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Les Rejetés. Owen JonesЧитать онлайн книгу.

Les Rejetés - Owen Jones


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Oui, je me doute qu’il n’est pas en train de tenir compagnie à ses chèvres ! »

      Elle souleva la moustiquaire et s’assit près de la tête de son neveu, sur le sol de bois. Elle inspecta d’abord sa peau, puis ses cheveux, ses lèvres, et ouvrit pour finir ses yeux et y plongea son regard.

      « Mmm, je vois… Montrez-moi ses pieds ! »

      Wan se dépêcha de découvrir les pieds de son époux, et Da se pencha sur ces derniers et les serra dans ses mains en les observant de près.

      « Mmm. Je n’ai jamais vu un cas aussi sérieux d’absence de substance dans le sang. Est-ce que j’ai la permission de dire à tes enfants quoi faire pendant un moment ? Parfait. Je serai bientôt de retour. Relève la tête de ton mari avec quelques coussins. Je vais dire à Din de t’aider pendant que Den m’aidera moi.

      — Oui, chère Tante, bien sûr. Tout pour aider mon cher Heng.

      — Bien. Voyons ce qu’on peut faire, d’accord ? »

      Sur ces mots, elle se remit debout et se rendit au rez-de-chaussée.

      « Din, va aider ta mère. Den, tu viens avec moi. Nous devons agir rapidement et avec précision.

      Din disparut en un battement de cils et Den s’enquit de ce qu’il pouvait faire.

      — Va me trouver votre coq le plus robuste ! Vite, mon garçon ! »

      Lorsqu’il revint avec la volaille sous le bras, Da la lui prit.

      — Maintenant, attache votre bouc le plus costaud à un poteau, si serré qu’il ne pourra absolument pas bouger – peu importe s’il est debout ou assis. »

      Alors que Den repartait, Da monta sur le bord de la table, égorgea le coq, l’exsanguina au-dessus d’un bol, puis jeta son corps sans vie dans une corbeille à légumes posée là avant d’à nouveau se rendre à l’étage.

      « Din, dit-elle en arrivant dans la chambre. Est-ce que vous avez du lait de chèvre ou d’une quelconque sorte au réfrigérateur ? Si non, prends une cruche et va s’il te plaît en chercher du frais, ma fille. »

      Elle n’eut pas besoin de lui dire de se dépêcher ; elle était déjà partie.

      « Bien. Wan, est-il réveillé ?

      — Pas vraiment, chère Tante. À moitié.

      — D’accord. Pince son nez pendant que je lui fais avaler ce sang. »

      Elle serra sa mâchoire fermée avec son pouce et son majeur afin de l’ouvrir, pencha sa tête vers l’arrière, et déversa quelques gorgées du sang de poulet dans sa bouche. À la manière dont il toussota comme une voiture à essence dans laquelle on aurait versé du gasoil, Da supposa qu’environ la moitié en était descendue par la bonne voie.

      Heng ouvrit légèrement les yeux.

      « Qu’est-ce que vous me faites, bande de sorcières ? murmura-t-il. C’est horrible !

      — Ah, c’est bien ce que je pensais, dit Da en lui en faisant avaler encore un peu plus. C’est trop riche. Il va falloir l’y habituer progressivement. »

      Din reparut et annonça : « Du lait frais, directement depuis les pis de Fleur, notre meilleure chèvre. »

      Da le lui prit, le mélangea à parts égales avec le reste du sang, et fit avaler la mixture à Heng de la même manière que précédemment et avec le même résultat, quoi qu’avec un peu plus de résistance.

      « Regardez ! s’exclama-t-elle. Il commence déjà à regagner des forces ! Heng essaye de nous résister ; il lutte. Tout n’est peut-être pas encore perdu ! Bien ! Wan, continue à lui administrer le lait, mais gardes-en la moitié. Je reviens d’ici quelques minutes. »

      Elle descendit et appela Den.

      « Le bouc est prêt ?

      — Oui, Tantine. Il est là.

      — Parfait. Viens avec moi. »

      Da pratiqua une incision au niveau de la jugulaire du bouc avec son canif aiguisé et préleva quelques centaines de millilitres de sang.

      « Tu as bien vu comment j’ai fait ça, mon garçon ? Essaye de t’en souvenir, car je pense que vous allez devoir le faire tous les jours à partir de maintenant. »

      Ils regagnèrent tous deux la chambre et furent surpris de trouver Heng en conversation avec son épouse et sa fille, comme un patient d’hôpital après une anesthésie générale – groggy, faible, hésitant, mais cohérent.

      Da mélangea la moitié du sang de bouc avec le lait restant, mais lui en donna d’abord un peu de non coupé à essayer.

      « Oh, Tantine, c’est dégoûtant ! Oh, bon sang…

      — Essaye ça alors, lui dit-elle en lui tendant un verre rempli d’un liquide rosâtre.

      — Oui… C’est pas mal… Qu’est-ce que c’est ? Je sens que ça me fait déjà du bien.

      Heng but le contenu du verre avec avidité.

      — C’est un, euh, milkshake aux herbes… C’est bon, non ?

      — Oh oui, Tantine, délicieux… Très rafraîchissant. Tu en as encore ? »

      Wan consulta la vieille Chamane du regard, et celle-ci acquiesça. Wan prépara alors un nouveau verre et aida son époux à le boire.

      « Oh, que je suis contente, Heng, dit Da. Je pense que nous avons trouvé, avec ce milkshake, la solution à tes soucis, même si je pense qu’il y a encore de la marge pour quelques améliorations. Peut-être d’autres ingrédients, histoire d’en changer le goût de temps à autre, pour que tu ne t’en lasses pas.

      — Oui, Tantine. Je savais que tu me sauverais la mise.

      — Je ferais tout pour ma famille. Je suis ravie d’avoir pu t’aider », répondit-elle en lui offrant un sourire rare, mais chaleureux et sincère.

      Elle mélangea le reste du sang et du lait avec quelques herbes pour obtenir environ un demi-litre de milkshake, puis déclara :

      « Heng, je pense qu’il est nécessaire que tu te reposes maintenant. Tiens, voilà un peu plus de milkshake pour plus tard, et je vais montrer à ta famille comment en préparer au rez-de-chaussée, d’accord ? Ménage-toi. Appelle-moi si tu as besoin de mon aide. Je te dis au revoir pour le moment, et je te souhaite un bon rétablissement. »

      Une fois tout le monde confortablement installé sur la grande table du jardin avec des rafraîchissements constitués de fruits frais et d’eau froide distribués par Wan, Da prit la parole.

      « Comme je l’ai dit auparavant, je n’ai encore jamais vu un cas aussi extrême que celui-ci, mais on dirait bien que mon expérience et les conseils des esprits m’ont menée vers la bonne solution. Toutefois, nous n’avons pour le moment utilisé que des « ressources d’urgence », pour ainsi dire. Soyons honnêtes ; nous avons donné à Heng le sang d’animaux qui ne s’alimentent pas comme les humains. Une meilleure correspondance vaudrait mieux pour lui. Nous savons bien sûr que tout le monde ne mange pas forcément ce qu’on devrait manger chaque jour, aussi pouvons-nous supposer que Heng n’aura pas besoin de le faire non plus, mais si nous ne lui donnons que du sang de poulet, quelque chose lui manquera, et seul le « poulet » en lui sera satisfait. La même chose vaut pour le sang de bouc, car l’herbe ne suffit pas aux humains sur le long terme.

      — Qu’est-ce que tu es en train de dire, Tante Da ? demanda Den. Qu’on doit lui trouver du sang de singe ?

      — C’est dans les eaux de ce que je suis en train de dire, oui, Den. Mais les singes ne mangent pas exactement ce que nous mangeons, n’est-ce pas ?

      Elle laissa à ses mots le temps d’être assimilés.


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