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La confession d'un enfant du siècle. Альфред де МюссеЧитать онлайн книгу.

La confession d'un enfant du siècle - Альфред де Мюссе


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pièce à pièce et les broderies fleur à fleur. C’est la raison humaine qui a renversé toutes les illusions; mais elle en porte elle-même le deuil, afin qu’on la console.

      Les mœurs des étudiants et des artistes, ces mœurs si libres, si belles, si pleines de jeunesse, se ressentirent du changement universel. Les hommes, en se séparant des femmes, avaient chuchoté un mot qui blesse à mort: le mépris; ils s’étaient jetés dans le vin et dans les courtisanes. Les étudiants et les artistes s’y jetèrent aussi; l’amour était traité comme la gloire et la religion; c’était une illusion ancienne. On allait donc aux mauvais lieux; la grisette , cette classe si rêveuse, si romanesque, et d’un amour si tendre et si doux, se vit abandonnée aux comptoirs des boutiques. Elle était pauvre, et on ne l’aimait plus; elle voulut avoir des robes et des chapeaux: elle se vendit. Ô misère! le jeune homme qui aurait dû l’aimer; qu’elle aurait aimé elle-même, celui qui la conduisait autrefois aux bois de Verrières et de Romainville, aux danses sur le gazon, aux soupers sous l’ombrage; celui qui venait causer le soir sous la lampe, au fond de la boutique, durant les longues veillées d’hiver; celui qui partageait avec elle son morceau de pain trempé de la sueur de son front, et son amour sublime et pauvre; celui-là, ce même homme, après l’avoir délaissée, la retrouvait quelque soir d’orgie au fond du lupana, pâle et plombée, à jamais perdue, avec la faim sur les lèvres et la prostitution dans le cœur.

      Or, vers ce temps-là, deux poètes, les deux plus beaux génies du siècle après Napoléon, venaient de consacrer leur vie à rassembler tous les éléments d’angoisse et de douleur épars dans l’univers. Goethe, le patriarche d’une littérature nouvelle, après avoir peint dans Werther la passion qui mène au suicide, avait tracédans son Faust la plus sombre figure humaine qui eût jamais représenté le mal et le malheur. Ses écrits commencèrent alors à passer d’Allemagne en France.

      Du fond de son cabinet d’étude, entouré de tableaux et de statues, riche, heureux et tranquille, il regardait venir à nous son œuvre de ténèbres avec un sourire paternel. Byron lui répondit par un cri de douleur qui fit tressaillir la Grèce, et suspendit Manfred sur les abîmes, comme si le néant eût été le mot de l’énigme hideuse dont il s’enveloppait.

      Pardonnez-moi, ô grands poètes, qui êtes maintenant un peu de cendre et qui reposez sous la terre; pardonnez-moi! vous êtes des demi-dieux, et je ne suis qu’un enfant qui souffre. Mais en écrivant tout ceci, je ne puis m’empêcher de vous maudire. Que ne chantiez-vous le parfum des fleurs, les voix de la nature, l’espérance et l’amour, la vigne et le soleil, l’azur et la beauté? Sans doute vous connaissiez la vie, et sans doute vous aviez souffert; et le monde croulait autour de vous, et vous pleuriez sur ses ruines, et vous désespériez; et vos maîtresses vous avaient trahis, et vos amis calomniés, et vos compatriotes méconnus; et vous aviez le vide dans le cœur, la mort devant les yeux, et vous étiez des colosses de douleur. Mais dites-moi, vous, noble Goethe, n’y avait-il plus de voix consolatrice dans le murmure religieux de vos vieilles forêts d’Allemagne? Vous pour qui la belle poésie était la sœur de la science, ne pou-vaient-elles à elles deux trouver dans l’immortelle nature une plante salutaire pour le cœur de leur favori? Vous qui étiez un panthéiste, un poète antique de la Grèce, un amant des formes sacrées, ne pouviez-vous mettre un peu de miel dans ces beaux vases que vous saviez faire, vous qui n’aviez qu’à sourire et à laisser les abeilles vous venir sur les lèvres? Et toi, et toi, Byron, n’avais-tu pas près de Ravenne, sous tes orangers d’Italie, sous ton beau ciel vénitien, près de ta chère Adriatique, n’avais-tu pas ta bien-aimée? Ô Dieu! moi qui te parle, et qui ne suis qu’un faible enfant, j’ai connu peut-être des maux que tu n’as pas soufferts, et cependant je crois encore à l’espérance, et cependant je bénis Dieu.

      Quand les idées anglaises et allemandes passèrent ainsi sur nos têtes, ce fut comme un dégoût morne et silencieux, suivi d’une convulsion terrible. Car formuler des idées générales, c’est changer le salpêtre en poudre, et la cervelle homérique du grand Goethe avait sucé, comme un alambic, toute la liqueur du fruit défendu. Ceux qui ne lurent pas alors crurent n’en rien savoir. Pauvre créatures! l’explosion les emporta comme des grains de poussière dans l’abîme du doute universel.

      Ce fut comme une dénégation de toutes choses du ciel et de la terre, qu’on peut nommer désenchantement, ou si l’en veut, désespérance , comme si l’humanité en léthargie avait été crue morte par ceux qui lui tâtaient le pouls. De même que ce soldat à qui l’on demanda jadis: A quoi crois-tu? et qui le premier répondit: A moi; ainsi la jeunesse de France, entendant cette question, répondit la première: A rien.

      Dès alors il se forma comme deux camps: d’une part, les esprits exaltés, souffrants, toutes les âmes expansives qui ont besoin de l’infini, plièrent la tête en pleurant; ils s’enveloppèrent de rêves maladifs, et l’on ne vit plus que de frêles roseaux sur un océan d’amertume. D’une autre part, les hommes de chair restèrent debout, inflexibles, au milieu des jouissances positives, et il ne leur prit d’autre souci que de compter l’argent qu’ils avaient. Ce ne fut qu’un sanglot et un éclat de rire, l’un venant de l’âme, et l’autre du corps.

      Voici donc ce que disait l’âme:

      Hélas! hélas! la religion s’en va; les nuages du ciel tombent en pluie; nous n’avons plus ni espoir ni attente, pas deux petits morceaux de bois noir en croix devant lesquels tendre les mains. Le fleuve de la vie charrie de grands glaçons sur lesquels flottent les ours du pôle. L’astre de l’avenir se lève à peine; il ne peut sortir de l’horizon; il y reste enveloppé de nuages, et comme le soleil en hiver, son disque y apparaît d’un rouge de sang qu’il a gardé de quatre-vingt-treize. Il n’y a plus d’amour, il n’y a plus de gloire. Quelle épaisse nuit sur la terre! Et nous serons morts quand il fera jour.

      Voici donc ce que disait le corps:

      L’homme est ici-bas pour se servir de ses sens; il a plus ou moins de morceaux d’un métal jaune ou blanc avec quoi il a droit à plus ou moins d’estime. Manger, boire et dormir, c’est vivre. Quand aux liens qui existent entre les hommes, l’amitié consiste à prêter de l’argent; mais il est rare d’avoir un ami qu’on puisse aimer assez pour cela. La parenté sert aux héritages: l’amour est un exercice du corps; la seule jouissance intellectuelle est la vanité.

      De même que, dans la machine pneumatique une balle de plomb et un duvet tombent aussi vite l’une que l’autre dans la vide, ainsi les plus fermes esprits subirent alors le même sort que les plus faibles et tombèrent aussi avant dans les ténèbres. De quoi sert la force lorsqu’elle manque de point d’appui? Il n’y a point de ressource contre le vide. Je n’en veux d’autre preuve que Goethe lui-même, qui, lorsqu’il nous fit tant de mal, avait ressenti la souffrance de Faust avant de la répandre, et avait succombé comme tant d’autres, lui, fils de Spinosa, qui n’avait qu’à toucher la terre pour revivre, comme le fabuleux Antée.

      Mais, pareille à la peste asiatique exhalée des vapeurs du Gange, l’affreuse désespérance marchait à grands pas sur la terre. Déjà Chateaubriand, prince de poésie, enveloppant l’horrible idole de son manteau de pèlerin, l’avait placée sur un autel de marbre, au milieu des parfums des encensoirs sacrés. Déjà, pleins d’une force désormais inutile, les enfants du siècle raidissaient leurs mains oisives et buvaient dans leur coupe stérile le breuvage empoisonné. Déjà tout s’abîmait, quand les chacals sortirent de terre. Une littérature cadavéreuse et infecte, qui n’avait que la forme, mais une forme hideuse, commença d’arroser d’un sang fétide tous les monstres de la nature.

      Qui osera jamais raonter ce qui se passait alors dans les collèges? Les hommes doutaient de tout: les jeunes gens nièrent tout. Les poètes chantaient le désespoir: les jeunes gens sortirent des écoles avec le front serein, le visage frais et vermeil, et le blasphème à la bouche. D’ailleurs le caractère français, qui de sa nature est gai et ouvert, prédominant toujours, les cerveaux se remplirent aisément des idées anglaises et allemandes, mais les cœurs, trop légers pour lutter et pour souffrir, se flétrirent comme des fleurs fanées. Ainsi le principe de mort descendit froidement


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