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Les confessions. Jean-Jacques RousseauЧитать онлайн книгу.

Les confessions - Jean-Jacques Rousseau


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sans résistance; nous cédons à des tentations légères dont nous méprisons le danger. Insensiblement nous tombons dans des situations périlleuses, dont nous pouvions aisément nous garantir, mais dont nous ne pouvons plus nous tirer sans des efforts héroïques qui nous effrayent, et nous tombons enfin dans l’abîme en disant à Dieu: «Pourquoi m’as-tu fait si faible?» Mais malgré nous il répond à nos consciences: «Je t’ai fait trop faible pour sortir du gouffre, parce que je t’ai fait assez fort pour n’y pas tomber».

      Je ne pris pas précisément la résolution de me faire catholique; mais, voyant le terme encore éloigné, je pris le temps de m’apprivoiser à cette idée, et en attendant je me figurais quelque événement imprévu qui me tirerait d’embarras. Je résolus, pour gagner du temps, de faire la plus belle défense qu’il me serait possible. Bientôt ma vanité me dispensa de songer à ma résolution, et dès que je m’aperçus que j’embarrassais quelquefois ceux qui voulaient m’instruire, il ne m’en fallut pas davantage pour chercher à les terrasser tout à fait. Je mis même à cette entreprise un zèle bien ridicule; car tandis qu’ils travaillaient sur moi, je voulus travailler sur eux. Je croyais bonnement qu’il ne fallait que les convaincre pour les engager à se faire protestants.

      Ils ne trouvèrent donc pas en moi tout à fait autant de facilité qu’ils en attendaient, ni du côté des lumières ni du côté de la volonté. Les protestants sont généralement mieux instruits que les catholiques. Cela doit être: la doctrine des uns exige la discussion, celle des autres la soumission. Le catholique doit adopter la décision qu’on lui donne; le protestant doit apprendre à se décider. On savait cela; mais on n’attendait ni de mon état ni de mon âge de grandes difficultés pour des gens exercés. D’ailleurs je n’avais point fait encore ma première communion ni reçu les instructions qui s’y rapportent: on le savait encore, mais on ne savait pas qu’en revanche j’avais été bien instruit chez M. Lambercier, et que de plus j’avais par-devers moi un petit magasin fort incommode à ces messieurs, dans l’Histoire de l’Église et de l’Empire, que j’avais apprise presque par cœur chez mon père, et depuis à peu près oubliée, mais qui me revint à mesure que la dispute s’échauffait.

      Un vieux prêtre, petit, mais assez vénérable, nous fit en commun la première conférence. Cette conférence était pour mes camarades un catéchisme plutôt qu’une controverse, et il avait plus à faire à les instruire qu’à résoudre leurs objections. Il n’en fut pas de même avec moi. Quand mon tour vint, je l’arrêtai surtout; je ne lui sauvai pas une des difficultés que je pus lui faire. Cela rendit la conférence fort longue et fort ennuyeuse pour les assistants. Mon vieux prêtre parlait beaucoup, s’échauffait, battait la campagne, et se tirait d’affaire en disant qu’il n’entendait pas bien le français. Le lendemain, de peur que mes indiscrètes objections ne scandalisassent mes camarades, on me mit à part dans une autre chambre avec un autre prêtre, plus jeune, beau parleur, c’est-à-dire faiseur de longues phrases, et content de lui si jamais docteur le fut. Je ne me laissai pourtant pas trop subjuguer à sa mine imposante, et, sentant qu’après tout je faisais ma tâche, je me mis à lui répondre avec assez d’assurance et à le bourrer par-ci par-là du mieux que je pus. Il croyait m’assommer avec saint Augustin, saint Grégoire et les autres Pères, et il trouvait, avec une surprise incroyable, que je maniais tous ces Pères-là presque aussi légèrement que lui: ce n’était pas que je les eusse jamais lus, ni lui peut-être; mais j’en avais retenu beaucoup de passages tirés de mon Le Sueur; et sitôt qu’il m’en citait un, sans disputer sur sa citation, je lui ripostais par une autre du même Père, et qui souvent l’embarrassait beaucoup. Il l’emportait pourtant à la fin par deux raisons: l’une, qu’il était le plus fort, et que, me sentant pour ainsi dire à sa merci, je jugeais très bien, quelque jeune que je fusse, qu’il ne fallait pas le pousser à bout; car je voyais assez que le vieux petit prêtre n’avait pris en amitié ni mon érudition ni moi; l’autre raison était que le jeune avait de l’étude, et que je n’en avais point. Cela faisait qu’il mettait dans sa manière d’argumenter une méthode que je ne pouvais pas suivre, et que, sitôt qu’il se sentait pressé d’une objection imprévue, il la remettait au lendemain, disant que je sortais du sujet présent. Il rejetait même quelquefois toutes mes citations, soutenant qu’elles étaient fausses, et, s’offrant à m’aller chercher le livre, me défiait de les y trouver. Il sentait qu’il ne risquait pas grand-chose, et qu’avec toute mon érudition d’emprunt j’étais trop peu exercé à manier les livres, et trop peu latiniste pour trouver un passage dans un gros volume, quand même je serais assuré qu’il y est. Je le soupçonne même d’avoir usé de l’infidélité dont il accusait les ministres, et d’avoir fabriqué quelquefois des passages pour se tirer d’une objection qui l’incommodait.

      Tandis que duraient ces petites ergoteries, et que les jours se passaient à disputer, à marmotter des prières et à faire le vaurien, il m’arriva une petite vilaine aventure assez dégoûtante, et qui faillit même à finir fort mal pour moi.

      Il n’y a point d’âme si vile et de cœur si barbare qui ne soit susceptible de quelque sorte d’attachement. L’un de ces deux bandits qui se disaient Maures me prit en affection. Il m’accostait volontiers, causait avec moi dans son baragouin franc, me rendait de petits services, me faisait part quelquefois de sa portion à table, et me donnait surtout de fréquents baisers avec une ardeur qui m’était fort incommode. Quelque effroi que j’eusse naturellement de ce visage de pain d’épice, orné d’une longue balafre, et de ce regard allumé qui semblait plutôt furieux que tendre, j’endurais ces baisers en me disant en moi-même: le pauvre homme a conçu pour moi une amitié bien vive; j’aurais tort de le rebuter. Il passait par degrés à des manières plus libres, et me tenait de si singuliers propos, que je croyais quelquefois que la tête lui avait tourné. Un soir, il voulut venir coucher avec moi; je m’y opposai, disant que mon lit était trop petit. Il me pressa d’aller dans le sien; je le refusai encore; car ce misérable était si malpropre et puait si fort le tabac mâché, qu’il me faisait mal au cœur.

      Le lendemain, d’assez bon matin, nous étions tous deux seuls dans la salle d’assemblée: il recommença ses caresses, mais avec des mouvements si violents qu’il en était effrayant. Enfin, il voulut passer par degrés aux privautés les plus malpropres et me forcer, en disposant de ma main, d’en faire autant. Je me dégageai impétueusement en poussant un cri et faisant un saut en arrière, et, sans marquer ni indignation ni colère, car je n’avais pas la moindre idée de ce dont il s’agissait, j’exprimai ma surprise et mon dégoût avec tant d’énergie, qu’il me laissa là: mais tandis qu’il achevait de se démener, je vis partir vers la cheminée et tomber à terre je ne sais quoi de gluant et de blanchâtre qui me fit soulever le cœur. Je m’élançai sur le balcon, plus ému, plus troublé, plus effrayé même que je ne l’avais été de ma vie, et prêt à me trouver mal.

      Je ne pouvais comprendre ce qu’avait ce malheureux; je le crus saisi du haut mal, ou de quelque frénésie encore plus terrible, et véritablement je ne sache rien de plus hideux à voir pour quelqu’un de sang-froid que cet obscène et sale maintien, et ce visage affreux enflammé de la plus brutale concupiscence. Je n’ai jamais vu d’autre homme en pareil état; mais si nous sommes ainsi dans nos transports près des femmes, il faut qu’elles aient les yeux bien fascinés pour ne pas nous prendre en horreur.

      Je n’eus rien de plus pressé que d’aller conter à tout le monde ce qui venait de m’arriver. Notre vieille intendante me dit de me taire, mais je vis que cette histoire l’avait fort affectée, et je l’entendais grommeler entre ses dents: Can maledet! brutta bestia! Comme je ne comprenais pas pourquoi je devais me taire, j’allai toujours mon train, malgré la défense, et je bavardai si bien que le lendemain un des administrateurs vint de bon matin m’adresser une assez vive mercuriale, m’accusant de faire beaucoup de bruit pour peu de mal et de commettre l’honneur d’une maison sainte.

      Il prolongea sa censure en m’expliquant beaucoup de choses que j’ignorais, mais qu’il ne croyait pas m’apprendre, persuadé que je m’étais défendu sachant ce qu’on me voulait, et n’y voulant pas consentir. Il me dit gravement que c’était une œuvre défendue, ainsi que la paillardise, mais dont au reste l’intention


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