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La confession d'un enfant du siècle. Альфред де МюссеЧитать онлайн книгу.

La confession d'un enfant du siècle - Альфред де Мюссе


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était bien chère; ils firent voir l’horreur de la guerre et appelèrent boucherie les hécatombes. Et ils parlèrent tant et si longtemps que toutes les illusions humaines, comme des arbres en automne, tombaient feuille à feuille autour d’eux, et que ceux qui les écoutaient passaient leur main sur leur front, comme des fiévreux qui s’éveillent.

      Les uns disaient: Ce qui a causé la chute de l’empereur, c’est que le peuple n’en voulait plus; les autres: Le peuple voulait le roi; non, la liberté; non, la raison; non, la religion; non, la constitution anglaise; non, l’absolutisme; un dernier ajouta: Non! rien de tout cela, mais le repos. Et ils continuèrent ainsi, tantôt raillant, tantôt disputant, pendant nombre d’années, et, sous prétexte de bâtir, démolissant tout pierre à pierre, si bien qu’il ne passait plus rien de vivant dans l’atmosphère de leurs paroles, et que les hommes de la veille devenaient tout à coup des vieillards.

      Trois éléments partageaient donc la vie qui s’offrait alors aux jeunes gens: derrière eux un passé à jamais détruit, s’agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l’absolutisme; devant eux l’aurore d’un immense horizon, les premières clartés de l’avenir; et encore ces deux mondes… quelque chose de semblable à l’Océan qui sépare le vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et de flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l’avenir, qui n’est ni l’un ni l’autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l’on ne sait, à chaque pas qu’on fait, si l’on marche sur une semence ou sur un débris.

      Voilà dans quel chaos il fallut choisir alors; voilà ce qui se présentait à des enfants pleins de force et d’audace, fils de l’empire et petits-fils de la révolution.

      Or, du passé, ils n’en voulaient plus, car la foi en rien ne se donne; l’avenir, ils l’aimaient, mais quoi? comme Pygmalion Galathée; c’était pour eux comme une amante de marbre, et ils attendaient qu’elle s’animât, que le sang colorât ses veines.

      Il leur restait donc le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n’est ni la nuit ni le jour; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d’ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d’un froid terrible. L’angoisse de la mort leur entra dans l’âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié foetus; ils s’en approchèrent comme le voyageur à qui l’on montre à Strasbourg la fille d’un vieux comte de Saverdern, embaumée dans sa parure de fiancée. Ce squelette enfantin fait frémir, car ses mains fluettes et livides portent l’anneau des épousées, et sa tête tombe en poussière au milieu des fleurs d’oranger.

      Comme à l’approche d’une tempête il passe dans les forêts un vent terrible qui fait frissonner tous les arbres, à quoi succède un profond silence, ainsi Napoléon avait tout ébranlé en passant sur le monde; les rois avaient senti vaciller leur couronne, et, portant leur main à leur tête, ils n’y avaient trouvé que leurs cheveux hérissés de terreur. Le pape avait fait trois cents lieues pour le bénir au nom de Dieu et lui poser son diadème; mais il le lui avait pris des mains. Ainsi tout avait tremblé dans cette forêt lugubre des puissances de la vieille Europe; puis le silence avaitsuccédé.

      On dit que, lorsqu’on rencontre un chien furieux, si l’on a le courage de marcher gravement, sans se retourner, et d’une manière régulière, le chien se contente de vous suivre pendant un certain temps, en grommelant entre ses dents; tandis que, si on laisse échapper un geste de terreur, si on fait un pas trop vite, il se jette sur vous et vous dévore; car une fois la première morsure faite, il n’y a plus moyen de lui échapper.

      Or, dans l’histoire européenne, il était arrivé souvent qu’un souverain eût fait ce geste de terreur et que son peuple l’eût dévoré; mais si un l’avait fait, tous ne l’avaient pas fait en même temps, c’est-à-dire qu’un roi avait disparu, mais non la majesté royale. Devant Napoléon la majesté royale l’avait fait ce geste qui perd tout, et non seulement la majesté, mais la religion, mais la noblesse, mais toute puissance divine et humaine.

      Napoléon mort, les puissances divines et humaines étaient bien rétablies de fait; mais la croyance en elles n’existait plus. Il y a un danger terrible à savoir ce qui est possible, car l’esprit va toujours plus loin. Autre chose est de se dire: Ceci pourrait être, ou de se dire: Ceci a été; c’est la première morsure du chien.

      Napoléon despote fut la dernière lueur de la lampe du despotisme; il détruisit et parodia les rois, comme Voltaire les livres saints. Et après lui on entendit un grand bruit, c’était la pierre de Sainte-Hélène qui venait de tomber sur l’ancien monde. Aussitôt parut dans le ciel l’astre glacial de la raison; et ses rayons, pareils à ceux de la froide déesse des nuits, versant de la lumière sans chaleur, enveloppèrent le monde d’un suaire livide. On avait bien vu jusqu’alors des gens qui haïssaient les nobles, qui déclamaient contre les prêtres, qui conspiraient contre les rois; on avait bien crié contre les abus et les préjugés; mais ce fut une grande nouveauté que de voir le peuple en sourire. S’il passait un noble, ou un prêtre, ou un souverain, les paysans qui avaient fait la guerre commençaient à hocher la tête et à dire: «Ah! celui-là en temps et lieu; il avait un autre visage.» Et quand on parlait du trône et de l’autel, ils répondaient: «Ce sont quatre ais de bois; nous les avons cloués et décloués.» Et quand on leur disait: «Peuple, tu es revenu des erreurs qui t’avaient égaré; tu as rappelé tes rois et tes prêtres»; ils répondaient: «Ce n’est pas nous; ce sont ces bavards-là.» Et quand on leur disait: «Peuple, oublie le passé, laboure et obéis», ils se redressaient sur leurs sièges, et on entendait un sourd retentissement. C’était un sabre rouillé et ébréché qui avait remué dans un coin de la chaumière. Alors on ajoutait aussitôt: «Reste en repos du moins; si on ne te nuit pas, ne cherche pas à nuire.» Hélas! ils se contentaient de cela.

      Mais la jeunesse ne s’en contentait pas. Il est certain qu’il y a dans l’homme deux puissances occultes qui combattent jusqu’à la mort; l’une, clairvoyante et froide, s’attache à la réalité, la calcule, la pèse, et juge le passé; l’autre a soif de l’avenir et s’élance vers l’inconnu. Quand la passion emporte l’homme, la raison le suit en pleurant et en l’avertissant du danger; mais dès que l’homme s’est arrêté à la voix de la raison, dès qu’il s’est dit: C’est vrai, je suis un fou; où allais-je? la passion lui crie: Et moi, je vais donc mourir?

      Un sentiment de malaise inexprimable commença donc à fermenter dans tous les cœurs jeunes. Condamnés au repos par les souverains du monde, livrés aux cuistres de toute espèce, à l’oisiveté et à l’ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d’eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leur bras. Tous ces gladiateurs frottés d’huile se sentaient au fond de l’âme une misère insupportable. Les plus riches se firent libertins; ceux d’une fortune médiocre prirent un état et se résignèrent soit à la robe, soit à l’épée; les plus pauvres se jetèrent dans l’enthousiasme à froid, dans les grands mots, dans l’affreuse mer de l’action sans but. Comme la faiblesse humaine cherche l’association et que les hommes sont troupeaux de nature, la politique s’en mêla. On s’allait battre avec les gardes du corps sur les marches de la chambre législative, on courait à une pièce de théatre où Talma portait une perruque qui le faisait ressembler à César, on se ruait à l’enterrement d’un député libéral. Mais des membres des deux partis opposés, il n’en était pas un qui, en rentrant chez lui, ne sentît amèrement le vide de son existence et la pauvreté de ses mains. En même temps que la vie du dehors était si pâle et si mesquine, la vie intérieure de la société prenait un aspect sombre et silencieux; l’hypocrisie la plus sévère régnaient dans les mœurs; les idées anglaises se joignant à la dévotion, la gaîté même avait disparu. Peut-être était-ce la Providence qui préparait déjà ses voies nouvelles; peut-être était-ce l’ange avant-coureur des sociétés futures qui semait déjà dans le cœur des femmes les germes de l’indépendance humaine, que quelque jour elles réclameront. Mais il est certain que tout


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