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Au soleil de juillet (1829-1830). Paul AdamЧитать онлайн книгу.

Au soleil de juillet (1829-1830) - Paul Adam


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bleus. La plupart saluaient au passage, en se félicitant de la température. Des cavaliers poudreux arrivaient, cravachant leurs bidets maigres, franchissaient le pont-levis entre la courtine de briques et le talus de la contrescarpe, pour s'engager sous les voûtes de la place dans l'ossature de murailles angulaires coiffées de gazon, qui sertissaient la ville aux mille cloches sonnantes. Les carrioles rustiques encombraient les couloirs des portes fortifiées. Les campagnards criaient des bonjours en patois, s'admiraient les uns les autres, se félicitaient de leurs courtes blouses, de leurs chapeaux en forme haute, mais devenus flasques et roux à l'usage. Ils tiraient par une seule corde sur la bouche de leurs bêtes pataudes, dont les paturons étaient barbus.

      Les cousins non sans peine se frayèrent passage parmi les ânes que chevauchaient les paysannes aux bas noirs, et qu'elles tapaient du poing. La rue de maisonnettes sentait l'huile, le tan, la corne brûlée au sabot du cheval que l'on ferrait sous le hangar de la forge. Des brasseurs en jupon et en gilet roulaient leurs tonneaux sonores. L'herbe sèche enodorait la boutique de l'herboriste. Le militaire époussetait son pantalon blanc sur le seuil du marchand de tabac. Une fille déboucla sa jarretière à l'ombre d'un porche; elle tirait son bas bleu sur une jambe fine. Des garçons hissaient contre une façade, par la poulie suspendue au pignon, les bottes de foin qu'un vieux en bonnet de coton, attrapait de sa fenêtre, et emmagasinait. Le shako noir d'un chasseur, sa veste verte, et son sabre retentissant, attiraient les œillades et les rires des servantes à genoux qui lavaient les perrons de grès bleuâtre. Trois demoiselles empanachées descendirent les marches de leur demeure. Elles tenaient leur livre de messe et leurs chapelets dans leurs mains jointes contre les pans de leurs écharpes.

      Les maraîchères étalaient sur le bât des ânesses leurs légumes avant de tirer le pied de biche des sonnettes à la porte des maisons bourgeoises. Des chiens de chasse erraient modestement, le nez à fleur de ruisseau. Devant le Café du Théâtre, les cousins aperçurent le vieux chevalier de Vimy, qui se promenait, la badine en l'air, fort satisfait de ses escarpins vernis à l'œuf, de sa culotte jaune, de son gilet de moire, de son habit tête de nègre, de ses manchettes fines et de son jabot empesé. A leur salut, il répondit en soulevant les bords plats de son chapeau. De loin, il invitait Omer à prendre un doigt de muscat chez la belle Herminie. Pour elle il avait installé ce magnifique établissement tapissé de glaces, orné de banquettes en moleskine rouge, d'un comptoir recouvert de marbre, après avoir marié cette fille à l'aubergiste Caldeneuf, l'ancien carabinier de l'empire qui, vers 1824, était opportunément décédé, lors de sa deuxième apoplexie, d'ailleurs prévue.

      Dans la fumée des pipes, Omer souhaita le bonjour aux vieux amis de l'oncle Edme, les conspirateurs de 1820. Sorti des prisons royales depuis six mois seulement, M. Boredain était devenu bouffi et presque idiot. Il ne parlait que de la retraite de Russie et du mal qu'il avait eu, bien que vélite de la garde, à changer de chemise entre Smolensk et la Bérésina. A peine les cousins furent-ils assis, qu'il les entreprit là-dessus. Puis il pria qu'en considération de ses malheurs on lui trouvât dans Paris une place de commis aux nouveautés. A colporter le drap et le velours d'Amiens dans les boutiques de l'Artois, il gagnait peu de chose.

      Atrabilaire, M. Lepault renchérit. On n'accordait rien aux vétérans de la Révolution. Ils pouvaient, comme M. Saturnin, le brasseur, avoir eu le sourcil coupé par un kaiserlick, et, la vieillesse venue, risquer de perdre l'œil; ou, comme l'épicier Bodnot, avoir perdu deux doigts au siège de Dantzig, ce qui l'empêchait de tenir les cartes; ou, comme le fermier Delorme, boiter en gardant une balle de Ligny dans la cuisse, personne ne voulait plus s'inquiéter d'eux.

      Les joueurs de dominos l'approuvèrent. Dans sa polonaise à brandebourgs, M. Lepault agitait sa maigreur en déclamant. Lui ne se plaignait pas de sa situation matérielle. Il gérait le rendement des tourbières, et cela lui suffisait. Mais, enfin, leur honneur de soldats, quels avantages obtenait-il? Aucun. Voilà qu'on les enrôlait dans l'Opposition Constitutionnelle, maintenant! Et quels vils subterfuges politiques! On les priait de suivre la procession, pour rallier à la cause du ministère l'esprit des campagnes sans effaroucher personne. Que signifiait tout cela? Depuis douze ans, on les faisait tourner comme des tontons...

      —Comme des tontons! Voilà le mot!... reprit M. Saturnin, en écartant ses jambes colossales, qui serraient trop sa panse, sur le bord du tabouret.

      —Nous avons marché avec Nantil, dans l'affaire du Bazar Français; avec Berton, dans l'affaire des Chevaliers de la Liberté. On nous a mis dans les comités philhellènes! Aujourd'hui nous voilà public de procession! C'est trop fort!

      —C'est trop fort!... conclut M. Corbehem, en donnant du poing contre la table... Votre père, monsieur Héricourt, marchait plus droit que cela, lorsqu'il sabrait les Russes, avec mon pauvre frère, sur la chaussée d'Austerlitz!...

      —L'empereur a rétabli la religion pour le peuple! rappela de loin le chevalier de Vimy.

      Il s'accoudait au palissandre du comptoir, contre le corsage de la belle Herminie. Se rappelait-elle avoir eu les prémices d'Omer autrefois dans la goguette qu'elle tenait, hors la ville, avec sa mère, veuve d'un lieutenant? Elle avait pris de l'embonpoint et trônait dignement, le col enlacé d'un boa de cygne... D'un sourire toujours spirituel elle tenta de répondre aux mines de l'avocat. Mais un hussard délicieux parut la surveiller. Elle sembla le craindre. Il frisait une moustache crépue de l'air le plus impérieux, en heurtant sa pipe contre la cimaise, pour faire tomber la cendre. Ce sous-officier ne toléra point qu'Herminie eût la mémoire plus aimable. Il se dressa dans le dolman rouge et le pantalon bleu; il lui demanda de ses nouvelles avec impertinence, de façon à bien indiquer ses droits évidents aux nouveaux venus. Sans le déconcerter beaucoup, le chevalier de Vimy le lorgna de son monocle à tige. Omer songeait aux heures de sa quatorzième année, quand la mère de cette femme, l'appelant «mon bel Hippolyte», se comparait à Phèdre, et le roulait dans son lit, le déshabillait... Quelle confusion était la sienne, lorsqu'il sentait la chair nue de la matrone sur lui! Et quelle était la force du plaisir, alors! Le temps l'émousse, hélas! Avec la fille, il avait joué comme avec une gamine de son âge, mais sans rien omettre de leurs vices réciproques. Voici qu'un hussard aimait cette Herminie jusqu'à faire le bravache; et le chevalier de Vimy aimait au point de souffrir cela.

      —Messieurs, paix-là! suppliait M. Mercœur, calmant les colères des joueurs de dominos... L'empereur ne tolérait pas l'irréligion. Le grand homme avait ses motifs.

      Ils cédèrent à l'ascendant de cet ancien officier aux dragons. Habile jadis à faire du butin en campagne, il portait un habit de drap fin, des bottes vernies et, en outre, de grosses bagues chargées de rubis, qu'il avait conquises sur les morts d'Austerlitz et de Wagram, ainsi que ses rentes, les deux montres enrichies de brillants, pendues le long de sa culotte de daim.

      Les sonneries des cloches redoublèrent. M. Mercœur paya sur le comptoir de la belle Herminie. Les groupes se formèrent pour se rendre au lieu où la procession s'arrêterait, où la mission planterait sa croix.

      Dieudonné Cavrois fut entouré par les vétérans, tandis que le chevalier de Vimy et M. Mercœur accompagnaient Omer. Ils l'accablaient de politesses et de louanges, à propos de son duel, du plaidoyer pour le major Ulbach, de ses exploits de carbonaro, rue aux Ours, et en Italie. La gloire de Cicéron avait enfin une rivale, à ce qu'ils assurèrent. Il ne tenait qu'à lui d'être député, dès qu'il aurait l'âge. Il se plaisait encore à ces flatteries, quand on se trouva sur la Terre de Cité, au centre de la multitude respectueuse et murmurante rangée en cercle contre les petites maisons de la place. Bientôt une rumeur se développa de la rue St-Aubert; les gendarmes débouchèrent, en grande tenue, le plumet au soleil, et le sabre à la hanche. Leurs chevaux lustrés avancèrent au pas. Les oursons brillaient à la lumière; les plastrons rouges et les culottes de peau jaune excitaient l'admiration des fillettes. Les versets d'un psaume furent psalmodiés par des voix mâles, et une centaine de chantres en surplis défilèrent autour de la place, jonchée de roseaux et d'herbes aquatiques, cernée d'une foule pimpante qui chuchotait avec les gens des maisons. L'arme droite, des fantassins gantés de blanc se suivaient à trois pas d'intervalle. Ils honoraient le pieux cortège par les fleurs de lys brillant à la plaque de leurs shakos évasés, par leurs buffleteries en croix


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