Эротические рассказы

La Terre. Emile ZolaЧитать онлайн книгу.

La Terre - Emile Zola


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tête, que tu ne peux seulement rien dire?.. Papa, papa, dis, réponds!

      – Descendez, vaut mieux le tirer de là, fit remarquer Jean avec sagesse.

      Elles ne l'aidaient point, elles s'exclamaient plus fort. Heureusement, une voisine, la Frimat, attirée par le bruit, se montra enfin. C'était une grande vieille sèche, osseuse, qui depuis deux ans soignait son mari paralytique, et qui le faisait vivre en cultivant elle-même, avec une obstination de bête de somme, l'unique arpent qu'ils possédaient. Elle ne se troubla pas, sembla juger l'aventure naturelle; et, comme un homme, elle donna un coup de main. Jean empoigna Mouche par les épaules, le tira, jusqu'à ce que la Frimat pût le saisir par les jambes. Puis, ils l'emportèrent, l'entrèrent dans la maison.

      – Où est-ce qu'on le met? demanda la vieille.

      Les deux filles, qui suivaient, la tête perdue, ne savaient pas. Leur père habitait, en haut, une petite chambre, prise sur le grenier; et il n'était guère possible de le monter. En bas, après la cuisine, il y avait la grande chambre à deux lits, qu'il leur avait cédée. Dans la cuisine, il faisait nuit noire, le jeune homme et la vieille femme attendaient, les bras cassés, n'osant avancer davantage, de peur de culbuter contre un meuble.

      – Voyons, faudrait se décider, pourtant!

      Françoise, enfin, alluma une chandelle. Et, à ce moment, entra la Bécu, la femme du garde champêtre, avertie par son flair sans doute, par cette force secrète, qui, en une minute, porte une nouvelle d'un bout à l'autre d'un village.

      – Hein! qu'a-t-il, le pauvre cher homme?.. Ah! je vois, le sang lui a tourné dans le corps… Vite, asseyez-le sur une chaise.

      Mais la Frimat fut d'un avis contraire. Est-ce qu'on asseyait un homme qui ne pouvait se tenir! Le mieux était de l'allonger sur le lit d'une de ses filles. Et la discussion s'aigrissait, lorsque parut Fanny avec Nénesse: elle avait appris la chose en achetant du vermicelle chez Macqueron, elle venait voir, remuée, à cause de ses cousines.

      – Peut-être bien, déclara-t-elle, qu'il faut l'asseoir, pour que le sang coule.

      Alors, Mouche fut tassé sur une chaise, près de la table, où brûlait la chandelle. Son menton tomba sur sa poitrine, ses bras et ses jambes pendirent. L'oeil gauche s'était ouvert, dans le tiraillement de cette moitié de la face, et le coin de la bouche tordue sifflait plus fort. Il y eut un silence, la mort envahissait la pièce humide, au sol de terre battue, aux murs lépreux, à la grande cheminée noire.

      Jean attendait toujours, gêné, tandis que les deux filles et les trois femmes, les mains ballantes, considéraient le vieux.

      – J'irai bien encore chercher le médecin, hasarda le jeune homme.

      La Bécu hocha la tête, aucune des autres ne répondit: si ça ne devait rien être, pourquoi dépenser l'argent d'une visite? et si c'était la fin, est-ce que le médecin y ferait quelque chose?

      – Ce qui est bon, c'est le vulnéraire, dit la Frimat.

      – Moi, murmura Fanny, j'ai de l'eau-de-vie camphrée.

      – C'est bon aussi, déclara la Bécu.

      Lise et Françoise, hébétées maintenant, écoutaient, ne se décidaient à rien, l'une berçant Jules, son petit, l'autre les mains embarrassées d'une tasse pleine d'eau, que le père n'avait pas voulu boire. Et Fanny, voyant ça, bouscula Nénesse, absorbé devant la grimace du mourant.

      – Tu vas courir chez nous et tu diras qu'on te donne la petite bouteille d'eau-de-vie camphrée, qui est à gauche, dans l'armoire… Tu entends? dans l'armoire, à gauche… Et passe chez grand-père Fouan, passe chez ta tante, la Grande, dis-leur que l'oncle Mouche est très mal… Cours, cours vite!

      Quand le gamin eut disparu d'un bond, les femmes continuèrent de disserter sur le cas. La Bécu connaissait un monsieur qu'on avait sauvé, en lui chatouillant la plante des pieds pendant trois heures. La Frimat, s'étant souvenue qu'il lui restait du tilleul, sur les deux sous achetés l'autre hiver pour son homme, alla le chercher; et elle revenait avec le petit sac, Lise allumait du feu, après avoir passé son enfant à Françoise, lorsque Nénesse reparut.

      – Grand-père Fouan était couché… La Grande a dit comme ça que, si l'oncle Mouche n'avait pas tant bu, il n'aurait pas si mal au coeur…

      Mais Fanny examinait la bouteille qu'il lui remettait, et elle s'écria:

      – Imbécile, je t'avais dit à gauche!.. Tu m'apportes l'eau de Cologne.

      – C'est bon aussi, répéta la Bécu.

      On fit prendre de force au vieux une tasse de tilleul, en introduisant la cuiller entre ses dents serrées. Puis, on lui frictionna la tête avec l'eau de Cologne. Et il n'allait pas mieux, c'était désespérant. Sa face avait encore noirci, on fut obligé de le remonter sur la chaise, car il s'effondrait, il menaçait de s'aplatir par terre.

      – Oh! murmura Nénesse, retourné sur la porte, je ne sais pas ce qu'il va pleuvoir… Le ciel est d'une drôle de couleur.

      – Oui, dit Jean, j'ai vu grandir un vilain nuage.

      Et, comme ramené à sa première idée:

      – N'empêche, j'irai bien encore chercher le médecin, si l'on veut.

      Lise et Françoise se regardaient, anxieuses. Enfin, la seconde se décida, avec la générosité de son jeune âge.

      – Oui, oui, Caporal, allez à Cloyes chercher M. Finet… Il ne sera pas dit que nous n'aurons pas fait ce que nous devons faire.

      Le cheval, au milieu de la bousculade, n'avait pas même été dételé, et Jean n'eut qu'à sauter dans la carriole. On entendit le bruit de ferraille, la fuite cahotée des roues. La Frimat, alors, parla du curé; mais les autres, d'un geste, dirent qu'on se donnait déjà assez de mal. Et Nénesse ayant proposé de faire à pied les trois kilomètres de Bazoches-le-Doyen, sa mère se fâcha: bien sûr qu'elle ne le laisserait pas galoper par une nuit si menaçante, sous cet affreux ciel couleur de rouille. D'ailleurs, puisque le vieux n'entendait ni ne répondait, autant aurait-il valu déranger le curé pour une borne.

      Dix heures sonnèrent au coucou de bois peint. Ce fut une surprise: dire qu'on était là depuis plus de deux heures, sans avancer en besogne! Et pas une ne parlait de lâcher pied, retenue par le spectacle, voulant voir jusqu'au bout. Un pain de dix livres était sur la huche, avec un couteau. D'abord, les filles, déchirées de faim malgré leur angoisse, se coupèrent machinalement des tartines, qu'elles mangeaient toutes sèches, sans savoir; puis, les trois femmes les imitèrent, le pain diminua, il y en avait continuellement une qui taillait et qui croûtonnait. On n'avait pas allumé d'autre chandelle, on négligeait même de moucher celle qui brûlait; et ce n'était pas gai, cette cuisine sombre et nue de paysan pauvre, avec le râle d'agonie de ce corps tassé près de la table.

      Tout d'un coup, une demi-heure après le départ de Jean, Mouche culbuta et s'étala par terre. Il ne soufflait plus, il était mort.

      – Qu'est-ce que je disais? on a voulu aller chercher le médecin! fit remarquer la Bécu d'une voix aigre.

      Françoise et Lise éclatèrent de nouveau en larmes. D'un élan instinctif, elles s'étaient jetées au cou l'une de l'autre, dans leur adoration de soeurs tendres. Et elles répétaient, en paroles entrecoupées:

      – Mon Dieu! nous ne sommes plus que nous deux… C'est fini, il n'y a plus que nous deux… Qu'est-ce que nous allons devenir! mon Dieu?

      Mais on ne pouvait laisser le mort par terre. En un tour de main, la Frimat et la Bécu firent l'indispensable. Comme elles n'osaient transporter le corps, elles retirèrent le matelas d'un lit, elles l'apportèrent et y allongèrent Mouche, en le recouvrant d'un drap, jusqu'au menton. Pendant ce temps, Fanny, ayant allumé les chandelles de deux autres chandeliers, les posait sur le sol, en guise de cierges, à droite et à gauche de la tête. C'était bien, pour le moment: sauf que l'oeil gauche, refermé trois fois d'un coup de pouce, s'obstinait à se rouvrir, et semblait regarder le monde, dans cette face décomposée et violâtre, qui tranchait sur la blancheur de la toile.

      Lise


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