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Les voyageurs du XIXe siècle. Jules VerneЧитать онлайн книгу.

Les voyageurs du XIXe siècle - Jules Verne


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déchiffrement des inscriptions cunéiformes n'avait pas encore été accompli—pour qu'on pût juger de sa ressemblance avec l'idiome que parlent les Ossètes.

      «Cependant, continue Klaproth, après avoir retrouvé dans ce peuple les Sarmates Mèdes des anciens, il est encore plus surprenant d'y reconnaître aussi les Alains qui occupaient la contrée au nord du Caucase.»

      Et plus loin:

      «Il résulte évidemment de tout ce qui précède, que les Ossètes, qui se nomment eux-mêmes Iron, sont les Mèdes, qui se donnaient à eux-mêmes le nom d'Iran et qu'Hérodote désigne par celui d'Arioi. Ils sont encore les Mèdes Sarmates des anciens et appartiennent à la colonie médique établie dans le Caucase par les Scythes. Ils sont les As ou Alains du moyen âge; ils sont enfin les Iasses des chroniques russes, d'après lesquelles une partie des monts Caucase fut nommée les monts Iassiques.»

      Ce n'est pas ici le lieu de discuter ces identifications, qui prêtent à la critique. Contentons-nous d'ajouter cette réflexion de Klaproth sur la langue Ossète, que sa prononciation ressemble beaucoup à celle des dialectes bas-allemands et slaves.

      Quant aux Géorgiens, ils diffèrent essentiellement des nations voisines, aussi bien par la langue que par les qualités physiques et morales. Ils se partagent en quatre tribus principales, les Karthouli, les Mingréliens, les Souanes, habitants des Alpes méridionales du Caucase, et les Lazes, tribu sauvage et adonnée au brigandage.

      Comme on le voit, les informations recueillies par Klaproth sont fort curieuses et jettent un jour inattendu sur les migrations des anciens peuples. La pénétration et la sagacité du voyageur étaient extraordinaires, sa mémoire prodigieuse. Aussi le savant Berlinois rendit-il de signalés services à la linguistique. Il est fâcheux que les qualités de l'homme, sa délicatesse, la douceur de son caractère, n'aient pas été à la hauteur de la science et de la perspicacité du professeur.

      Il faut maintenant quitter l'ancien monde pour le nouveau et raconter les explorations de la jeune république des États-Unis.

      Dès que le gouvernement fédéral fut sorti des embarras de la guerre, dès que son existence fut reconnue et qu'il fut véritablement constitué, l'attention publique se porta vers ces pays des fourrures qui avaient tour à tour attiré les Anglais, les Espagnols et les Français. La baie de Nootka et les côtes voisines, que le grand Cook et les habiles Quadra, Vancouver et Marchand avaient reconnues, étaient américaines. Déjà même la doctrine Monroë, qui devait plus tard faire tant de bruit, était en germe dans l'esprit des hommes d'État de cette époque.

      Sur une proposition faite au Congrès, le capitaine Meryweather Lewis et le lieutenant William Clarke furent chargés de reconnaître le Missouri depuis son embouchure dans le Mississipi jusqu'à sa source, de traverser les montagnes Rocheuses par le passage le plus court et le plus facile, qui mettrait en communication le golfe du Mexique et l'océan Pacifique. Ces officiers devaient en outre entrer en relations commerciales avec les Indiens qu'ils pourraient rencontrer.

      L'expédition se composait de troupes réglées et de volontaires, dont le nombre, y compris les chefs, formait un total de quarante-trois hommes. Un bateau et deux pirogues complétaient leur armement.

      Ce fut le 14 mai 1804 que les Américains quittèrent la Wood-river, qui se jette dans le Mississipi, pour entrer dans le Missouri. D'après les réflexions insérées dans le journal publié par Gass, les membres de cette mission s'attendaient à rencontrer les plus grands périls naturels, et à lutter contre des sauvages d'une stature gigantesque, dont l'acharnement contre la race blanche était invincible.

      Pendant les premiers jours de cet immense voyage en canot, qui n'avait jusqu'alors de comparable que ceux d'Orellana et de La Condamine sur l'Amazone, les Américains eurent la bonne fortune de rencontrer, avec quelques Sioux, un vieux Français, un de ces coureurs des bois canadiens, qui, parlant la langue de la plupart des nations voisines du Missouri, consentit à les accompagner comme interprète.

      Successivement, ils passèrent les confluents de l'Osage, du Kansas, de la Plate ou Shallow-river et de la rivière Blanche. Ils avaient rencontré de nombreux partis d'Indiens, Osages, Sioux ou Mahas, qui tous leur semblèrent dans un état de décadence complet. De ces derniers, même, une tribu avait tellement souffert de la petite vérole, que les survivants, pris d'une sorte de rage et comme frappés de folie, avaient tué leurs femmes, leurs enfants épargnés par la maladie, et s'étaient enfuis de ce territoire empesté.

      Ce furent, un peu plus loin, les Ricaris ou Rees, considérés d'abord comme les plus probes, les plus affables et les plus industrieux qu'on eût rencontrés. Quelques vols vinrent bientôt affaiblir l'idée favorable qu'on s'était faite de leur caractère. Chose singulière, cette population n'était pas exclusivement adonnée à la chasse; elle cultivait du blé, des pois et du tabac.

      Il n'en était pas de même des Mandans, plus fortement constitués que leurs congénères. On trouve chez eux une coutume singulière de la Polynésie, celle de ne pas enterrer les morts, mais de les exposer sur un échafaud.

      La relation de Clarke nous fournit quelques détails sur cette tribu curieuse. Les Mandans n'ont vu dans l'Être divin que le pouvoir de guérir. Ils reconnaissaient, en conséquence, deux divinités, qu'ils appellent le Grand Médecin et le Génie. Faut-il croire que pour eux la vie est d'une telle importance, qu'ils adorent tout ce qui peut la prolonger?

      Leur origine ne serait pas moins singulière. Ils habitaient originairement un grand village souterrain, creusé sous le sol, au bord d'un lac. Mais, une vigne ayant poussé ses racines assez profondément pour arriver jusqu'à eux, quelques-uns des Mandans, en se servant de cette échelle improvisée, parvinrent jusqu'à la surface du sol. Sur la description enthousiaste qu'ils rapportèrent de l'abondance des territoires de chasse, de la quantité du gibier et des fruits, la nation, séduite, résolut aussitôt de gagner un territoire si favorisé. Déjà la moitié de la tribu était arrivée à la surface du sol, lorsque la vigne, pliant sous le poids d'une grosse femme, céda et rendit impossible l'ascension du reste des Mandans. Après la vie, ils s'attendent à retourner dans leur ancienne patrie souterraine; mais ne pourront y pénétrer que ceux dont la conscience sera nette; les autres seront précipités dans un lac immense.

      C'est chez cette peuplade que, le 1er novembre, les explorateurs prirent leurs quartiers d'hiver. Ils se construisirent des cabanes aussi confortables que le permettaient les moyens dont ils disposaient, et se livrèrent presque tout l'hiver, malgré une température assez rigoureuse, au plaisir de la chasse, qui n'avait pas tardé à devenir pour eux une nécessité.

      Dès que le Missouri fut dégelé, les explorateurs songèrent à continuer leur voyage. Mais, comme ils expédiaient à Saint-Louis le bateau avec une quantité de peaux et de fourrures qu'ils avaient pu réunir, ils ne se trouvèrent plus que trente hommes déterminés, prêts à tout supporter pour atteindre le but.

      Les voyageurs ne tardèrent pas à dépasser l'embouchure de la Yellow-stone (rivière de la pierre jaune), presque aussi forte que le Missouri, et les terrains giboyeux qui la bordent.

      

      Carte du Missouri.

      Le détachement suivit donc cette branche, profondément enfoncée au milieu des montagnes, et qui, sur un parcours de trois ou quatre milles, se précipite entre deux murailles perpendiculaires de rochers. Le courant se divisait enfin en trois branches, qui reçurent les noms de Jefferson, Madison et Gallatin,


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