A fond de cale. Майн РидЧитать онлайн книгу.
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
PUBLIÉS DANS LA BIBLIOTHÈQUE ROSE ILLUSTRÉE
PAR LA LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie
À fond de cale, avec 12 vignettes. 1 volume.
Bruin, ou les Chasseurs d'ours, avec 8 grandes vignettes. 1 volume.
Les Chasseurs de plantes, avec 12 grandes vignettes. 1 vol.
Les Chasseurs de girafes, avec 10 grandes vignettes. 1 volume.
Les Exilés dans la forêt, avec 12 grandes vignettes. 1 volume.
Les Grimpeurs de rochers, avec 20 grandes vignettes. 1 vol.
Les Peuples étranges, avec 24 vignettes. 1 volume.
Les Vacances des jeunes Boërs, avec 12 grandes vignettes. 1 volume.
Les Veillées de chasse, avec 43 vignettes. 1 volume.
L'Habitation du désert, avec 24 vignettes. 1 volume.
La Chasse au Léviathan, avec 51 vignettes. 1 volume.
Les Naufragés de la «Calypso», avec 55 vignettes. 1 volume.
Prix de chaque volume, broché: 2 fr. 25 c.
La reliure en percaline rouge se paye en sus: tranches jaspées, 1 fr.;
tranches dorées, 1 fr. 25
Coulommiers.—Imp. Paul BRODARD.
Mon auditoire.
À
FOND DE CALE.
CHAPITRE I.
Mon auditoire.
Mon nom est Philippe Forster, et je suis maintenant un vieillard. J'habite un petit village paisible, situé au fond d'une grande baie, l'une des plus étendues qu'il y ait dans tout le royaume.
Bien que mon village se glorifie d'être un port de mer, j'ai eu raison de le qualifier de paisible; jamais épithète ne fut plus méritée. On y trouve cependant un môle de granit, et, en général, on remarque le long de ce petit môle deux sloops1, un ou deux schooners2, et de temps en temps un brick3. Les grands vaisseaux ne peuvent pas entrer dans le port; mais on y voit toujours un grand nombre de barques, les unes traînées sur la grève, les autres glissant sur l'onde, aux environs de la baie. Vous en concluez sans doute que la pêche est la principale industrie de mon village, et vous avez raison.
[1] Sloop, qui se prononce sloup, est le nom d'un navire qui n'a qu'un mât, et qui, destiné au cabotage, est construit pour naviguer près des côtes.
[2] Petit bâtiment ayant deux mâts et qui est gréé comme une goëlette.
[3] Bâtiment ayant un grand mât et un mât de misaine, et qui porte des hunes.
C'est là que je suis né, et mon intention est d'y mourir.
Malgré cela, mes concitoyens savent très-peu de chose à mon égard. Ils m'appellent capitaine Forster, ou plus spécialement capitaine, comme étant la seule personne qui dans le pays ait quelque droit à cette qualification.
Je ne la mérite même pas: je n'ai jamais été dans l'armée, et j'ai tout simplement dirigé un navire du commerce; en d'autres termes je n'ai droit qu'au titre de patron; mais la politesse de mes concitoyens me donne celui de capitaine.
Ils savent que j'habite une jolie maisonnette à cinq cents pas du village, en suivant la grève, et que je vis complétement seul, car ma vieille gouvernante ne peut pas être considérée comme me tenant compagnie, ils me voient tous les jours traverser leur bourgade, mon télescope sous le bras, me rendre sur le môle, parcourir la mer jusqu'à l'horizon avec ma lunette, et revenir chez moi, ou flâner sur la côte pendant une heure ou deux. C'est à peu près tout ce que ces braves gens connaissent de ma personne, de mes habitudes, et de mon histoire.
Le bruit court parmi eux que j'ai été un grand voyageur. Ils savent que j'ai une bibliothèque nombreuse, que je lis beaucoup, et se sont mis dans la tête que je suis un savant miraculeux.
J'ai fait de grands voyages, il est vrai, et je consacre à la lecture une grande partie de mon temps; mais ces bons villageois se trompent fort, quant à l'étendue de mon savoir. J'ai été privé des avantages d'une bonne éducation; et le peu de connaissances que j'ai acquises l'a été sans maître, pendant les courts loisirs que m'a laissés une vie active.
Cela vous étonne que je sois si peu connu dans l'endroit où je suis né; mais la chose est bien simple: je n'avais pas douze ans lorsque j'ai quitté le pays, et j'en suis resté plus de quarante sans y remettre les pieds.
J'étais parti enfant, je revenais la tête grise, et complétement oublié de ceux qui m'avaient vu naître. C'est tout au plus s'ils avaient conservé le souvenir de mes parents. Mon père, qui d'ailleurs était marin, n'avait presque jamais été chez lui; et tout ce que je me rappelle à son égard, c'est le chagrin que je ressentis lorsqu'on vint nous apprendre qu'il avait fait naufrage, et que son bâtiment s'était perdu corps et biens. Ma mère, hélas! ne lui survécut pas longtemps; et leur mort était déjà si éloignée de nous, à l'époque de mon retour, qu'on ne doit pas être surpris de ce qu'ils étaient oubliés. C'est ainsi que je fus étranger dans mon pays natal.
Ne croyez pas néanmoins que je vive dans un complet isolement; si j'ai quitté la marine avec l'intention de finir mes jours en paix, ce n'est pas un motif pour que j'aie l'humeur taciturne et le caractère morose. J'ai toujours aimé la jeunesse, et, bien que je sois vieux aujourd'hui, la société des jeunes gens m'est extrêmement agréable, surtout celle des petits garçons. Aussi puis-je me vanter d'être l'ami de tous les gamins