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Les confessions. Jean-Jacques RousseauЧитать онлайн книгу.

Les confessions - Jean-Jacques Rousseau


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crainte était vaine, et qu’il ne fallait pas s’alarmer de rien.

      J’écoutais cet infâme avec un étonnement d’autant plus grand qu’il ne parlait point pour lui-même; il semblait ne m’instruire que pour mon bien. Son discours lui paraissait si simple, qu’il n’avait pas même cherché le secret du tête-à-tête; et nous avions en tiers un ecclésiastique que tout cela n’effarouchait pas plus que lui. Cet air naturel m’en imposa tellement, que j’en vins à croire que c’était sans doute un usage admis dans le monde, et dont je n’avais pas eu plus tôt occasion d’être instruit. Cela fit que je l’écoutai sans colère, mais non sans dégoût. L’image de ce qui m’était arrivé, mais surtout de ce que j’avais vu, restait si fortement empreinte dans ma mémoire, qu’en y pensant, le cœur me soulevait encore. Sans que j’en susse davantage, l’aversion de la chose s’étendit à l’apologiste, et je ne pus me contraindre assez pour qu’il ne vît pas le mauvais effet de ses leçons. Il me lança un regard peu caressant, et dès lors il n’épargna rien pour me rendre le séjour de l’hospice désagréable. Il y parvint si bien que, n’apercevant pour en sortir qu’une seule voie, je m’empressai de la prendre, autant que jusque-là je m’étais efforcé de l’éloigner.

      Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises des chevaliers de la manchette, et la vue des gens qui passaient pour en être, me rappelant l’air et les gestes de mon effroyable Maure, m’a toujours inspiré tant d’horreur que j’avais peine à le cacher. Au contraire, les femmes gagnèrent beaucoup dans mon esprit à cette comparaison: il me semblait que je leur devais en tendresse de sentiments, en hommage de ma personne, la réparation des offenses de mon sexe, et la plus laide guenon devenait à mes yeux un objet adorable, par le souvenir de ce faux Africain.

      Pour lui, je ne sais ce qu’on put lui dire; il ne me parut pas que, excepté la dame Lorenza, personne le vît de plus mauvais œil qu’auparavant. Cependant il ne m’accosta ni ne me parla plus. Huit jours après, il fut baptisé en grande cérémonie, et habillé de blanc de la tête aux pieds, pour représenter la candeur de son âme régénérée. Le lendemain il sortit de l’hospice et je ne l’ai jamais revu.

      Mon tour vint un mois après; car il fallut tout ce temps-là pour donner à mes directeurs l’honneur d’une conversion difficile, et l’on me fit passer en revue tous les dogmes pour triompher de ma nouvelle docilité.

      Enfin, suffisamment instruit et suffisamment disposé au gré de mes maîtres, je fus mené processionnellement à l’église métropolitaine de Saint-Jean pour y faire une abjuration solennelle, et recevoir les accessoires du baptême, quoiqu’on ne me baptisât pas réellement: mais comme ce sont à peu près les mêmes cérémonies, cela sert à persuader au peuple que les protestants ne sont pas chrétiens. J’étais revêtu d’une certaine robe grise, garnie de brandebourgs blancs, et destinée pour ces sortes d’occasions. Deux hommes portaient, devant et derrière moi, des bassins de cuivre, sur lesquels ils frappaient avec une clef, et où chacun mettait son aumône, au gré de sa dévotion ou de l’intérêt qu’il prenait au nouveau converti. Enfin, rien du faste catholique ne fut omis pour rendre la solennité plus édifiante pour le public, et plus humiliante pour moi. Il n’y eut que l’habit blanc, qui m’eût été fort utile, et qu’on ne me donna pas comme au Maure, attendu que je n’avais pas l’honneur d’être juif.

      Ce ne fut pas tout. Il fallut ensuite aller à l’Inquisition recevoir l’absolution du crime d’hérésie, et rentrer dans le sein de l’Église avec la même cérémonie à laquelle Henri IV fut soumis par son ambassadeur. L’air et les manières du très révérend père inquisiteur n’étaient pas propres à dissiper la terreur secrète qui m’avait saisi en entrant dans cette maison. Après plusieurs questions sur ma foi, sur mon état, sur ma famille, il me demanda brusquement si ma mère était damnée. L’effroi me fit réprimer le premier mouvement de mon indignation; je me contentai de répondre que je voulais espérer qu’elle ne l’était pas, et que Dieu avait pu l’éclairer à sa dernière heure. Le moine se tut, mais il fit une grimace qui ne me parut point du tout un signe d’approbation.

      Tout cela fait, au moment où je pensais être enfin placé selon mes espérances, on me mit à la porte avec un peu plus de vingt francs en petite monnaie qu’avait produits ma quête. On me recommanda de vivre en bon chrétien, d’être fidèle à la grâce; on me souhaita bonne fortune, on ferma sur moi la porte, et tout disparut.

      Ainsi s’éclipsèrent en un instant toutes mes grandes espérances, et il ne me resta de la démarche intéressée que je venais de faire que le souvenir d’avoir été apostat et dupe tout à la fois. Il est aisé de juger quelle brusque révolution dut se faire dans mes idées, lorsque de mes brillants projets de fortune je me vis tomber dans la plus complète misère, et qu’après avoir délibéré le matin sur le choix du palais que j’habiterais, je me vis le soir réduit à coucher dans la rue. On croira que je commençai par me livrer à un désespoir d’autant plus cruel que le regret de mes fautes devait s’irriter, en me reprochant que tout mon malheur était mon ouvrage. Rien de tout cela. Je venais pour la première fois de ma vie d’être enfermé pendant plus de deux mois; le premier sentiment que je goûtai fut celui de la liberté que j’avais recouvrée. Après un long esclavage, redevenu maître de moi-même et de mes actions, je me voyais au milieu d’une grande ville abondante en ressources, pleine de gens de condition dont mes talents et mon mérite ne pouvaient manquer de me faire accueillir sitôt que j’en serais connu. J’avais de plus tout le temps d’attendre, et vingt francs que j’avais dans ma poche me semblaient un trésor qui ne pouvait s’épuiser. J’en pouvais disposer à mon gré sans rendre compte à personne. C’était la première fois que je m’étais vu si riche. Loin de me livrer au découragement et aux larmes, je ne fis que changer d’espérances, et l’amour-propre n’y perdit rien. Jamais je ne me sentis tant de confiance et de sécurité; je croyais déjà ma fortune faite, et je trouvais beau de n’en avoir l’obligation qu’à moi seul.

      La première chose que je fis fut de satisfaire ma curiosité en parcourant toute la ville, quand ce n’eût été que pour faire un acte de ma liberté. J’allais voir monter la garde; les instruments militaires me plaisaient beaucoup. Je suivis des processions; j’aimais le faux-bourdon des prêtres; j’allai voir le palais du roi; j’en approchais avec crainte; mais voyant d’autres gens entrer, je fis comme eux; on me laissa faire. Peut-être dus-je cette grâce au petit paquet que j’avais sous le bras. Quoi qu’il en soit, je conçus une grande opinion de moi-même, en me trouvant dans ce palais; déjà je m’en regardais presque comme un habitant. Enfin, à force d’aller et venir, je me lassai; j’avais faim, il faisait chaud: j’entrai chez une marchande de laitage; on me donna de la giunca, du lait caillé, et avec deux grisses de cet excellent pain de Piémont, que j’aime plus qu’aucun autre, je fis pour mes cinq ou six sols un des bons dîners que j’aie faits de mes jours.

      Il fallut chercher un gîte. Comme je savais déjà assez de piémontais pour me faire entendre, il ne me fut pas difficile à trouver, et j’eus la prudence de le choisir plus selon ma bourse que selon mon goût. On m’enseigna dans la rue du Pô la femme d’un soldat qui retirait à un sol par nuit des domestiques hors de service.

      Je trouvai chez elle un grabat vide, et je m’y établis. Elle était jeune et nouvellement mariée, quoiqu’elle eût déjà cinq ou six enfants. Nous couchâmes tous dans la même chambre, la mère, les enfants, les hôtes; et cela dura de cette façon tant que je restai chez elle. Au demeurant c’était une bonne femme, jurant comme un charretier, toujours débraillée et décoiffée, mais douce de cœur, officieuse, qui me prit en amitié, et qui même me fut utile.

      Je passai plusieurs jours à me livrer uniquement au plaisir de l’indépendance et de la curiosité. J’allais errant dedans et dehors la ville, furetant, visitant tout ce qui me paraissait curieux et nouveau; et tout l’était pour un jeune homme sortant de sa niche, qui n’avait jamais vu de capitale. J’étais surtout fort exact à faire ma cour, et j’assistais régulièrement tous les matins à la messe du roi. Je trouvais beau de me voir dans la même chapelle avec ce prince et sa suite: mais ma passion pour la musique, qui commençait à se déclarer,


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