandeur, de nature, de facilité et de simplicité, vous poursuit, se presse autour de vous comme un chœur aimant, tout est sans bruyance, sans déclamation, tout chante en sourdine, tout est sans arrogance, tout semble vouloir faire plaisir, sans plus, et être comme le couloir sans limite, la route fleurie du paradis.

      Et la ville s'enferme de montagnes, de murailles, la ville, en son caprice, monte, descend, se déchire, s'étage, s'enfonce en des précipices pour s'envoler en une flore de sommets: on l'appelle Monte-Carlo.

      Les fleurs y jaillissent, énormes, s'y développent, s'y épanouissent, y éclatent de sève, de chaleur, de fraîcheur, les arbres s'y efforcent vers le ciel et c'est comme une musique intime, secrète des plantes et de la ville.

      Les arbres et les fleurs qui vous ont suivi jusque-là en chemin de fer s'arrêtent avec vous, entrent les uns dans les autres, se gonflent d'une vie intense, profonde, massive et comme obscure, et la mer qui a coulé jusque-là s'arrête aussi et gonfle la mer, en fait une masse électrique, qui s'étouffe de sa beauté.

      Les gens riches, petite chambre, ont de l'estime pour cette ville—parce qu'elle se coiffe d'une salle de jeu.

      C'est en cette ville que la nature, la splendeur et la douceur de la nature, se sont réfugiées; c'est en cette ville que le soleil s'essaie, l'hiver, qu'il languit, qu'il se reprend à sourire, qu'il baigne sa mélancolie, c'est sur cette ville que toutes les fleurs se penchent, qu'elles s'amoncèlent en des bouquets tout faits, en des forêts d'azur, de ténèbre, de rose et d'or; le ciel y est uni comme une prière, la mer, ah! la mer, je ne pourrais te la décrire, tant elle est majestueuse, lourde de tendresse et de ferveur, lente, attirante, absorbante, à la fois câline et dédaigneuse, tant elle est la mer des contes de fées qu'on se rappelle la nuit et des Mille et une Nuits qu'on scande le soir, tant elle est la mer d'Orient, la mer des nostalgies; elle est belle à ne pas oser la couper d'une rame ou d'un éperon de vaisseau, eh bien! les gens riches ont de l'estime pour cette ville parce que, au-dessus de la mer, en bordure des fleurs, défiant le ciel de deux mâts de cocagne, une salle de jeu s'étend, se vautre,—qui leur coûte cher.

      J'entrai dans cette salle de jeu.

      Rien n'est plaisant comme de jeter—volontairement—quelque argent aux gens riches comme à des fauves.

      Des tables sont là, creusées d'un trou où une bille roule, guettant un trou plus petit—et où l'on peut sans danger oublier des pièces de monnaie.

      Des êtres sont assis, sont tapis le long de la table—et des êtres sont debout derrière, et, au milieu de la salle, des êtres s'attardent à défaillir et à rester hagards, n'ayant plus de quoi s'asseoir, n'ayant plus de quoi se tenir debout, n'ayant plus de quoi regarder.

      Et malheur à l'argent qui tombe sur ces tables! Ce


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