Les Rejetés. Owen JonesЧитать онлайн книгу.
devoir lui donner de larges quantités de sang de différentes espèces animales pour que cela équivaille à un régime humain. Les porcs mangent par exemple beaucoup de choses que nous mangeons aussi, mais pas autant de fruits et, naturellement, pas de porc. Je suppose que vous pourrez mettre quelques « donneurs porcins » de côté pour Heng et les nourrir de manière à produire le sang approprié, que vous pourrez compléter avec celui d’autres animaux. Cependant, comme je l’ai déjà dit, cela représentera beaucoup d’effort. Vous pourriez concocter un cocktail de sang de poulet, de bouc, de cochon, de chien, et de chat, et garder le tout au réfrigérateur, mais personne n’a jamais fait ça à ma connaissance… Les résultats seraient, au mieux, imprévisibles. La meilleure solution est aussi évidente que le nez au milieu de vos figures, et c’est le sang humain. Nous avons consulté les échantillons donnés par ton père au moins sept heures en avance, et la conclusion était pourtant déjà claire. Il n’a pas de sang ! Rien du tout ! Pas une seule goutte. Je vais vous montrer. »
Da fouilla dans son sac à bandoulière et en ressortit la mousse enveloppée dans de la feuille de bananier.
« Voici l’échantillon d’urine de ton père. Regardez. »
Elle y mit le feu.
« Le feu a du mal à prendre en raison de l’humidité, mais vous pouvez voir qu’il n’y a aucune couleur dans les flammes, car aucune vitamine ni aucun minéral n’est brûlé, ce qui signifie qu’ils sont absents du sang. Il n’y a que de l’eau dans ses veines, même si elle est encore rougeâtre. Nous pourrions pratiquer une saignée légère plus tard pour le confirmer, si vous voulez. S’il avait encore du vrai sang, la mousse serait déjà desséchée maintenant, et le feu présenterait des couleurs. La même chose vaut pour la pierre. Regardez ! Heng a craché ici, mais il n’y a aucun cercle prouvant la présence de minéraux. Encore une fois, juste de l’eau. Ton père n’a plus de sang. Plus une seule goutte !
— C’est si terrible que ça, Tante Chamane ? demanda Den.
— Terrible ? Terrible ? Mon garçon, on ne peut pas vivre sans sang ! Je t’aime énormément, Den, mais tu peux vraiment être bête parfois. Je suppose que tu n’as que le sexe à l’esprit, comme tous les garçons de ton âge ! Par ailleurs, tu peux te contenter de m’appeler « Tantine » en dehors du sanctuaire. Votre père est devenu un vampire… Est-ce qu’il a essayé de mordre l’un de vous récemment ?
— Non, Tantine, mais il a peut-être mordu des chèvres. On en saurait rien, répondit Den.
— Oh, c’est sérieux ; vraiment très sérieux. J’ai déjà entendu parler de tels cas, mais je n’en ai jamais vu un de mes propres yeux malgré ma… ma… euh, vaste expérience.
— Ouah, dit Den. Papa est devenu un Pee Pob ; un vampire ? Attendez un peu que je dise ça à mes amis ! Heng le Pee Pob ! Fantastique !
— Est-ce qu’il va bientôt mourir ? demanda Din.
— Nous essayons de le sauver, Din. On va faire de notre mieux, mais cela veut aussi dire que vous ne pouvez en parler à personne. Tu as compris, Den ? Personne ; absolument personne, grand niais ! Tu es certaine que ce garçon est un Lee, Wan ? » dit-elle en jetant un regard accusateur à l’interrogée, qui le lui rendit avec autant d’irrespect qu’elle pouvait y mettre envers une vieille dame qui venait de sauver la vie de son époux mourant.
« Voici donc vos options. Au final, la décision vous appartient à tous les quatre, puisque vous allez devoir vous charger de lui procurer son « remède », qu’il devra prendre jusqu’à la fin de sa vie, son état ne pouvant être guéri. »
Da s’autorisa à se laisser aller contre l’un des piliers de support de l’abri et ferma les yeux comme si elle venait de terminer une session de lecture. Toute la famille présente la fixa, puis ils se regardèrent entre eux, se demandant comment ils allaient réussir à se sortir de cette situation.
La Chamane semblant désormais être en trance ou endormie, les trois autres se mirent à débattre de ce qu’ils allaient faire entre eux.
« Bon, commença Wan. On ne peut pas prendre le sang des gens du coin, non ? La plupart d’entre eux ne nous offriraient même pas la peau de la surface d’un riz au lait froid, alors ne parlons même pas d’une pinte de sang, et nous n’avons pas les moyens de leur acheter non plus.
— On pourrait kidnapper des touristes, drainer leur sang, et le stocker dans des bouteilles au réfrigérateur, suggéra Den.
— Il n’y a pas beaucoup de touristes qui visitent la région, non, Den ? releva sa mère en faisant claquer sa langue.
— On peut toujours essayer le cocktail de différents sangs d’animaux et chacun donner un demi-litre de notre propre sang chaque mois, proposa Din.
— Mmm. Je ne sais pas combien de sang une personne peut donner par an, mais six litres, ça me semble être beaucoup. La pensée était bonne ceci dit, ma chérie. Peut-être que des membres plus éloignés de la famille seraient prêts à lui donner du sang de temps à autre ? Votre père est assez aimé dans le coin…
— On pourrait demander à acheter tout le sang de personnes mourantes, ajouta Den.
— Il faudrait leur prendre avant qu’elles meurent, je pense, mon chéri. Autrement, le cœur sera à l’arrêt et on ne pourra pas le faire sortir.
— On pourrait les suspendre par les pieds et planter un robinet dans leur gorge… ou leur cœur… ou les deux ?
— Donc tu proposes que, quand la chère vieille mère de quelqu’un mourra, on se pointe alors que tout le monde est encore en train de pleurer pour la récupérer avant qu’elle soit froide et qu’on demande si l’on peut la suspendre par les pieds et récolter son sang dans un seau pour que ton père puisse le boire, hein ? Tu crois que ça se passerait bien ?
— On pourra demander à en prendre juste un peu avant alors…
— Ne pense même pas à proposer une chose aussi vile et stupide !
— Et des bébés ? … Peut-être pas, hein ? dit Den, avant de faire silence, toutes ses propositions ayant été rejetées jusqu’à présent.
— Résumons : soit nous collectons le sang de membres de la famille, soit nous faisons un cocktail de sang d’animaux, et nous ne sommes pas sûrs qu’une de ces solutions fonctionnera effectivement. Autre chose ?
— On pourrait… En fait, non… commença Den.
— Allez, crache le morceau, qu’il soit stupide ou non, réagit sa mère. Nous sommes désespérés et il faut que nous prenions chaque option en compte.
— Je me disais que je pourrais devenir musulman… Comme ça, je pourrais épouser quatre femmes, et ça nous ferait quatre donneuses de plus… Si, en plus, elles reçoivent chacune, disons, quatre enfants, on aurait encore seize donneurs de plus et…
— OK, Den, merci bien ! Maintenant, je regrette d’avoir demandé. Tu vas bientôt nous proposer que ta sœur fasse le tapin et demande deux pintes de sang comme paiement ! »
Din rougit intensément rien que d’y penser et fut choquée que sa mère eût même pu dire une telle chose, tandis que Den opinait du chef, visiblement en train de réfléchir à l’idée, jusqu’à ce que Wan lui mît un coup de pied.
« D’autant que je puisse en juger, nous avons même deux problèmes de plus dont nous n’avons pas encore parlé, nota Din. Tante Da a dit que Papa doit approuver notre plan, car c’est lui qui devra boire le liquide après tout, et nous avons besoin de quelque chose pour demain.
— On peut peut-être faire du milkshake de sang de bouc pour demain, comme ton père semble préférer ça au sang de poulet, mais tu as raison ; nous devrons très vite trouver une solution plus permanente. On pourra demander des idées à Tante Da plus tard. Concernant ton père, il n’aura qu’à manger ce qu’on